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Comment s'appelleront les enfants nés après l'Euro ? Sans doute pas Blaise ou Dimitri

Ne vous montez pas la tête : il ne va pas y avoir une déferlante de bébés prénommés Eliaquim, Paul ou Hugo si les Bleus remportent l'Euro.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le Français Blaise Matuidi, le 15 juin 2016 contre l'Albanie, lors du deuxième match de l'Euro 2016. (VALERY HACHE / AFP)

Monsieur et Madame Agagnéleraud ont un fils. Comment s'appelle-t-il ? Si tout se passe bien, au soir du 10 juillet, Hugo, Paul, Blaise, Ngolo ou encore Antoine. Mais, contrairement à une idée reçue, il n'est pas sûr que tant de bébés naissant dans les neuf mois suivant la compétition portent le nom d'un des héros de l'équipe de France. 

Joffre en 1915, Mazarine en 1995, Zinédine en 1998

Pour mesurer le phénomène à venir dans les maternités de l'Hexagone, on peut se référer au précédent de 1998. Deux buts en finale et un nom projeté sur l'Arc de triomphe n'avaient pas entraîné une explosion du nombre de petits Zinédine : 49 étaient nés en 1997, 190 en 1998 et 122 en 1999. Une progression de 251%, mais qui reste très limitée en valeur absolue. Ce que souligne le sociologue Baptiste Coulmont, auteur de plusieurs livres sur les prénoms : "Cela ne modifie pas radicalement le stock des prénoms : il y a quelques dizaines de naissances, mais ces prénoms ne deviennent pas du jour au lendemain des prénoms très donnés. Ce n'est pas limité aux sportifs. Il y a eu quelques dizaines de Mazarine vers 1995, des Victoire en 1918 ou des Joffre vers 1915."

Effectivement, l'effet d'entraînement semble limité à quelques dizaines de passionnés. Le prénom Aimé connaît ainsi un petit sursaut en 1998 et 1999, avec une trentaine de naissances, avant d'être boudé par l'ensemble des parents des 700 000 nourrissons nés en l'an 2000. Le prénom Fabien, alors en perte de vitesse, connaît un regain de popularité. Les auteurs du livre Sciences sociales football club émettent l'hypothèse que 1 200 petits garçons doivent leur prénom au "divin chauve", Fabien Barthez.

Lilian, une popularité en trompe-l'œil ?

Reste le cas Lilian. Ce prénom, qui végétait à environ 200 bébés par an, passe brusquement à 877 en 1998, pour atteindre un pic à 1 219 en 1999. Plus troublant, sa courbe épouse parfaitement la carrière de Lilian Thuram, avec un nouveau pic en 2006, quand le défenseur porte les Bleus en finale du Mondial.

Sur le papier, l'hypothèse est séduisante. Mais l'engouement autour d'un prénom a rarement une seule explication. Le prénom Franck (ou Frank), dont la cote a explosé ces années-là, doit sans doute plus à Frank Delay, un des 2be3, qu'à Frank Lebœuf, même si le défenseur de Chelsea a joué la finale à la place de Laurent Blanc. Dans le cas de Lilian, pas de parasitage par une autre célébrité, mais juste une sonorité dans l'air du temps. "D'autres prénoms en -ian connaissent le même succès au même moment : Killian, Dorian, Brian et, dans une moindre mesure, Celian et Kelian", remarque Baptiste Coulmont. 

Pas d'impact probant chez nos voisins européens

Comment réagissent les jeunes parents dans les autres pays européens victorieux ? En Espagne, seul le prénom Gerard (celui du défenseur du Barça Gerard Piqué, célèbre aussi pour être le compagnon de la chanteuse Shakira) connaît une hausse durable entre 2008 et 2013. On note un léger sursaut des prénoms des joueurs de la Roja en 2012, sans qu'on puisse établir une corrélation avec la victoire à l'Euro ukraino-polonais.

Idem en Italie, où le succès au Mondial 2006 n'a pas déchaîné l'imagination des jeunes parents. 

Maradona et Moore, les exceptions qui confirment la règle

Il ne faut pas en conclure que les grands évènements footballistiques n'ont qu'une influence marginale sur les prénoms. "David Luiz", le nom complet du défenseur brésilien du PSG, a percé dans le top 100 des prénoms les plus donnés dans son pays juste avant le Mondial 2014, indique la BBC (en anglais). On ne dispose pas encore des données pour 2015, ce qui serait intéressant, après la débâcle de la demi-finale perdue 7-1 contre l'Allemagne.


Bobby Moore embrasse la Coupe du monde après la victoire anglaise le 30 juillet 1966, à Wembley (Londres). (UPI)

Le site de généalogie britannique Ancestry.com a mis au jour que la victoire des Anglais au Mondial 1966 avait entraîné une hausse significative du nombre de nourrissons prénommés Robert, du nom de Bobby Moore, le capitaine de l'équipe. Au total, près de 52 000 enfants nés en 1966 portaient le nom d'un des héros de Wembley, contre 28 000 l'année précédente. En revanche, le nombre d'enfants prénommés Gareth a baissé de 10% en 1996, quand Gareth Southgate, capitaine de l'équipe d'Angleterre, a loupé le penalty décisif de la séance de tirs au but contre l'Allemagne, en demi-finale.

Encore plus spectaculaire : l'influence démesurée qu'ont eue les exploits de Diego Maradona lors du Mondial 1986 – le "but du siècle" et la "main de Dieu" – sur l'imaginaire des parents argentins. Cette année-là, 5,5% des enfants nés en Argentine ont hérité du prénom Diego, contre 2% en 1985 et 1987, indiquent les spécialistes data de Facebook. Plus étonnant encore, "El Pibe de Oro" a fait des émules jusqu'au Brésil, où le nombre de petits Diego a battu tous les records cette année-là. L'attaquant de Chelsea Diego Costa lui doit d'ailleurs son prénom. 

Et si vous cherchez un vrai prénom de supporter de l'équipe de France pour votre enfant, sachez qu'il a déjà été donné à un nouveau-né brésilien en 2006. Zinédine Yazid Zidane Thierry Hanry (sic) Barthez Eric Felipe Silva Santos n'arrive à se souvenir de ses prénoms dans l'ordre que jusqu'à Zidane. Pas vraiment heureux du choix de ses parents, il a lâché à O Globo (en portugais), qui lui demandait quel prénom il aurait préféré : "Luiz Gustavo !" 

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