Jean-François Martins : "Les Jeux olympiques et paralympiques 2024 auront une dimension esportive"
Paris se prépare à accueillir dimanche la finale des Worlds, les championnats du monde de League of Legends. A cette occasion, Jean-François Martins, adjoint à la Maire de Paris, chargé du sport, du tourisme et des Jeux Olympiques et Paralympique, a répondu aux questions de France tv sport. Il explique notamment le positionnement de la mairie sur l'esport, le développement des pratiques amateurs et la place réservée à l'esport dans les Jeux olympiques et paralympiques 2024.
Pourquoi l'esport intéresse-t-il la mairie de Paris ?
Jean-François Martins : "Pour deux raisons. La première est économique : parmi un certain nombre d'industries sur lesquels Paris mise et se donne les moyens de jouer un rôle, on a identifié l'esport comme étant une industrie en forte croissance. Et sur laquelle Paris a des atouts. La première, c'est d'être historiquement un pays et une ville de jeu vidéo avec des grands éditeurs dont le plus grand est Ubisoft. Avec des grands événements comme la Paris Games Week, qui est le troisième salon mondial du jeu vidéo. Avec une filière de formation sur des codeurs, des graphistes qui sortent des Gobelins et sont parmi les meilleurs designers du monde. On avait une vraie tradition jeu vidéo. On a une légitimité sur le sport, de l’avènement du PSG à Roland-Garros, en passant par le Tour de France, on a des grandes entreprises du sport. Quand on cumule cette double expertise jeu vidéo et sport, on a tout ce qu'il faut pour que demain on ait des acteurs importants de l'esport. C'est pour cela qu'on a fait le choix en 2016 d'élaborer une stratégie pour devenir la capitale européenne de l'esport et de jouer ce rôle de hub européen pour attirer les investissements, l'emploi et les entreprises du secteur."
Et la seconde ?
J-F. M. : "C'est une une dimension sociale. Il y a de plus en plus de jeunes qui pratiquent le jeu vidéo de compétition. Nous on souhaite que ces jeunes ne soient pas laissés à l'abandon mais qu'on puisse demain formaliser, comme dans le cadre sportif traditionnel, des lieux, notamment des clubs, des associations où les jeunes peuvent s'adonner à leur passion dans un cadre, avec un accompagnement, avec des adultes, avec un accompagnement vers la performance, une transmission de valeurs, une préservation de l'intégrité des joueurs, pour rassurer les parents qui peuvent laisser libre cours à la passion de leurs enfants dans un cadre peut-être plus rassurant pour eux. Ce sont nos deux enjeux. Devenir une place forte économique du secteur et apporter une pratique encadrée pour les plus jeunes."
Qu'est-ce qui a amené la Mairie à se positionner là-dessus ?
J-F. M. : "Paris a depuis une quinzaine d'années une stratégie sur l'économie de l'innovation qui nous permet aujourd'hui d'être reconnu comme la capitale européenne de l'innovation. Paris est très bien positionné sur la question de la veille sur les économies innovantes depuis 15 ans. Cette industrie là est arrivée dans nos radars assez naturellement. Il y a peut-être eu un fait plus important encore, c'est à l'occasion de l'Euro 2016 de foot. Sur la fan zone avec 90 000 personnes, on avait organisé une compétition de e-football. On a vu l'appropriation par les Parisiens mais aussi le succès de la diffusion de la finale. On a diffusé cette finale de Pro Evolution Soccer devant 90 000 personnes, ce qui était un record devant autant de personnes physiques. Cela nous a fait prendre conscience qu'on avait des atouts et que c'était le bon moment d'y aller. Il y avait aussi eu les images de la finale des Worlds à Séoul (Corée du Sud) devant près de 60 000 personnes, on s'est dit qu'il se passait quelque chose et qu'il fallait y aller. Qu'on avait notre carte à jouer."
Cela a été facile à faire accepter au sein de la mairie, il n'y avait pas d'a priori négatifs ?
J-F. M. : "On a assez rapidement tordu le cou au débat si c'était un sport ou non. Il y a une stratégie de développement de Paris sur l'économie de l'innovation qui justifiait notre présence et le débat a été assez vite tranché en disant que peu importe, ce n'est pas à nous responsables politiques locaux de trancher si c'est un sport ou pas. Par contre, c'est à nous de constater que presque 100 000 Parisiens font du jeu vidéo compétitif et qu'il faut apporter à ces joueurs-là des moyens, des infrastructures pour que, comme les autres activités de loisir tant sportives que culturelles, elle puisse se faire à Paris dans un cadre qui apporte plus que du divertissement mais aussi une occasion de s'engager, d'être encadré et progressé. "
Pourquoi accueillir la finale des Worlds ?
J-F. M. : "Les grands événements sportifs font partie de la stratégie d'attractivité et de visibilité de la ville. De l'Euro 2016 jusqu'à l'organisation des Jeux, on a largement démontré notre volonté très forte de faire de Paris une ville de grands événements internationaux. L'esport, et en particulier League of Legends, produit des événements d'envergure mondiale qui vont participer à l'attractivité de Paris. Ensuite, de la lucidité sur le fait que c'est une pratique répandue chez les jeunes. Ils arrivent très bien à le faire sans nous, mais on veut apporter une petite couche de plus avec une filière économique pour permettre à des passionnés d'en faire leur métier, car on aura des entreprises parisiennes pourvoyeuses d'emplois ou des entreprises étrangères qui choisiront Paris pour leur antenne européenne. Et puis, on aura développé un vrai écosystème amateur pour leur permettre de venir faire des compétitions dans un cadre simple, sécurisé et sécurisant."
Comment se traduit cet attrait de la mairie pour l'esport ? Par quelles actions concrètes ?
J-F. M. : "Notre stratégie est en trois leviers. Le premier c'est d'attirer des grands événements esportifs internationaux. On avait accueilli les finales européennes, le Mid-Season Invitational (le deuxième plus gros tournoi de League of Legends), Dota 2 est venu à Disneyland. Puis de préparer le fait que les Jeux olympiques et paralympiques de Paris aient une composante esportive importante, que ce soit formellement ou informellement autour des Jeux. C'est la partie événement, on est plutôt dans de l'informel avec des dossiers de candidature, dans la relation avec les éditeurs pour les convaincre.
Le deuxième sujet c'est de structurer une filière économique, faire en sorte que les acteurs se parlent et qu'on puisse faire grandir des pépites. C'est la raison pour laquelle on a créé Level 256, la plateforme d'incubation dédiée à l'esport. Cela va nous permettre de faire grandir des entrepreneurs innovants, que ça soit dans la performance des esportifs, la gestion de la donnée, la monétisation des audiences, l'événementiel esportif, on a un panel de start-up hyper intéressantes qu'on commence à faire grandir. Et puis d'amplifier ce lieu en le transformant en Maison de l'esport avant la fin d'année. Il y aura sur site, dans le XXe, à la fois un incubateur mais aussi un lieu de pratique amateur, un studio pro et une arena pour les compétitions esportives. On a mis un million d'euros pour créer cette maison de l'esport qui va être un lieu amateur et professionnel dont la vocation est d'accueillir toute cette filière économique qui va des organisateurs aux éditeurs en passant par les équipes pour que l'émulation se crée et que la filière parisienne soit compétitive à l'échelle internationale. On a mis les moyens pendant les finales de League of Legends pour accompagner l'événement avec le village esport sur le parvis de l'Hôtel de Ville et faire découvrir avec d'autres publics ce que le jeu vidéo peut apporter par exemple sur la mobilité des seniors.
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Le troisième levier c'est la structuration du monde amateur. On a accompagné le PUC, le deuxième plus vieux club amateur de Paris, à ouvrir une section esport et de faire des stages esport et sport pendant les vacances. On a annoncé cette semaine qu'on ouvrait une enveloppe spéciale de 50 000 euros pour les clubs sportifs parisiens qui voudraient créer une section esportive."
Quelles sont les prochaines étapes pour la mairie ?
J-F. M. : "La prochaine étape, c'est vraiment l'ouverture de la maison de l'esport. Parce que cela va être un objet unique au monde avec incubation, pratique amateur, une arena d'esport ça n'existe nulle part ailleurs. Donc c'est un projet qui va faire rayonner Paris au-delà du cadre parisien ou international. C'est un point d'ancrage important. Ensuite, c'est de formaliser en 2020 le cap à long terme sur les événements, et notamment la vision de la dimension esportive des Jeux olympiques, en lien avec le comité d'organisation. Pour affirmer que les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 auront en leur sein ou aux abords de l'événement une dimension esportive importante."
L'esport et les jeux vidéo soulèvent des inquiétudes pour la santé des pratiquants, qui passent de longues heures devant l'écran d'ordinateur. Est-ce que cela n'inquiète pas la mairie ?
J-F. M. : "C'est un sujet d'envergure nationale. Je suis très lucide. Aujourd'hui, la question n'est pas s'il faut ou non que les jeunes jouent aux jeux vidéo et pratiquent de l'esport. Ils le font déjà. On peut essayer de se cacher son petit doigt et faire comme si ça n'existait pas, ils jouent déjà pendant des heures. Le phénomène qui est plutôt enthousiasmant, c'est qu'une série de licences comme League of Legends ou Rocket League a d'abord tendance à remettre les joueurs physiquement ensemble pour jouer. On recrée quelque chose de différent sur les compétitions. On pense que comme toute activité de loisir, que ce soit le basket ou le théâtre, quand elle est organisée, quand on a les lieux qui permettent de faire progresser et de socialiser, alors la pratique peut donner ce qu'elle a de meilleur : vivre ensemble, transmettre des valeurs, s'engager dans des responsabilités, dans une association locale parce qu'on prend la responsabilité d'organiser le prochain tournoi.
Pour nous, il n'y a pas de raison que ce loisir ne puisse pas donner une génération de gens engagés dans des associations, qui encadrent des plus jeunes et transmettent des valeurs. L'enjeu n'est pas 'Est-ce qu'il faut que les jeunes jouent au jeu vidéo ?', ils jouent déjà. C'est plutôt s'inspirer de ce qui marche dans le milieu sportif amateur, notamment sur l'encadrement, l'accompagnement de la performance, la formation pour le transmettre à l'esport. Que des parents qui diraient 'Mon fils est passionné de jeu vidéo et d'esport, qu'est-ce que je peux faire' puissent être rassuré en se disant qu'il peut le faire dans une association locale, encadrée, avec des adultes, avec un respect de l'intégrité des joueurs, de la prévention sur l'addiction, sur le sexisme, sur la lutte contre l'homophobie parfois présente. C'est ce qu'on veut faire avec la structuration du monde amateur, apporter une réponse à une situation qui existe vraiment et qui est par ailleurs beaucoup moins noire que celle qu'on caricature souvent."
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