Fifty Fifty, l'association qui aide les femmes victimes de violences à se reconstruire par la pratique du vélo
C’est un chiffre qui laisse sans voix. En 2019, plus de 142 000 personnes ont été victimes de violences conjugales, dont près de 126 000 femmes. Un chiffre en hausse de 16 % par rapport à 2018, selon un bilan des services de police et de gendarmerie dévoilé par le ministère de l’Intérieur le 18 novembre. Pour soutenir ces femmes qui ont vécu l’enfer, de plus en plus d’associations lancent des programmes pour les aider à se réapproprier leur corps et à se reconstruire. C’est le cas de l’association Fifty Fifty. Cette jeune structure, fondée il y a deux ans par Nathalie Grubac et Christian Douchement, s’inscrit justement dans cette logique et souhaite accompagner ces femmes victimes de tous types de violences dans "l'après". “Ces femmes ont connu des moments difficiles et dramatiques. Ce n'est pas normal que ces chiffres soient si élevés. Nous, notre message est de dire qu’on peut encore faire de belles choses, qu’on peut se relever d’une telle épreuve et travailler sur la résilience", explique la cofondatrice de l’association.
A travers trois sports, le ski, la voile et le vélo, l’association, qui espère faire débuter son premier projet en début d’année prochaine (retardé à cause de la covid-19, ndlr), a imaginé des programmes pour aider des femmes, parfois avec leur enfant, à se reconstruire. Et ces disciplines n’ont pas été choisies par hasard par les co-fondateurs. "Ils incarnent tous les trois un sentiment de liberté, et surtout on peut se les réapproprier seul. Pour la voile, c’est plus complexe certes, mais elle donne d’autres sensations, lance plus de défis et va vous faire prendre le large. Avec le sport, on se vide la tête”, s’exalte Nathalie Grubac, professeur d’EPS de 48 ans, et vivant à Villars-de-Lans (Isère).
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Un financement participatif pour lancer l’aventure
Le 26 octobre dernier, Fifty Fifty a donc lancé une campagne de financement participatif pour lever des fonds afin de mener à bien leur premier programme de reconstruction par le vélo. A environ 10 jours de la fin de la collecte, Fifty Fifty a déjà rassemblé plus de 3500 euros. Une enveloppe déjà conséquente mais insuffisante pour la cofondatrice. “Avec 2500 € on peut accompagner la participation d’une femme à notre programme, ce qui est déjà une première victoire. Mais mon objectif est de récolter les 10 000 € pour que quatre femmes puissent en bénéficier”, insiste Nathalie Grubac, qui s’est plongée corps et âme dans ce projet, elle qui a réduit son temps d'activité professionnelle de moitié pour se lancer à 100% dans cette aventure à laquelle elle croit "profondément".
Ces femmes seront ainsi suivies et guidées pendant six mois par des sportifs de haut niveau. Des médecins et des psychologues seront aussi à leurs côtés. "Le but pour elles est d’être prêtes pour participer au Vélo vert festival (grand rassemblement de vététistes qui aura lieu en juin prochain, ndlr) et de prendre conscience du travail qu’elles auront accompli”, indique Nathalie Grubac. Ces quatre femmes choisies pour participer à ce programme seront sélectionnées par les associations dont elles font partie, en lien avec Fifty Fifty. “Il y a déjà plus de demandes que de places”, note la cofondatrice de l’association.
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"Notre mission est qu'elles renouent avec leur corps, se remettent en mouvement, redécouvrent leurs capacités et qu’elles prennent conscience qu’elles peuvent arriver à faire des choses dont elles ne se croyaient pas capables avant. Le but est qu’elles se fixent des objectifs et qu’elles les atteignent pour ensuite se rendre compte du chemin parcouru”, ajoute Isabeau Coudurier, vice-championne du monde Enduro World Series (VTT) en 2016, 2017, 2018 et championne du monde en 2019.
Plus que marraine de l’association, Isabeau Coudurier, comme les autres sportifs engagés dans Fifty Fifty, à l’image du vététiste Kevin Miquel et de la championne olympique de ski de descente Carole Montillet, encadrera et accompagnera concrètement ces femmes lors de rendez-vous mensuels. “Je leur donnerai les bases du vélo, les bons gestes à adopter pour qu’elles pratiquent en sécurité et elles apprendront également la technique. Elles auront aussi un programme à suivre en parallèle afin qu’elles travaillent en autonomie. Je les accompagnerai des premières sorties jusqu'au Vélo vert festival”, détaille la championne d’enduro VTT, qui a toujours eu envie de s’engager dans un programme de reconstruction par le sport et qui souhaitait partager tout ce que “le vélo a pu [lui] apporter”.
Le sport, un outil de reconstruction
Le sport est de plus en plus reconnu pour ses bienfaits et ses atouts dans la reconstruction d’un corps et d’un esprit meurtris. “Le corps est un plastique. Il a la capacité de se reconstruire. Le sport porte des valeurs essentielles au développement et au bien-être de chacun. Et très souvent, on vit de très belles choses à travers le sport, car on est plus fort ensemble”, poursuit Nathalie Grubac.
Et la cofondatrice de l’association en a déjà fait l’expérience. Avant de lancer Fifty Fifty, elle avait déjà en tête depuis longtemps de valoriser l’action des associations engagées contre les violences faites aux femmes. “Un jour, sur le Vélo vert festival, j’ai organisé une course de vélo féminine où les frais d’inscriptions étaient reversés à une association. Le tracé était assez simple car je voulais qu’un maximum de femmes, de tous âges, puissent y participer”, raconte-t-elle.
“A la fin de la course, une femme un peu âgée que je connaissais à travers une association, qui était très réservée et renfermée sur elle-même, a terminé la course en larmes. Je me suis inquiétée de la voir dans cet état, pensant que la course était à l’origine de ces pleurs. Mais elle a libéré sa parole. Elle m’a expliqué qu’elle avait été victime de violence, qu’elle avait essuyé les coups de son mari et qu’à travers cette course de 15 km, elle venait de réparer son histoire. Ce jour-là, j'ai compris qu'il fallait que je passe par le sport pour reconstruire”, confie Nathalie Grubac.
“Les corps de ces femmes ont été abîmés en bien des points, au niveau physique et physiologique. Souvent, ce sont des corps qui ont été repliés sur eux-mêmes”
“Réparer”, c’est bien l’objectif de l’association. “Les corps de ces femmes ont été abîmés en bien des points, au niveau physique et physiologique. Souvent, ce sont des corps qui ont été repliés sur eux-mêmes. A travers ce programme, le but est qu’elles puissent se remettre en mouvement progressivement et qu’elles retrouvent des sensations agréables, ou en tout cas qui s'opposent à la sensation du corps qui les a fait souffrir”, approfondit l'enseignante d'EPS. Les femmes monteront au fur et à mesure en capacité et passeront des paliers tant physiques que psychologiques. “Peut-être que nous verrons des femmes, qui n’ont jamais fait de sport, s’épanouir à réaliser une course de plusieurs km”, espère Nathalie Grubac. Et qui, une fois remises en selle, pourront naviguer vers d’autres horizons.
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