Des tribunes à l'hémicycle, Sacha Houlié, le député qui défend les supporters
Avec ses lunettes rondes et ses cheveux bien coiffés, Sacha Houlié ne correspond pas vraiment à l'idée que l’on se fait - à tort- des ultras des stades de football. Cela tombe bien : ces clichés caricaturaux, il entend les démonter pour faire évoluer le supportérisme français et la façon dont il est perçu. Et si cet élu n’est pas lui-même membre d’un groupe ultra, il en est un grand défenseur. A 32 ans, le député originaire des Deux-Sèvres vient de co-écrire avec Marie-George Buffet un rapport sur le sujet, qu’il présente devant l’Instance National du Supportérisme ce lundi. Ancien membre du PS, soutien d’Emmanuel Macron de la première heure, comment ce jeune avocat en droit public des affaires s’est-il imposé comme le porte-voix politique des revendications des ultras français ?
Deux-Sèvres, Marcelo Bielsa et Sankt Pauli
Sacha Houlié est né en 1988 à Bressuire, dans les Deux-Sèvres, d'une mère institutrice et d'un père ayant “exercé une trentaine de métiers”, disparu depuis. “Mes parents n’aimaient pas le football, je n’avais pas le droit de regarder”, se souvient le député qui, comme beaucoup, a découvert le ballon rond lors de la Coupe du monde 1998. “Ensuite, en août, quand mes parents organisaient des barbecues, j’en profitais pour me mettre devant la TV, pour regarder la Ligue 1 avec les copains”. Du haut de ses dix ans, le jeune Sacha tombe amoureux de l’OM de Pirès, Ravanelli et Blanc, notamment à l’occasion d’une mémorable victoire 5 à 4 de Marseille contre Montpellier au stade Vélodrome, après avoir été mené 4 à 0 à la mi-temps. “A ce moment-là, je ressens des trucs… C’est de l’hystérie”.
Pendant longtemps, le futur député vit son amour à distance. “Pas facile de faire Poitiers-Marseille pour aller au Vélodrome”, sourit-il. A l’occasion de voyages, il découvre divers stades européens. “En 2014, j’étais en Erasmus à Grenade, j’ai fait beaucoup de stades en Espagne. J’ai été très déçu par l'ambiance du Vincente Calderon de l’Atlético de Madrid, et carrément consterné par le stade de touristes du Real Madrid”. Surtout, cette saison-là, Sacha Houlié et l’Espagne se régalent grâce à l’Athletic Bilbao de Marcelo Bielsa. “Quand il est arrivé à Marseille ensuite, j’étais fou. Cette année-là, j’ai fait quasiment tous les matches de l’OM à domicile. Je rentrais à 5h du matin le lundi à Paris, et j’enchaînais avec le travail. Je me changeais rapidement au bureau, mon patron se demandait d’où j’arrivais”, se marre l’avocat.
Devenu un habitué du stade Vélodrome en parallèle de ses études de Droit, celui qui revendique son amour pour l’OM dès sa bio twitter -fait rare pour une personnalité politique- s’aventure aussi dans d’autres enceintes européennes. “J’étais en tribunes lors d’un barrage d’accès du Panathinaïkos en Ligue des champions, où il y a eu une émeute énorme : invasion de stades par les ultras du PAOK, vol et brûlage de banderoles, intervention de la police. J’ai fait Naples-Milan. Je suis allé en Allemagne, notamment à Sankt Pauli. Je suis même allé voir des matches du PSG parce que c’était cinq euros la place à l’époque…”, concède Sacha Houlié, qui explique : “Je me suis toujours intéressé à l’environnement autour du match, à la cohésion et la mixité en tribunes”.
Sous l'aile de Marie-George Buffet
Aujourd’hui, cette cohésion et cette mixité des tribunes, c’est ce que défend le député de la Vienne. Parmi les conclusions de son rapport, il prône ainsi la légalisation des fumigènes, les tribunes debout, et dénonce le caractère abusif des trop nombreuses interdictions de déplacements et/ou de stades. “J’ai défendu quelques supporters, notamment un Lyonnais qui avait pris une interdiction administrative de stade (IAS). En tant qu’avocat, je suis très sensible à la question libertés publiques. Quand j’ai entendu à l’Assemblée nationale que les mesures prises contre les supporters étaient efficaces, et qu’il fallait s’en inspirer pour la loi anti-casseurs, mes cheveux se sont dressés sur ma tête !”, raconte le député, qui précise : “Je ne suis pas d’accord, ça n’a pas fonctionné. Ni sur les IAS, ni sur les interdictions de déplacements, ni sur les fumigènes”. Nulle part en somme.
C’est à ce moment que Sacha Houlié s’empare de la cause sur le plan politique. “Le débat était ouvert, c’était l’occasion de faire le bilan des mesures prises sur les supporters”. Et à ceux qui prétendraient que l’engagement du celui qui a été le plus jeune vice-président de l’Assemblée nationale est calculé et non sincère, voici sa réponse : “Les supporters sont des gens très avisés, suffisamment pour qu’on ne les trompe pas, parfois même un peu paranoïaques. J’ai fait la preuve que je n’étais pas là pour les duper. J’ai envoyé mon rapport à tous les gens rencontrés, qui l’ont tous apprécié. Je ne suis pas là pour me faire un nom. D’ailleurs, si j’étais là pour ça, je ne me serais pas mis sous l’ombre de Marie-George Buffet”.
"C’est un homme de gauche, un vrai. Comme quoi il y en a à LREM...”
L’ancienne ministre des Sports a en effet co-signé le rapport, et ainsi découvert le jeune loup de la majorité LREM : “Je ne le connaissais que de nom. J’ai appris son itinéraire au PS, puis à En Marche, et à le connaître. C’est un homme de gauche, un vrai. Comme quoi il y en a à LREM...”, sourit la députée communiste de Seine-Saint-Denis. Elle développe : “C’est quelqu’un qui aime débattre, qui est curieux et un fin connaisseur du droit. On a très vite bien travaillé. Il a des envies certainement d’aller plus loin en politique, on le sent. C’est aussi un vrai supporter de l’OM, quand on était à la Commanderie, on sentait l’émotion dans son regard”.
Chez les supporters, au-delà des considérations politiques, le travail de Sacha Houlié fait aussi l'unanimité. “Il n’est pas un membre de l’Association Nationale des Supporters, mais on pourrait le penser à la lecture du rapport”, assure Tom, justement vice-président de l’ANS. Il poursuit : “C’est un parlementaire sérieux qui a bien travaillé sur le sujet. Au-delà des opinions politiques, on a confiance en son travail sérieux et reconnu”. Pierre Barthélémy, avocat de l’ANS, confirme le sentiment général : “C’est un vrai passionné, sincère. D’ailleurs, il a mené le travail plus comme un passionné que comme un administrateur. Je n’ai aucun doute sur sa compétence, il est avocat en droit public des affaires, donc très à l’aise sur ces sujets de police et administratifs”. D'ailleurs, le rapport sur le supportérisme dépasse de loin le seul cas des stades, puisqu’il remet en questions des politiques de restriction des libertés de circuler. “Revoir la politique de gestion des supporters dans les stades, c’est à l’avantage de l’état de droit et de tous les citoyens. Sinon, les abus incessants envers les supporters pourraient être étendus à toute la population”, conclut d’ailleurs le député Sacha Houlié, fervent supporter des supporters dans l'hémicycle.
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