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Une seule victoire à domicile en Bundesliga : les matches à huis clos vont-ils fausser la fin des championnats ?

Alors que la 26e journée de Bundesliga se termine ce lundi soir avec le match entre le Werder Brême et le Bayer Leverkusen, huit rencontres se sont déjà déroulées ce week-end pour la reprise du championnat d'Allemagne. Si les joueurs ont rassuré sur le niveau des matches, une tendance se dessine avec ces rencontres à huis clos : les clubs ont davantage de difficultés à s'imposer à domicile. Seul Dortmund a gagné chez lui face à Schalke 04, et la fin du championnat pourrait se voir faussée par cette multiplication des huis clos.
Article rédigé par Denis Ménétrier
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
  (RALF IBING / FIRO SPORTPHOTO)

Le Werder Brême va-t-il rehausser les statistiques en s'imposant à domicile contre le Bayer Leverkusen ce soir, à l'occasion du dernier match de la 26e journée de Bundesliga ? Après deux mois d'absence en raison de l'épidémie de Covid-19, le championnat d'Allemagne a repris ce week-end avec huit rencontres qui se sont toutes déroulées à huis clos. Suite à ce retour à la compétition, le temps est venu pour les observateurs de dresser les premiers constats. Et l'une des tendances qui se dessine montre que les équipes qui reçoivent dans leur stade ont plus de difficultés à s'imposer sans le soutien de leurs supporters.

Sur les huit premiers matches de cette 26e journée, seul le Borussia Dortmund, meilleure équipe à domicile cette saison, a réalisé cette performance en écrasant Schalke 04 (4-0). Un ratio de victoire à la maison de 12% sur ces huit rencontres, bien loin des 44% de la Bundesliga jusque-là (98 victoires sur 224 matches joués à la maison depuis le début de la saison 2019-2020, ndlr). Alors bien sûr, il ne s'agit que d'une seule journée, mais il ne serait pas étonnant de voir les équipes à domicile rencontrer plus de difficultés à s'imposer face aux clubs visiteurs sans leurs supporters pour les soutenir. À titre d'exemple, depuis la saison 2009-2010 de Ligue 1, sur les 16 matches qui ont été joués à huis clos, le taux de victoire à domicile est de 37%, contre 45% en moyenne sur cette période.

"Plus facile de jouer à huis clos à l'extérieur"

Parmi les équipes qui ont joué à l'extérieur lors de cette 26e journée, le SC Fribourg, 8e de la Bundesliga, qui a réalisé un petit exploit en arrachant le nul sur le terrain du RB Leipzig (1-1), 3e du classement. Jonathan Schmid, milieu français de Fribourg justement, reconnaît que le huis clos a aidé son équipe à accrocher ce point à l'extérieur, comme il l'explique à France tv sport : "Je pense que pour tous les clubs visiteurs, c'est plus facile de jouer à huis clos à l'extérieur. Surtout en Allemagne où les supporters ont leur importance dans un match. Donc c'est plus facile à l'extérieur."

En temps normal, "tu es porté quand tu joues chez toi, reconnaît Éric Roy, consultant pour France tv sport. Quand, en début de match, tu as une occasion ou un corner, tu sens de l'enthousiasme. Et inversement, l'équipe à l'extérieur est dans un sentiment d'inconfort". Ancien entraîneur de l'OGC Nice, Roy avait disputé son premier match à domicile sur le banc des Aiglons à huis clos. Une victoire 1-0 contre le Paris Saint-Germain d'Antoine Kombouaré en mars 2010, grâce à un but de Loïc Rémy. "Mais on avait nos supporters qui étaient devant le stade, dans la rue, on les entendait et ça nous a aidé", explique celui qui est désormais directeur sportif de Watford.

Avec les huis clos et les consignes sanitaires édictées par les pouvoirs publics, impossible pour les supporters de se regrouper et de soutenir leur équipe en-dehors du stade, à l'image de ce qu'avaient fait les ultras du PSG lors du match retour de Ligue des champions contre le Borussia Dortmund (2-0) en mars dernier. Résultat, les joueurs se retrouvent livrés à eux-mêmes, sans douzième homme pour les porter. Et les huis clos, dont la généralisation pour de longs mois est fort probable, pourraient venir fausser la fin de la saison actuelle, et le début de la saison prochaine. "Il est évident que les équipes qui ont plus de matches à jouer ou des grosses rencontres à disputer à domicile seront plus impactées", soutient Éric Roy.

Des matches décisifs dans des conditions inédites

Depuis le début de la saison de Bundesliga, plusieurs clubs ont dû par exemple se déplacer sur la pelouse du Bayern Munich et devront recevoir l'ogre de ce championnat dans un stade complètement vide, pour des rencontres parfois décisives. C'était le cas hier de l'Union Berlin, qui cherche à se maintenir après sa promotion en début de saison. Et ce sera le cas dans deux journées pour le Borussia Dortmund, qui compte quatre points de retard sur le leader munichois et qui souhaite s'adjuger son premier titre de champion depuis 2012. Les joueurs de Lucien Favre recevront le Bayern Munich au Signal Iduna Park sans pouvoir compter sur leurs 82 000 spectateurs et ce Mur Jaune qui a l'habitude de les transcender.

Battus 4-0 au match aller à l'Allianz Arena devant 75 000 spectateurs munichois, les joueurs du Borussia auront "ce sentiment de revanche, mais souffriront du manque de supporters", analyse Éric Roy. Problématique, donc, pour une rencontre qui pourrait s'avérer décisive pour le titre. Le directeur sportif de Watford parle en connaissance de cause, puisque son équipe, qui lutte pour le maintien en Premier League, devait recevoir Manchester City lors des prochaines journées : "Au match aller, les joueurs en avaient pris 8 à City (défaite 8-0 lors de la 6e journée, ndlr), et tu te doutes bien qu'ils auraient eu ce match dans la tête au retour. Et sans l'aide des supporters, ça devient très compliqué".

Les championnats qui reprennent peuvent donc se retrouver faussés, en fonction des matches déjà disputés et du nombre de rencontres qu'un club doit encore jouer à domicile. Une réalité qu'a bien intégré le président de Watford, qui s'est déclaré opposé au principe d'une reprise de la Premier League sans supporters ou sur terrain neutre. Scott Duxbury a ainsi récemment argué du fait que son équipe n'aurait pas pu infliger à Liverpool sa seule défaite de la saison (3-0) sans le soutien des supporters de Vicarage Road. Un avis qu'Éric Roy partage : "Même si tu es moins fort, tu vas pouvoir générer quelque chose qui fait que tu vas faire un match parfait comme contre Liverpool."

Un calendrier à deux phases

Pour l'ancien entraîneur de Nice, "quoiqu'il se passe, la fin de saison sera faussée". Si les huis clos se poursuivaient l'année prochaine, c'est le début de la saison 2020-2021 qui pourrait également l'être. Dans le cas où la phase aller de Ligue 1 devait se dérouler dans ces conditions, mais pas la seconde, une équipe pourrait recevoir le PSG, l'OL, l'OM, le LOSC ou le Stade Rennais sans supporters, et se déplacer ensuite sur les pelouses de ces cadors du championnat de France. Un cas de figure qui provoquerait inévitablement des tensions entre les dirigeants de clubs.

Une tendance qui reste à confirmer

Bien évidemment, cette tendance qui se dessine ne repose que sur une journée de Bundesliga et elle pourrait ne pas être immuable. La 6e journée du championnat allemand de cette saison avait ainsi été marquée par le fait qu'aucune équipe ne s'était imposée à domicile. Mais sur le long terme, il paraît évident que les équipes à l'extérieur rencontreront moins de difficultés à grappiller des points qu'à l'accoutumée, grâce à l'absence de supporters à l'issue d'un calendrier à deux phases, qui pourrait poser des problèmes d'équité sportive.

L'une des équipes de Bundesliga qui pourrait pâtir de ce contexte est le Werder Brême, 17e du classement et qui cherche à éviter une première relégation depuis 1980. Les supporters des vert et blanc ont des raisons de se plaindre, car leur équipe est celle qui a joué le moins de matches à domicile pour le moment, en raison d'une rencontre face à l'Eintracht Francfort fin février qui avait été reportée. Sur ses six derniers matches à domicile de la saison, le Werder recevra cinq équipes de la première moitié de tableau (Bayern Munich, Borussia Mönchengladbach, Wolfsburg, Cologne et le Bayer Leverkusen). Alors que le club n'a gagné qu'une seule fois à la maison cette saison, il ne pourra même pas compter sur ce supplément d'âme, ce douzième homme que représentent les supporters pour se maintenir dans l'élite. Pour se sauver, le Werder devra donc faire mentir la tendance qui se dessine actuellement avec la reprise.

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