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Diminution de la morbidité, augmentation d'une espérance de vie en bonne santé... L'activité physique, alliée des économies de coûts de santé

Article rédigé par Apolline Merle, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Plusieurs études françaises et internationales ont chiffré les économies en termes de coûts de santé, pouvant être réalisées à l'échelle d'un pays, si sa population augmente sa pratique d'activité physique et sportive. (HENRI LAURIANO / FRANCEINFO SPORT)
Les politiques commencent à se pencher sur les conséquences économiques d'une nation sportive alors que l'activité physique sera la grande cause nationale en 2024, en écho aux Jeux de Paris. Et les chiffres sont plus qu'encourageants.

Dans un contexte de recherche d'économies dans les comptes de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), l'activité physique et sportive serait-elle l'une des solutions pour réduire les coûts de santé en France ? Si les bienfaits de l'activité physique et sportive sur la santé ne sont plus à démontrer, les économies rendues possibles grâce à celle-ci semblent encore sous-estimées.

"Autant nous avons les preuves scientifiques de son efficacité, autant jusqu'à présent, nous n'avons pas avancé sur l'aspect économique. Pourtant, plusieurs travaux montrent que l'on peut réaliser des économies à plus ou moins long terme", expose Alain Fuch, médecin de conseil, qui a participé à la réalisation du premier rapport commandé sur le sujet, en 2022, par le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Un sujet dont viennent de s'emparer les politiques, alors que l'activité physique sera la grande cause nationale en 2024, année des Jeux de Paris.

L'inactivité physique chiffrée en milliards d'euros

"C'est bien démontré, confirme Martine Duclos, cheffe du service de médecine du sport au CHU de Clermont-Ferrand et directrice de l'Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps). Le coût de l'inactivité physique en France s'élève à 140 milliards d'euros par an, d'après les données de la Caisse nationale d'assurance maladie. Il s'agit d'ailleurs d'un chiffre largement sous-estimé, puisqu'on n'a pas mesuré le coût lié aux maladies chroniques en termes de morbidité [état de maladie]."

"Ce chiffre fluctue en fonction de l'âge : 840 euros par an si la personne est âgée de 20 à 39 ans, 23 275 euros si la personne est âgée de 40 à 74 ans.*"

Martine Duclos, directrice de l'Onaps

à franceinfo: sport

L'an dernier, le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques s'est saisi du sujet et a commandé un travail de recherche afin de recenser les études et travaux sur les conséquences économiques de l'activité physique sur la santé. Jamais auparavant un travail de recherche de cette ampleur n'avait été réalisé par le ministère des Sports, qui a aujourd'hui "pris le virage de la prévention", assure Alain Fuch.

Des millions d'économies en dépenses de santé par an

Dans ce document intitulé Evaluer les impacts socio-économiques du sport-santé en France, il est ainsi établi que "l'activité physique permet une baisse de 20 à 50 % du risque de pathologie coronarienne, de 20 % à 60 % du risque d’accident vasculaire cérébral (AVC), de 45 % du risque de diabète de type 2 et jusqu’à 65 % si elle est pratiquée à intensité élevée parmi les sujets à risque". L'activité physique permet également de réduire le risque de développer certains types de cancer, de 22 à 27 % pour celui du côlon, de 19 à 27 % pour le cancer du sein, de 15 à 19 % pour le cancer de l’estomac ou encore de 19 à 51 % pour le cancer de l’œsophage.

Concrètement, d'après une étude du Conseil national des activités physiques et sportives, menée en 2007, "si plus d’un million de Français physiquement inactifs atteignaient les recommandations de l’OMS [150 minutes d’activité physique hebdomadaires d’intensité modérée pour les adultes], plus de 250 millions d’euros de dépenses de santé seraient économisés chaque année". Plus récemment, en 2018, le Bureau de l'économie du sport a modélisé les gains économiques potentiels en fonction de l’augmentation du niveau de l'activité physique et sportive (APS) en France. Constat : en augmentant le nombre de pratiquants réguliers de 10 %, le gain net est estimé à 300 millions d'euros par an. Il grimpe à 1,3 milliard par an pour une hausse de 50 % des pratiquants, et jusqu'à 2,6 milliards par an quand le nombre de pratiquants réguliers double.

À l'échelle d'un pays, les économies potentielles sont ainsi considérables et permettraient même d'augmenter son produit intérieur brut (PIB). Des experts ont planché sur une modélisation de trois scénarios d’augmentation du niveau d’activité physique pendant trente ans, en prenant en compte l'évolution des dépenses de santé et celle de la perte de productivité liée par exemple à l'absentéisme pour maladie. D'après leurs calculs, l’augmentation du niveau d’activité physique de la population française permettrait une hausse annuelle du PIB de 2,98 à 13,94 milliards de dollars à partir de 2050, souligne l'étude The economic benefits of a more physically active population, publiée en 2019. 

Des effets immédiats et à tout âge

Surtout, les rapports prouvent que les économies observées interviennent rapidement. "Notre étude a démontré qu'un programme d'activité physique apporte une meilleure qualité de vie chez des patients ayant des antécédents de maladie coronarienne ou d'insuffisance cardiaque modérée. Les personnes ayant suivi ce programme ont vu leurs dépenses en frais de santé diminuer de 30 % l'année même du programme, soit une baisse de 1 300 euros par an", affirme Alain Fuch, auteur de l'étude scientifique As du cœur, menée en 2014, sur l'impact psycho-comportemental et médico-économique d’un programme d’activité physique adaptée (APA) en thérapeutique non-médicamenteuse.

Ce constat de baisse des frais liés aux dépenses de santé se confirme à tout âge de la population et notamment chez les seniors. Une analyse de l'Institut des politiques publiques, parue en 2015, a estimé les coûts annuels directs économisés grâce aux chutes évitées, à la suite d'un programme d'APA à destination de résidents de maisons de retraite. Cette baisse se chiffrerait chaque année entre 1 842 et 3 242 euros par patient.

Si ce type de programme d’APA était généralisé à 500 000 résidents, la France pourrait économiser chaque année entre 421 et 771 millions euros. "On sait que les chutes sont très souvent le déclencheur d'un vieillissement accéléré. Pour les éviter, il faut mobiliser son corps, continuer à envoyer tous les signaux du mouvement qui engagent le cerveau et l’appareil locomoteur (les muscles, les articulations les os ..) dans son ensemble. En clair, bouger protège de la chute", explique Irène Margaritis, professeure en physiologie du sport et adjointe de la direction de l’évaluation des risques à l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire). 

Une espérance de vie en bonne santé stable

Ces économies de coûts de santé vont ainsi de pair avec une espérance de vie en bonne santé, autrement dit le nombre d'années qu'une personne peut compter vivre sans souffrir d'incapacité dans les gestes de la vie quotidienne."Il y a un lien très clair entre l'activité physique et l'espérance de vie, puisqu'il y a une diminution de la mortalité et morbidité avec l'activité physique. Et en parallèle, un allongement de la vie en bonne santé", pose Irène Margaritis. 

Car si "les Français vivent de plus en plus longtemps, le gain de ces années à vivre n’est pas toujours associé à des années de vie en bonne santé", rappelle la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), dans l'un de ses rapports publié en 2018.

Depuis une vingtaine d'années, l'espérance de vie en bonne santé des Français reste stable alors que l'espérance de vie augmente. "Nous sommes une des nations qui vit le plus longtemps, mais par contre nous sommes très mal classés pour les années de vie en bonne santé. Nous sommes à peu près au milieu des pays européens, avec un âge moyen où se développent des maladies chroniques autour de cinquante ans", remarque Martine Duclos. 

La France, pays de curation et non de prévention 

Bien que les nombreuses études sur le sujet démontrent un lien direct entre diminution des coûts de santé et activité physique, les politiques commencent seulement à regarder de plus près ce paramètre. Contactée par franceinfo: sport, la Direction générale de la santé qui travaille avec le ministère des Sports sur le sujet, confirme cette prise en compte "de l’importance de promouvoir l’activité physique comme un déterminant majeur d’amélioration de la santé de la population"

Le ministère précise également qu'une "vingtaine d’expérimentations sont en cours",(...) "portant sur des parcours de soins intégrant ou centrés sur l’APA avec une prise en charge forfaitaire pluriacteurs", afin d'en évaluer "l’efficience (...), contribuant à fournir des données complémentaires, nécessaires pour l’orientation de la politique publique de santé, sur l’impact de ces interventions en termes d’économie de santé". Pourquoi avoir autant attendu ?

"D'abord, nous n'avons pas une culture de prévention, mais une culture de soins. Ensuite, les effets de la prévention ne s'observent qu'à partir de quatre ou cinq ans, ce qui n'est pas la longueur de vue d'un politique, qui veut des résultats immédiats."

Martine Duclos, directrice de l'Onaps

à franceinfo: sport

Plus que cette prise de conscience politique, c'est tout un pays à éduquer en ce sens. "Les médecins commencent à être formés sur les effets de l'activité physique", souligne la cheffe du service de médecine du sport au CHU de Clermont-Ferrand. "Maintenant, là où il faut avancer, c'est la prise en charge de l'activité physique à but thérapeutique", avance quant à lui Alain Fuch. Afin d'essayer de devenir davantage un pays de prévention que de curation.

* d’après un rapport de France Stratégie, intitulé Évaluation socio-économique des effets de santé des projets d’investissement public et publié en 2022.

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