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Ces jeunes prodiges du foot qui ont explosé en vol

La nouvelle petite merveille du foot mondial s'appelle Martin Odegaard, un Norvégien de 16 ans, qui a signé au Real Madrid moyennant 45 000 euros par semaine. Ce qui n'est pas un gage de réussite.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Martin Odegaard, la nouvelle recrue du Real Madrid, lors de sa présentation au club, le 22 janvier 2015 en Espagne. (EFE / SIPA)

Retenez bien ce nom : Martin Odegaard. Un jeune prodige norvégien de 16 ans, que l'Europe entière s'arrachait et qui a atterri au Real Madrid, jeudi 22 janvier, contre une rémunération de 6 400 euros par jour. Tout ça pour jouer en équipe réserve. Peut-être deviendra-t-il la nouvelle vedette du football mondial. Ou peut-être tombera-t-il dans les oubliettes de l'histoire, comme tant d'autres avant lui. 

Freddy Adu, l'éternel "nouveau Pelé"

"Un aveugle sur un cheval au galop verrait le talent de Freddy, disait de lui son coach au DC United, dans le Washington Times (en anglais). C'est un petit œuf de Fabergé." Freddy Adu a 10 ans quand il porte à bout de bras l'équipe des Etats-Unis dans un tournoi international, en Italie, en 2000. L'Inter Milan ne veut pas laisser passer l'occasion et offre 15 000 dollars à la famille pour attirer la merveille. Puis 250 000. Puis 750 000 (cette somme est contestée par les représentants du club italien). Maman Adu refuse. Cette femme qui se lève à 5 heures tous les jours occupe deux emplois pour faire vivre sa famille. "Je recevais dix appels par jour, parfois au travail", se souvient-elle dans Sports Illustrated (en anglais). Elle refuse toutes les sollicitations en bloc. "J'en pleurais la nuit."

Quand Freddy a 14 ans, il signe son premier contrat professionnel avec le club de Washington. Avec 500 000 dollars par an, c'est le joueur le mieux payé du championnat. Il y ajoute un maximum de contrats publicitaires pour mettre sa famille à l'abri du besoin. "Est-ce que je pouvais refuser un million de dollars alors que nous ne pouvions pas manger ? Non. Clairement." Cela tourne au grotesque. Le Washington Post (en anglais) raconte une journée du jeune prodige, en 2004 : tourner un spot de pub pour une marque de soupe au poulet ("j'ai bu tellement de soupe toute la journée... je n'en peux plus", soupire Adu), une conférence de presse, une rencontre avec l'athlète Michael Johnson, une invitation à un concert privé de David Bowie sponsorisé par Audi... Et l'entraînement dans tout ça ?

Après deux ans convaincants à Washington, c'est la lente dégringolade. Adu cède aux sirènes européennes pour rejoindre le Benfica Lisbonne. C'est un échec. Le club portugais le prête à Monaco (échec), puis à des clubs à chaque fois moins huppés. A l'issue de son contrat avec le FK Jagodina, en Serbie, Adu se retrouve sans club. Il lâche au Daily Mirror (en anglais) ce qui sonne comme l'épitaphe de sa carrière : "Beaucoup de gens me considèrent comme une légende du jeu vidéo Football Manager. J'aurais aimé que ce soit aussi le cas dans la vraie vie."

Sonny Pike, star du foot à 7 ans

Quand l'Ajax Amsterdam, le meilleur club formateur au monde, vous veut, ça ne se refuse pas. Peu importe que vous n'ayez que 7 ans et foulé seulement les terrains londoniens. L'histoire de Sonny Pike, boucles brunes et sourire d'ange, commence comme un conte de fées. La Grande-Bretagne se passionne pour le nouveau George Best. Chaînes de télé, tabloïds… Le petit garçon apparaît même dans la sitcom Fantasy Football League, sur la BBC, en 1996. "Je veux devenir footballeur professionnel depuis que je regarde Liverpool", glisse l'enfant.

En 2000, à 13 ans, il est le sujet d'un documentaire de la BBC, intitulé Touché par la grâce. C'est pourtant le début de la fin. Déjà. Ses parents vivent mal son nouveau statut, et divorcent. Isolé à Amsterdam, il n'arrive pas à suivre le rythme imposé par ses formateurs. Dépression nerveuse. "Je n'en pouvais plus, raconte-t-il au Guardian (en anglais). Ça me rendait malade. J'ai arrêté de m'entraîner. Quand j'y repense, j'étais vraiment très mal. L'Ajax m'a laissé tomber." Quatre ans après son départ des Pays-Bas, on retrouve sa trace dans une équipe étudiante du nord de Londres, note le magazine When Saturday Comes (en anglais). Il est finalement devenu psychologue du sport. On ne peut pas lui nier une certaine expertise sur le sujet.

Kerlon, l'otarie du foot, a coulé à pic

C'est l'histoire d'un geste. La "foquinha", le dribble de l'otarie, inventé par le jeune Brésilien Kerlon au milieu des années 2000. Le principe est simple : Kerlon prend le ballon de la tête, et le maitient en l'air jusqu'à l'orée de la surface de réparation adversaire. Pas forcément très efficace en match, le geste fait un carton sur YouTube. Le père de Kerlon couve son fils depuis des années, notamment sur le plan diététique. Le jeune homme n'a eu le droit de boire du soda qu'à ses 18 ans. C'est sûr : c'est lui le "nouveau Ronaldinho".

Lors de la Copa América des moins de 17 ans, on ne voit que lui. Manchester United propose 18 millions d'euros, mais le club de Kerlon, Cruzeiro, refuse. Peu après, l'attaquant passe sous la coupe du très entreprenant Mino Raiola (l'agent d'Ibrahimovic, entre autres), et voilà Kerlon engagé avec l'Inter Milan. "Raiola était convaincu qu'il était le futur grand du football brésilien, explique l'oncle de Kerlon dans le magazine brésilien Lance (en portugais). Et ça se serait vérifié, s'il n'y avait pas eu toutes ces blessures."

Régulièrement gêné par son genou, Kerlon ne portera jamais le prestigieux maillot bleu et noir. Prêté à des clubs inférieurs, il passe le plus clair de son temps à l'infirmerie. La dégringolade est rapide, une fois son contrat avec l'Inter achevé : retour infructueux au Brésil, puis un passage au Fujieda MYFC, un club de 3e division japonaise où les internautes votent pour choisir le onze de départ. Aux dernières nouvelles, il joue désormais à La Barbade.

Fabio Paim, un Cristiano Ronaldo dans chaque orteil

"Si vous trouvez que je joue bien au foot, attendez de voir Fabio Paim", a déclaré un jour Cristiano Ronaldo. "Je n'ai jamais vu un tel talent, renchérit Jorge Vicente, qui a coaché le Portugais lorsqu'il était enfant, cité par le site spécialisé In bed with Maradona (en anglais). Et j'ai rencontré Cristiano Ronaldo à 14 ans." Fabio Paim avait tout pour devenir le meilleur joueur d'Europe. Les agents, les clubs et les fédérations se l'arrachaient. Parmi ces dernières, la FFF, qui rêvait de voir Paim sous le maillot bleu. Alors qu'il n'a pas encore joué un match dans l'équipe première, il touche un salaire de 50 000 euros par mois dans son club du Sporting Portugal, négocié par son redoutable agent Jorge Mendes. Soit plus que de nombreux joueurs professionnels du club. 

"Je n'ai pas su gérer le fait que le foot était devenu mon métier, et plus simplement ma passion", constate Paim, interrogé dans le quotidien portugais Record. L'argent lui monte rapidement à la tête. Il s'achète voiture de luxe sur voiture de luxe, alors qu'il n'a pas le permis. Sur un coup de tête, il organise des week-ends au Mexique avec un de ses équipiers. "Je ne prenais pas de sac, juste ma carte de crédit. Je revenais avec quatre ou cinq valises." En un an, il estime avoir dilapidé 300 000 euros. Sportivement, sa carrière décline. Grâce à l'entregent de Mendes, il est prêté à Chelsea, mais ne voit que de loin les stars du club londonien. Il quitte le Sporting sans avoir disputé le moindre match professionnel. Aujourd'hui, il végète dans le championnat maltais. 

Quand un producteur le contacte pour tourner un documentaire sur les talents du foot qui se sont perdus en route, il accepte sans hésiter. "J'espère que ça aidera les enfants à ne pas refaire mes erreurs", répond Fabio Paim… qui n'a que 26 ans. "Si un jour, il devient 50% de ce qu'il aurait pu être, il jouera dans un grand club et sera en équipe nationale", veut croire Jorge Vicente. Le temps presse…

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