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Foot : la Coupe du monde 1998 pas épargnée par le dopage

Après les révélations des sénateurs sur le Tour 1998, que sait-on du Mondial de foot qui s'est achevé quelques jours après le départ de la Grande Boucle ?

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Les joueurs de l'équipe de France, vainqueurs de la Coupe du monde de football 1998 au Stade de France à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 12 juillet 1998. (POPPERFOTO / GETTY IMAGES)

"La Coupe du monde 1998 a été celle de l'EPO." Cette phrase, c'est le médecin de la Fifa Michel d'Hooghe qui l'a prononcée, avant de se rétracter. On ne saura jamais dans quelle mesure les footballeurs présents lors de la Coupe du monde disputée en juin et juillet 1998 étaient chargés : les échantillons ont été détruits à la demande de la Fifa à l'issue de la compétition. Mais un grand nombre de présomptions, révélations tardives et scandales rétroactifs alimentent le doute...

Deschamps et Zidane, les Superman de la Juventus

"Certains cadres de l'équipe de France qui évoluaient en Italie présentaient un taux d'hématocrite anormal", se souvient dans son livre L'Implosion (éditions Michel Lafon, 2010) le médecin des Bleus de 2004 à 2008, Jean-Pierre Paclet. Sur le banc des accusés, Didier Deschamps et Zinedine Zidane, qui évoluaient, au moment du Mondial, à la Juventus Turin. Deschamps affichait un taux d'hématocrite (le taux de globules rouges dans le sang) de 51,9%... ce qui aurait entraîné son interdiction de participer au Tour de France. Un taux extrêmement fluctuant (+/- 20%), pouvant indiquer une prise d'EPO.

Lors du procès de la Juventus, Deschamps et Zidane reconnaîtront seulement avoir utilisé de la créatine, un produit qui fait gonfler la masse musculaire. Ainsi qu'un complément alimentaire en fer... "Le fer est un élément nécessaire, en dose massive, pour qui prend de l’EPO", expliquaient des spécialistes italiens du dopage cités par Libération en 2004, au moment du procès.

L'époque du dopage roi

A la Juventus, il n'était pas rare de traiter les joueurs avec des médicaments qui avaient une toute autre fonction, comme soigner l'alcoolisme, rapporte le docteur Jean-Marcel Ferret, médecin des Bleus entre 1993 et 2004, devant la commission d'enquête du Sénat sur le dopage :

"En Italie, les joueurs de la Juventus prenaient énormément de produits, même en perfusion. (...) Enormément étaient détournés de leur utilité première. Il s'agissait souvent des produits utilisés pour leurs effets secondaires ou parce qu'ils contenaient un certain nombre d'éléments intéressants pour l'organisme - mais jamais interdits."

Zidane pas toujours contrôlé

Dans son livre Zidane, une vie secrète (éditions Flammarion, 2008), la journaliste Besma Lahouri met en évidence que Zizou a échappé à un contrôle lors du Mondial 1998. Pas forcément intentionnellement, cela dit. Après son expulsion lors du match face à l'Arabie saoudite, le meneur de jeu des Bleus sèche le contrôle antidopage (optionnel) post-expulsion. Comme il évitera soigneusement le contrôleur antidopage lors de sa sortie sur carton rouge, en finale du Mondial 2006.

L'affaire du contrôle de Tignes

Noël 1997. Les Bleus sont en stage de détente à Tignes. Au programme : promenade en famille sur les pistes de ski plutôt que pompes et tours de terrain. Un contrôleur antidopage du ministère des Sports se présente aux aurores. Fureur d'Aimé Jacquet, le sélectionneur national : "Il y a des jours où on a envie de prendre sa valise et d’aller ailleurs !" Le sélectionneur choisit six joueurs pour se soumettre au contrôle... et fait poireauter le contrôleur dans une chambre de l'hôtel des Bleus. L'un d'eux, Fabien Barthez, qui remplit son flacon d'urine de longues heures après l'arrivée du contrôleur, se dit "dégoûté" d'un pareil traitement.

A l'époque, l'opinion publique prend fait et cause pour les joueurs. "Tous les médias me tombent dessus de manière très violente. (...) Je me suis presque excusée sur les ondes", se souvient Marie-George Buffet devant le Sénat. Jusqu'à la victoire du 12 juillet 1998, les Bleus ne subiront plus jamais de contrôle inopiné, de loin les plus efficaces. Dans le livre Zidane, une vie secrète, on apprend de la bouche d'un des médecins qui a analysé les prélèvements qu'"un des tests réalisés en première instance présentait un taux suspect de testostérone"

1998, les médicaments interdits déferlent sur la France

Pour montrer patte blanche aux douanes françaises, chaque équipe nationale est invitée à fournir une liste des médicaments qu'elle importe pendant la durée de la Coupe du monde. Parmi eux, de l'Actovegin (produit à base de sang de veau qui permet de faire baisser le taux d'hématocrite, d'après le site cyclisme-dopage.com) et de la nandrolone, produit présent sur la liste des produits interdits, révèle L'Equipe en 2002 ! Les autorités françaises veulent procéder à des contrôles policiers dans les hôtels des équipes, comme cela se pratique sur le Tour de France. Veto de la Fifa.

Faut-il s'étonner qu'aucun joueur n'ait été contrôlé positif depuis 1994, date à laquelle l'organisme qui régit le football mondial a pris en main les contrôles antidopage ?

L'affaire du malaise de Ronaldo

Fabien Barthez boxe un ballon au-dessus de l'attaquant brésilien Ronaldo, le 12 juillet 1998 en finale de la Coupe du monde, au Stade de France à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). (BOB MARTIN / SPORTS ILLUSTRATED / GETTY IMAGES)

Version officielle : l'attaquant brésilien a fait un malaise dans sa chambre en jouant trop aux jeux vidéo, le matin de la finale du Mondial, le 12 juillet 1998. Ronaldo, gonflé à la créatine et aux anabolisants depuis son arrivée en Europe en 1994, aurait fait une mauvaise réaction à un anti-inflammatoire, analyse le spécialiste du dopage Jean-Pierre de Mondenard dans son livre Dopage dans le football (éditions Jean-Claude Gawsewitch, 2010) : "Il souffrait des genoux depuis le début du Mondial et le staff médical lui faisait des infiltrations pour qu’il puisse jouer malgré son handicap. De plus, ce genre de produit contient un anesthésique qui peut, s'il est injecté en partie dans un vaisseau sanguin, provoquer un choc avec perte de connaissance pouvant passer pour une crise d’épilepsie." Le joueur dispute quand même la rencontre, dans un état second. Nike est accusé d'avoir imposé son nom sur la feuille de match.

Une liste exhaustive ? Non. On ne connaît pas grand-chose des coulisses de l'équipe d'Angleterre, où d'après l'ancien latéral Gary Neville (sa biographie en anglais p.110), un mystérieux médecin français donnait "un coup de boost" aux joueurs. Et encore moins sur l'équipe nationale d'Italie, un pays où le championnat était ravagé par le dopage à la fin des années 90. 

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