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"Dix petits nègres" au pays du foot suisse

Un club à qui on a enlevé 36 points, un autre exclu du championnat, quelques autres en faillite : en Suisse, le spectacle n'est clairement pas sur le terrain, mais en dehors. 

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Les derniers supporters du président de Neuchâtel Xamax, Bulat Chagaev, pas très doués en orthographe, dans le stade du club, le 1er octobre 2011.  (VALENTIN FLARAUD / REUTERS)

Le championnat de football suisse se joue à 10 équipes et à la fin, celle qui n'a pas été exclue, qui n'a pas fait faillite, ou qui n'est pas embarquée dans une interminable procédure contre la Terre entière, l'emporte. Si, si. 

Ainsi, cette saison, deux clubs hélvètes sont proches de l'implosion pure et simple quand un autre meurt lentement faute de moyens financiers. Pour ne parler que des cas les plus désespérés.

• Neuchâtel Xamax : méthode Assimil et pratiques tchétchènes

Résumé des épisodes précédents Le club a été acheté mi-2011 par le milliardaire tchétchène Bulat Chagaev, qui avait promis l'arrivée de Maradona sur le banc et de Drogba en attaque. Les supporters les attendent toujours. Chagaev s'est plaint que son prédécesseur, Sylvio Bernasconi, a laissé un "désordre considérable". Le moins qu'on puisse dire, c'est que le Tchétchène a continué sur cette lancée. Il a d'abord renvoyé quatre entraîneurs en trois mois, staff compris, avant d'engager un technicien espagnol toujours en poste. Un miracle. Régulièrement, Chagaev menace physiquement ses joueurs. L'homme est costaud, et entouré de gardes du corps au physique peu engageant. Fin 2011, il caressait l'idée de rebaptiser le club de cette paisible ville de 33 000 habitants du nom d'un peuple du nord du Caucase, note le blog Plat du Pied Sécurité

Le président du club de Neuchâtel Xamax, Bulat Chagaev (C), lors d'un match de son équipe contre le FC Bâle, le 11 décembre 2011.  (MICHAEL BUHOLZER / REUTERS)
Et là, c'est le drame En novembre 2011, la Télévision suisse romande (TSR) démontre que la garantie bancaire de Chagaev, établie par la Bank of America, est un faux, avec des fautes d'anglais, une formulation digne d'un élève de 5e et la date écrite au format européen (jour/mois/année), pas à la manière américaine (mois/jour/année). Son avocat plaide pour le boss tchétchène sur le site de la TSR en expliquant que ce n'est pas Chagaev qui a rédigé ce document et qu'"il n'a jamais prétendu qu'il était authentique". On a connu mieux comme ligne de défense. Du coup, Xamax, qui accuse entre 5 et 10 millions d'euros de déficit, a été exclu mercredi 18 janvier du championnat suisse, et pourrait redémarrer l'an prochain en 5e division.

• Le FC Sion contre le reste du monde

Résumé des épisodes précédents Le club du bouillant président (encore un !) Christian Constantin était sous le coup, en 2010, d'une interdiction de recrutement pour deux périodes de transferts. Deux périodes de transferts, ça veut tout et rien dire. Donc quand Constantin a estimé avoir purgé sa peine, il a recruté plusieurs joueurs dont l'ancien Stéphanois Pascal Feindouno. Un peu précipité pour l'UEFA et la fédération suisse qui ont décidé d'exclure le club vaudois de la Ligue Europa, pour laquelle il s'était qualifiée sur le terrain. On vous passe les recours et contre-recours devant les juridictions européennes et suisses.

Et là, c'est le drame Finalement, la Fifa a menacé la fédération suisse d'exclure l'équipe nationale de toutes les compétitions internationales si elle ne sanctionnait pas le FC Sion pour manquement à ses restrictions de transferts. La fédération nationale a cédé : le club vaudois a écopé d'une sanction de... 36 points de championnat, qui le fait figurer en dernière position de la ligue, avec... -5 points. Heureusement pour Sion, la rétrogradation pour faillite de Xamax pourrait permettre de sauver le club, puisqu'il n'y a qu'un relégué direct dans le championnat suisse. 

Une pancarte lors d'une manifestation de supporters du FC Sion contre la sanction de 36 points infligée à leur club, dans les rues de Sion (Suisse), le 7 janvier 2012.  (DENIS BALIBOUSE / REUTERS)
Et là, c'est encore le drame Le président Constantin a livré, mardi 17 janvier, le fond de sa pensée sur Sepp Blatter, président de la Fédération internationale, et Michel Platini, celui de l'UEFA, dans une interview au journal allemand Frankfürter Allgemeine Zeitung : "Platini était un grand footballeur, mais en tant que président de l’UEFA, ce n’est pas possible. Chez moi, il serait peut-être l’assistant de mon chauffeur. (...) Blatter, c’est un dictateur. Kadhafi a fait la même chose. Il a détourné un avion de la Pan Am et fait tuer 200 otages américains innocents." Voilà qui va encore améliorer ses relations avec les pontes du foot mondial. 

• Grasshopper Zurich : "La cigale avait chanté tout l'été..."
"...Qu'elle se trouva fort dépourvue quand l'hiver fut venu". Grasshopper veut dire "sauterelle" en allemand, mais le club zurichois l'a plutôt joué cigale : il est en proie à de graves difficultés financières. 

Résumé des épisodes précédents L'un des clubs majeurs du foot suisse n'a plus gagné de trophées depuis 10 ans, n'a plus d'argent (on parle d'un passif de 5 millions d'euros) et plus de stade. Faute de moyens, son mythique Hardturm n'est plus qu'un "un champ de ruine", écrivait déjà Le Temps en 2009. Si bien que Grasshopper est obligé de squatter chez l'ennemi, le FC Zurich, depuis 2007. "Le club croit toujours qu'il est le plus important de Suisse et n'arrive pas à réduire son budget, explique un spécialiste du foot suisse à swissinfo.ch en 2009. Résultat, ils n'ont plus d'argent, pas de stade et plus beaucoup de bons joueurs." 

Ce qui reste du stade du Hardturm des Grasshoppers Zurich, à Zurich (Suisse), le 9 décembre 2008.  (ARND WIEGMANN / REUTERS)
Et là, c'est le drame Alors que le club avait obtenu le soutien de la Fifa pour l'aider à construire un nouveau stade, l'institution internationale menace de retirer son financement parce que le projet "ne correspond pas à l'esprit de la Fifa", note Reuters. En cause, les tribunes où les supporters se tiennent debout, véritable pierre d'achoppement entre les fans les plus impliqués et les instances internationales. Pour les troupes du Grasshopper, les tribunes debout, c'est la liberté, la communion, la vraie façon d'apprécier le foot. Pour les autorités, vu le pedigree des supporters les plus chauds, ce type de tribune rendrait l'identification des fauteurs de troubles beaucoup plus difficile. Du coup, comme louer le stade du FC Zurich revient trop cher, les Grasshoppers envisagent purement et simplement de changer de ville, note Stadionwelt.de (lien en allemand)

Hormis ces trois-là, d'autres clubs du championnat, comme le FC Saint-Gall sont au bord de la rupture, et on se demande combien d'équipes le championnat suisse va accueilllir la saison prochaine.

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