Menacé par la série de Schalke 04, le Tasmania Berlin veut rester "le pire club de l'histoire de la Bundesliga"
Mu par la compétitivité, la sueur des victoires et l’odeur des trophées, le sport de haut niveau a l’habitude de tresser les louanges des vainqueurs, d’autant plus quand ils sont magnifiques. Certains athlètes vont même jusqu’à s’inscrire sur la peau “seule la victoire est belle” à l’encre indélébile. Aussi consensuel ce leitmotiv puisse être, il n’a de valeur que parce que les échecs existent. Et ces derniers sont une part non négligeable dans la construction identitaire d'un sportif et de la mémoire collective.
L'échec sportif comme patrimoine identitaire
Il est même parfois la seule trace laissée par une équipe au plus haut niveau. Le Tasmania Berlin en sait quelque chose. Ce petit club de football de la capitale allemande tombé aux oubliettes, aujourd'hui en 5e division, ne doit sa petite notoriété qu'à son bref passage en Bundesliga lors de la saison 1965/66. Une apparition brève mais qui lui vaut encore aujourd'hui d'être considéré comme "le pire club de l'histoire" de l'élite du football allemand. Le club berlinois a notamment enchaîné 31 matches sans victoire au cours de cette saison, un record peu enviable qui tient toujours mais qui est désormais menacé.
Ce samedi, Schalke 04 pourrait égaler la performance du Tasmania en cas de défaite ou de match nul contre Hoffenheim. Contrairement à ce que le bon sens devrait dicter, l'idée de voir son record s'échapper ne plait pas du tout au détenteur. Les supporters berlinois l'ont fait savoir le week-end dernier devant l'Olympiastadion en marge du match entre le Hertha Berlin et Schalke 04 (3-0 score final), installant des pancartes autour du stade. "C'est notre record", ont ironisé certaines d'entre elles. "Le football est à toi et moi, pas pour la p... d'industrie", pointaient d'autres.
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Se faire dépasser par Schalke 04 a également une valeur symbolique, dans le sens où le gros club de la Ruhr propriété de la giga-entreprise Gazprom pourrait spolier malgré lui un club sans défense, qui n'a d'autre souvenir du plus haut niveau qu'une saison catastrophique. A l'époque, le Tasmania Berlin avait d'ailleurs pu accéder à l'élite allemande grâce à la révocation de la licence du Hertha Berlin, sanctionné pour ne pas avoir respecté le règlement sur le salaire des joueurs. Au milieu de la Guerre Froide, la Fédération allemande avait besoin d'un club berlinois en Bundesliga pour des raisons politiques et c'est deux semaines avant le début de la saison que le Tasmania avait appris sa promotion (devant deux autres clubs berlinois, le Tennis Borussia et le Spandauer SV).
Des retombées inattendues
La parenthèse que s'était offerte le club, sept ans avant de faire banqueroute et de renaître sous une appellation semblable, est une histoire comme il ne s'en fait plus. "Elle fait partie de l'identité du Tas. C'est vrai que notre seule saison de Bundesliga date d'il y a 55 ans, mais nous sommes toujours un sujet national et aujourd'hui on n'a rien à faire pour gagner en publicité", n'a pas caché Almir Numic, le propriétaire du club, conscient dans une interview à Fussball.de des retombées possibles liées à la concurrence involontaire de Schalke. Ce dernier se félicite d'ailleurs d'être plus attractif pour les sponsors que le Viktoria ou le Berliner AK, ses rivaux locaux pourtant mieux classés. Récemment, le Tasmania Berlin s'est par exemple félicité de franchir la barre des 2000 j'aime sur Facebook.
Dans sa stratégie sur les réseaux sociaux, le club berlinois assume totalement, sans rejeter cette grande part de son identité que des observateurs non avisés pourraient juger humiliante. La série noire de Schalke 04 lui a permis d'exister à nouveau à une échelle nationale mais surtout à l'international. La BBC et le New York Times se sont notamment penchés sur son histoire. Mais si le record de matches sans victoire finit par lui échapper, que le Tasmania se rassure : il n'aura pas tout perdu. Dans les prochaines semaines, il restera quoi qu'il arrive le recordman du plus faible nombre de victoires (2), de points marqués (8, 10 avec ajustement à la victoire à 3 points), de buts marqués (15) ou du plus grand nombre de buts encaissés (108) lors d'une même saison de Bundesliga.
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