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En Afghanistan, le foot relancé par la téléréalité et les SMS

Le premier championnat professionnel afghan a débuté mardi, et doit durer un mois. Un défi, alors que le pays est toujours en guerre.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Le deuxième match du premier championnat professionnel afghan, entre les Ughabhaie Hendukosh (en rouge) et les Mawjhaaie Amou (en noir), le 19 septembre 2012, à Kaboul. (MASSOUD HOSSAINI / AFP)

SPORTS - Des aigles, des montagnes, des rivières, des sabres... Les logos des huit clubs de l'Afghan Premier League ont puisé dans le folklore local, à défaut d'avoir un passé glorieux. Toutes ces équipes n'ont que quelques semaines d'existence. Leurs joueurs ont été sélectionnés par les SMS des téléspectateurs dans un programme de téléréalité et les fans de foot afghans ont accès au championnat local sur le petit écran pour la première fois. Bienvenue dans le championnat pro le plus récent du monde. 

Une émission pour sélectionner 250 joueurs

Tout a commencé quand plusieurs réseaux de télécommunications ont allié leur force avec la fédération afghane de football pour créer un championnat digne de ce nom. Même en Afghanistan, la concurrence fait rage entre les sports : les joueurs de l'équipe de cricket ont atteint le rang de demi-dieux en se qualifiant pour l'ICC World Twenty20, une compétition internationale de premier ordre, et des sports émergents comme le rugby et le skate-board commencent à séduire la jeunesse. Pendant ce temps, le foot en Afghanistan se résume surtout aux autocollants du Barça ou du Real Madrid collés sur l'arrière des voitures, à Kaboul.

Le championnat local, amateur dans tous les sens du terme, n'a pas droit de cité. Pendant le règne des talibans, entre 1996 et 2001, le foot était interdit et des exécutions sommaires avaient lieu dans le stade national de Kaboul. L'occupation du pays par les forces de la coalition internationale n'a pas changé grand-chose, malgré les bonnes intentions britanniques (voir cet article de la BBC de 2003). A un détail près : d'après le Washington Post, le taux d'équipement des Afghans en téléviseurs est passé de 0 à 60% en dix ans.

Le marché est désormais mûr. Les opérateurs télécom Roshan, qui pèse 5% du PIB afghan d'après son site internet, et Moby, en partie propriété de Newscorp, la société du magnat australo-américain Rupert Murdoch, ont porté sur les fonts baptismaux une savante opération de communication. Pour commencer, la très populaire Tolo TV lance une émission de téléréalité baptisée "Maidan e Sabz", "terrain vert" en VF. La chaîne croule sous les candidatures, sélectionne 250 candidats, qui passent une batterie de tests physiques, techniques et psychologiques. Le tout devant les caméras. S'ensuivent les traditionnels appels aux téléspectateurs pour écrémer l'équipe via des votes par SMS. 

Billets gratuits et sécurité draconienne

Chacune des huit équipes finit par hériter de 18 joueurs sélectionnés par les télespectateurs, avec un savant dosage entre les différentes ethnies du pays. "Ce qui va renforcer la cohésion nationale, espère Abdul Sabor Walizada, un ancien joueur de l'équipe nationale afghane, sur Fox Sports (en anglais). Si l'équipe du centre du pays a un très bon joueur, les supporters de l'équipe du sud vont vouloir le recruter. Quelle que soit son ethnie, quelle que soit sa tribu." En filigrane, un reproche envers l'équipe de cricket, remarque le quotidien britannique The Independentcar celle-ci est très largement composée de Pachtouns, la principale ethnie d'Afghanistan.

Reste à assurer le succès du championnat dans un pays encore en guerre, où 1 145 civils ont trouvé la mort entre janvier et juin, d'après un un rapport des Nations unies (PDF en anglais, p.16). Les dirigeants de l'Afghan Premier League assurent que des mesures de sécurité draconiennes sont mises en place, histoire de rassurer les familles. Pour attirer un maximum de curieux, les billets sont gratuits pour la première journée de ce nouveau championnat. Les gradins du stade de Kaboul étaient correctement garnis pour les premiers matchs. Dans la vidéo ci-dessous, Mawjhai Amu (les Vagues de la rivière Amu Darya, au nord-est du pays) rencontre Oqaban Hindukosh (les Aigles de l'Hindukush, une chaîne de montagnes du centre de l'Afghanistan). Score final : 2-2.

L'expérimentation est encore limitée. Pas question d'engager des stars avec des salaires pharaoniques, comme en Inde, pour voir toute l'opération capoter. Pas question non plus de se lancer dans une compétition fleuve : l'Afghan Premier League dure un peu plus d'un mois, du 18 septembre au 19 octobre, avec deux poules de quatre équipes, et les meilleurs qui se disputent le titre dans des play-offs. Pas question non plus d'expérimenter les périlleux déplacements sur les routes du pays : tous les matchs ont lieu à Kaboul. "C'est un test", répète-on à la fédération. Mais le seul fait que ce test puisse avoir lieu est déjà, une soi, une petite victoire.

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