Cet article date de plus de huit ans.

Euro 2016 : accueillir des sélections nationales, c'est "moitié plaisir, moitié tracas" pour les clubs amateurs

Pendant la compétition, 19 des 24 équipes engagées vont s'entraîner sur les pelouses de clubs amateurs. Entre fierté et problèmes, quatre d'entres eux racontent cette drôle d'expérience à francetv info.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
L'équipe d'Angleterre sur le stade des Bourgognes de l'US Chantilly, le 7 juin 2016. (PAUL ELLIS / AFP)

La saison prochaine, l'US Chantilly jouera enfin sur un terrain plat. Une nouveauté qu'elle doit à l'Euro, organisé en France du 10 juin au 10 juillet. "Il y avait une forte pente, les Anglais nous ont demandé de l'enlever", explique Dominique Louis-Dit-Trieau, président du club de football. Théâtre de rencontres de division d'honneur (première division régionale), le Stade des Bourgognes a été entièrement rénové pour accueillir, depuis le 6 juin, les entraînements des coéquipiers de Wayne Rooney, qui ont choisi la petite ville de l'Oise comme camp de base pour la compétition.

Décaissement, installation d'un substrat fibré, de la pelouse, de panneaux occultants pour les entraînements à huis clos... Les travaux ont coûté 440 000 euros, dont "une bonne moitié assurée par la mairie", précise Frédéric Servelle, adjoint au sport de la ville. L'Angleterre (80 000 euros), l'Auberge du jeu de Paume, où réside la sélection, et des subventions complètent le tour de table. Comme toutes les communes dans son cas, la ville va toucher de la part de l'UEFA une redevance de 10 000 euros pour la location des installations, assortie de bonus en cas de qualification pour les tours suivants.

"Le plus beau terrain de Picardie"

Le club se frotte les mains. "Notre équipe va bénéficier à la fin août d'un super terrain, le plus beau de Picardie, se réjouit Dominique Louis-Dit-Trieau. Et comme notre formation pratique un jeu plutôt technique, ça va donc l'avantager." Son club n'est pas le seul à profiter de l'Euro. L'US Evian-Lugrin (Haute-Savoie) fait partie des 18 autres clubs amateurs à accueillir des sélections de l'Euro. "On a gagné en attractivité, nos voisins nous jalousent, constate son président, Yann Lehoux. Les jeunes qui veulent prendre une licence vont se dire : 'On va à Evian, l'équipe d'Allemagne est passée par là'." 

Sur les bords du Léman, comme dans la forêt de Chantilly, cette arrivée d'une sélection nationale s'est accompagnée d'investissements dans le stade. Les locaux et les pelouses ont été refaits. "Ce sont des travaux qui étaient déjà dans les budgets, mais ils ont été anticipés et sont d'une meilleure qualité", pose Yann Lehoux, dont le club va également récupérer le matériel d'entraînement des Allemands (ballons, mannequins pour les coups francs). Surtout, il compte sur cette remise à neuf pour attirer d'avantage de clubs professionnels lors des stages de pré-saison, comme ce fut le cas des équipes anglaises de West Ham en 2014 ou Stoke City en 2015. "On met les photos dans le club-house. Quand les adversaires viennent le week-end, ils voient qu’il se passe des choses ici", lance-t-il fièrement.

"C'est beaucoup de tracas"

Tout n'est pas toujours rose. Si tous les clubs interrogés par francetv info sont heureux et fiers d'accueillir de telles sélections nationales, certains pointent les difficultés engendrées par cette arrivée. "On pourrait croire que c'est super, mais dans la réalité, c'est beaucoup de tracas", constate Roland Benvenuti, dont le club de Saint-Cyr-sur-Mer (en première division du Var) accueille la Turquie. Avec la fermeture du stade en février pour les travaux, il a vécu une saison "perturbée". Annulation d'entraînements, changements de terrains au dernier moment... "Quand vous ne prévenez pas l'équipe adverse dans les délais, vous avez des amendes [de la FFF], et pour un petit club, ce n'est pas très sympa", relève-t-il.

L'équipe première a disputé de nombreux matchs à l'extérieur, privant le club des recettes engendrées habituellement par la buvette. Deux tournois annulés, "qui rapportent habituellement un peu de pépètes", "vont aussi manquer à notre budget", s'inquiète le secrétaire général du club. Même la réfection du stade - 38 000 euros, selon la mairie - ne suffit pas à son bonheur. "On va évoluer sur un terrain sympa, mais honnêtement, ce qui existait, c'était loin d'être dégueulasse", rappelle-t-il. Pour lui, la venue de la Turquie, c'est "moitié plaisir, moitié tracas".

Un trou de 30 000 euros dans le budget

Sur l'île de Ré (Charente-Maritime), Michel Fernandez est, lui aussi, partagé sur l'accueil de l'Espagne, tenante du titre. "Pour l'île, c'est une opportunité que les élus et l'économie ne pouvaient pas refuser, reconnaît le secrétaire général de l'AS Rethaise (Division d'honneur régionale). Mais les conséquences pour notre association sont moins joyeuses." 

A partir du 27 février, il a fallu s'organiser pour s'entraîner trois fois par semaine sur le continent, à La Rochelle, histoire de préserver le futur terrain d'entrainement de la Roja. "Les bénévoles qui conduisaient les minibus devaient attendre 22 heures et la fin de l'entraînement pour rentrer sur l'île", souligne Michel Fernandez. Surtout, son club n'a pas pu organiser son traditionnel tournoi de Pentecôte. "C'est un apport financier de 30 000 euros qu'on n'aura pas cette année, se désole-t-il, avant de résumer. On va avoir de beaux terrains (116 000 euros de travaux, selon la mairie), mais ce n'est pas ça qui va mettre les 50 euros d'essence dans le minibus de l'équipe." Il espère obtenir une subvention des collectivités locales pour aider le club à boucler son budget.

Un héritage compliqué à entretenir ?

Au-delà de ces tracas ponctuels, ces petits clubs se posent également la question de l'après-Euro. Comment entretenir des pelouses d'un niveau international avec les moyens d'un club amateur ? Depuis plusieurs mois, les sélections ont dépêchés leurs "greenkeepers", un anglicisme utilisé pour désigner ces jardiniers de haut-niveau. Mais après ? "Les agents du service espaces verts ont appris de nouvelles techniques", indique-t-on à la mairie de Saint-Martin-de-Ré.

A Saint-Cyr-sur-Mer, le jardinier du stade a, lui aussi, été formé. Chantilly prévoit également d'adapter ses machines et ne s'interdit pas de souscrire un contrat de maintenance d'un an pour assurer la transition entre les "greenkeepers" de la sélection anglaise et les agents municipaux. "La ville fera le nécessaire, se rassure Dominique Louis-Dit-Trieau. Il ne faudrait pas que notre terrain 'wonderful' se transforme en champs de patate".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.