Portrait Football : Serhou Guirassy, des critiques en Ligue 1 à meilleur buteur des championnats européens
Le meilleur buteur des cinq grands championnats européens ne s'appelle ni Kylian Mbappé, ni Robert Lewandowski, ni Erling Haaland, mais bien Serhou Guirassy. Avec 13 buts marqués en seulement sept matchs de Bundesliga, le Guinéen, formé en France et passé à Rennes et Amiens en Ligue 1, réalise un début de saison tonitruant avec Stuttgart en Allemagne. Pourtant l'international guinéen n'avait pas laissé un souvenir impérissable en quatre saisons de Ligue 1 (109 matchs entre 2019 et 2022).
Plus particulièrement, sa dernière expérience à Rennes avait laissé un goût d'inachevé. Même s'il a réussi à inscrire 25 buts en deux saisons avec le club breton, ce dernier est parti sans être retenu après avoir été critiqué pour son manque d'efficacité et sa nonchalance. "Il avait pris l'habitude de jouer dans des équipes dominées. A Rennes, il jouait dans une équipe dominante qui avait plutôt le contrôle sur le jeu, explique Mathieu Le Scornet, qui l'a connu au Stade rennais en 2020-2021, quand il était l'adjoint de Julien Stéphan. Les espaces étaient réduits devant, on passait logiquement par les côtés, alors qu'il aime participer à la construction pour ensuite finir."
Pleine confiance
Recruté pour faire franchir un cap au club breton, au moment où celui-ci s'apprêtait à disputer sa toute première campagne de Ligue des champions, Serhou Guirassy s'est rapidement retrouvé dans un rôle restrictif, à faire parler son jeu de tête (il mesure 1m87) sur des centres. "Il en a marqué quelques uns [de cette façon] mais le volume était conséquent. Le ratio n'était pas bon", analyse Le Scornet. A Stuttgart, l'attaquant de 27 ans s'éclate et montre toute l'étendue de sa palette, celle d'un joueur beaucoup plus complet que sa réputation française ne le fait croire.
Frappes lointaines, crochets dans la surface, petits piqués... Ses 13 réalisations en championnat sont aussi jolies que variées. "Je me sens en pleine confiance, je prends les bonnes décisions. Quand il faut frapper, je frappe. Quand il faut piquer, je pique. Quand il faut faire la passe, je fais la passe. Je me sens très fort", a raconté l'intéressé dans les colonnes du Parisien [article payant] vendredi. De quoi devenir la tête de gondole de l'équipe sensation de la saison en Allemagne, actuelle deuxième du championnat alors qu'elle avait dû disputer les barrages pour se maintenir au printemps dernier.
Personne n'avait parié sur un tel début de saison de sa part, mais les joueurs et coachs que Franceinfo: sport a interrogés ne sont pas si étonnés de sa réussite. Philippe Hinschberger, qui lui a offert ses premières minutes chez les professionnels avec Laval en 2013, tient à noter que "ne serait-ce qu'être sur le banc de touche d'un club de Ligue 2 à 17 ans confère quand même d'une certaine qualité". Antony Robic était son coéquipier de 2013 à 2015 se souvient d'un jeune joueur "adroit devant le but et dans son style de jeu, c'était déjà quelqu'un qui osait, à la manière d'un joueur expérimenté".
Humilité et remise en question
"J'ai passé la formation de scouting (recruteur) international il y a deux-trois ans. Il y avait deux épreuves. Dans la première, il fallait que je prenne une équipe. Dans la deuxième, un joueur. C'est comme si j'étais dans la cellule de recrutement d'un club. J'avais recruté Serhou à Lens. Vu qu'il fallait que je développe mon choix, j'ai expliqué que j'avais déjà joué avec. Je voyais ce qu'il faisait à Rennes aussi. Pour moi, c'était un joueur qui pouvait avoir la cote d'un grand joueur européen. On va dire que je ne me suis pas trop trompé", ajoute celui qui porte actuellement les couleurs de Borgo en National 2. Dans le même style, juste avant le mercato estival, l'ex-légende du foot allemand Lothar Matthäus avait suggéré au Bayern Munich de recruter Guirassy plutôt que Randal Kolo Muani ou Harry Kane dans une interview pour Bild [article en Allemand].
Les témoins de ses premiers pas en tant que footballeur professionnel parlent tous d'un joueur "mature" pour son âge, "doux" et "posé". "Je ne suis pas forcément surpris du déroulement de sa carrière. Quand il a commencé avec nous, on sentait que s'il tombait il était capable de se relever. Dans le football, le plus important c'est le mental", note un autre coéquipier témoin de ses débuts lavallois, Anthony Gonçalves. L'expérimenté tango n'a pas "d'anecdote croustillante" sur le jeune Guirassy, qu'il décrit comme quelqu'un "de très calme et très respectueux, qui se fond assez facilement dans le groupe".
“Il est arrivé avec l’envie de jouer. On dit que les attaquants ne défendent pas, mais pas lui. Au bout de six matchs, contre Nîmes, son envie d’en faire trop lui avait coûté trois matchs de suspension à cause d’un geste défensif”
Christophe Pélissier, coach de Serhou Guirassy à Amiensà Franceinfo: sport
Christophe Pélissier l'a attiré à Amiens en 2019, le club où il s'est révélé. "Pour un coach, avoir un joueur comme Serhou, c'est bénéfique à 200%. C'est un joueur qui déjà dans un vestiaire donne beaucoup de bonne humeur et un super état d'esprit", se rappelle l'actuel coach de l'AJ Auxerre. Mathieu Le Scornet se souvient des discussions quotidiennes "franches" avec son ancien attaquant quand il était en échec à Rennes. La digestion de la période rennaise est terminée."C'est quelqu'un qui n'a pas peur de se remettre en question", appuie Anthony Gonçalves.
Son sélectionneur en équipe nationale, Kaba Diawara, a cependant identifié un axe de progression. "Je le vois en sélection : il est toujours le pouce levé, même si son coéquipier a raté son centre. Il est toujours en train d'encourager ses partenaires. Il gagnera à être un peu plus égoïste s'il veut aller très haut", lui a conseillé l'ex-attaquant de Bordeaux ou encore de Nice dans une interview à TV5 Monde. Mais cela ne ressemble pas à Serhou Guirassy, plutôt du genre à tempérer dans Le Parisien : "Je sais que j'ai les qualités pour très bien faire mais le haut niveau se juge sur la régularité. Je ne me suis pas fixé d'objectif précis. Je vis le truc à fond".
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