Pays-Bas - France : ils ont un peu de Cruyff en eux
Autant être clair d’entrée, aucun joueur aligné ce soir n’arrive, ni n'arrivera, à la cheville de Johan Cruyff. Mais chacun, d'une façon plus ou moins tirée par les cheveux, possède quelque chose du Hollandais volant.
Paul Pogba : la technique
Paul Pogba est peut-être le joueur le plus susceptible de marquer l’histoire. Si son style de jeu, lui la plaque tournante du milieu, n’est pas comparable avec Cruyff, on retrouve cette capacité à éliminer, passer, tirer, accélérer ou temporiser. L’impression de voir un joueur capable de tout faire avec excellence. On retrouve aussi certain défauts chez les deux. Ce flegme, cette prétention, souvent justifiée, mais qui coûte parfois cher. Pogba a de nombreux (et hauts) paliers à franchir avant de pouvoir être cité sérieusement dans une même phrase que Cruyff, mais il semble être le seul capable de dominer un match comme le Hollandais a pu le faire.
Anthony Martial : la vitesse
"Je ne pouvais pas jouer le football de Cruyff, il allait beaucoup trop vite pour que je puisse m’identifier à lui." La vitesse de Cruyff, ici mise en avant par Michel Platini dans L’Equipe, apparaissait exceptionnelle à une époque où le football se pratiquait beaucoup plus lentement. La vitesse balle au pied, Anthony Martial l’a. Mais la vitesse de Cruyff, c’est aussi une vitesse d’analyse : "Si je commence ma course avant mon adversaire, c'est parce que j'ai compris ce qui se passait avant lui." Sur ce point-là, l’attaquant de Manchester United a encore beaucoup de choses à apprendre.
Antoine Griezmann : l’originalité capillaire
Dans les années 70, afficher les cheveux longs comme Johan Cruyff était un signe de rébellion. La coupe détonnait au royaume des cheveux courts. Aujourd’hui, l’héritier de cette révolution capillaire pourrait être Paul Pobga. Mais déjà cité plus tôt, c’est donc à Antoine Griezmman que revient ce titre. La crête, la frange blonde, le paillasson, l’attaquant de l’Atletico Madrid a le mérite d’avoir beaucoup tenté. Mais rien n’égalera la simplicité provocante du numéro 14.
Raphaël Varane : la précocité
Johan Cruyff a débuté avec l’équipe première de l’Ajax Amsterdam à 17 ans, avant d’exploser à 18 ans. Une précocité imitée par Raphaël Varane. Le défenseur a démarré sa carrière professionnelle à Lens, à 17 ans également, et rejoint le Real Madrid l’année suivante. A 22 ans, le défenseur central a déjà disputé 136 matchs avec le club espagnol. Mais Varane a aujourd'hui plus de mal à confirmer ses très belles promesses.
Daley Blind : la polyvalence
Johan Cruyff adorait se balader sur le terrain. En pointe, en soutien, sur un côté, décroché au milieu, le Hollandais multipliait les positions, les déplacements. Daley Blind est lui plus baladé par ses entraîneurs qu’il ne se balade. En latéral gauche, en ailier, en défenseur central, devant la défense ou en relayeur, une polyvalence beaucoup plus défensive que celle de son aîné, mais pas moins pratique.
Wesley Sneijder : le sens de la passe
Grand buteur, Johan Cruyff était également un amoureux de la passe. Il l’a élevé au rang d’art en tant que joueur et entraîneur, posant à Barcelone des bases reprises des années plus tard par Guardiola. "La technique, ce n'est pas faire 1000 jongles. Tout le monde peut le faire. Tu peux travailler dans un cirque. La technique, c'est passer le ballon en une touche, à la bonne vitesse et sur le bon pied de son coéquipier." Peu de joueurs symbolisent autant cet art de la passe que Wesley Sneijder, le maestro de l’Inter champion d’Europe en 2010. Aujourd’hui à Galatasaray et loin de son meilleur niveau, l’ancien milieu du Real et de l’Ajax reste un délicieux passeur à observer.
Patrice Evra : les punchlines
"Si j’avais voulu que vous compreniez, je me serais exprimé plus clairement." Johan Cruyff était un habitué des petites phrases, les "cruyffismes". Entre éclairs philosophiques ("Il vaut mieux perdre avec ses idées qu'avec celles d'un autre") et déclarations plus proche des Raffarinades ("La solution qui parait la plus facile est toujours la plus facile"), Cruyff laisse un héritage oral important. Une tradition poétique perpétuée à sa façon par Patrice Evra. Lilian Thuram un peu trop donneur de leçons ? "Il ne suffit pas de se balader avec des livres sur l'esclavage, des lunettes et un chapeau pour devenir Malcolm X." Une victoire contre Arsenal en Ligue des champions ? "Ce soir, c'était onze hommes contre onze enfants". Un Pat’ moins philosophe, plus dur sur l’homme.
Il aurait mérité d’être là : Arjen Robben, la finale perdue
Blessé, Arjen Robben manquera la rencontre entre la France et les Pays-Bas ce soir. Mais il mérite de figurer dans cet article. Robben partage avec Cruyff une cicatrice à vie, une finale de Coupe du monde perdue. 1974 pour Johan Cruyff, peut-être tombé dans la facilité après un début tonitruant face à l’Allemagne (but de Johan Neeskens sur penalty dès la 2e minute après une faute sur Cruyff). 2010 pour Robben, qui, au moment d’aller se coucher, reverra encore longtemps ses deux face-à-face perdus contre Iker Casillas. Si la défaite de Cruyff reste comme une injustice historique par rapport au jeu pratiqué par les Pays-Bas, celle de Robben semble plus logique. Ironie de l’histoire, en 2010, l’Espagne s’est imposé en pratiquant un jeu beaucoup plus proche des idéaux de Cruyff que les Néerlandais.
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