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De Mickey Rourke à Jake LaMotta... Quand des matchs truqués envoient la boxe au tapis

La réputation du noble art a été plusieurs fois entachée par des combats arrangés. Même des légendes des rings sont impliquées.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
L'Américain Mickey Rourke fête sa victoire lors de son retour sur le ring, le 28 novembre 2014, à Moscou (Russie). (DENIS TYRIN/AP/SIPA / AP)

Le come-back de Mickey Rourke sur les rings était-il truqué ? Avant la victoire de l'acteur au visage botoxé, on glosait sur son adversaire, un boxeur SDF sans pedigree, appâté par la perspective de faire, enfin, décoller sa carrière. Deux semaines après le combat, Elliot Seymour, le challenger de Rourke, affirme au site people TMZ (en anglais) que le combat était truqué. S'il sort de son silence, c'est que le camp comédien américain aurait pris du retard dans le paiement des 15 000 dollars promis.

Le combat entre Mickey Rourke, 62 ans, et Elliot Seymour, 29 ans, avait suscité pas mal d'interrogations parmi les connaisseurs du noble art. Une triste habitude dans ce sport, où même les grands noms sont impliqués. La preuve en quatre exemples. 

2012 : des soupçons sur le tournoi olympique 

Août 2012, aux JO de Londres. Dans la catégorie poids coqs, le Japonais Satoshi Shimizu domine nettement le combat, lors de la petite finale du tournoi olympique. Son adversaire, l'Azerbaïdjanais Magomed Abdulhamidov va au tapis à cinq reprises lors du troisième et dernier round. Quand le gong retentit, l'arbitre désigne Abdulhamidov vainqueur. Le public siffle. Incrédule, Shimizu erre sur le ring, désemparé. "Je ne comprends pas pourquoi je n'ai pas gagné", confie-t-il au Guardian (en anglais) après le combat. Il n'est pas le seul. La fédération japonaise obtiendra gain de cause en appel : le résultat du combat sera inversé, et le Japonais récupère la médaille de bronze.

Un an plus tard, la BBC (en anglais) révèle le pot aux roses. L'Azerbaïdjan a versé 9 millions de dollars à la structure qui chapeaute la boxe olympique, en difficulté financière, via des comptes en Suisse. En échange, deux médailles d'or pour les boxeurs azerbaïdjanais. Un témoin de la scène raconte à la BBC : "Ivan [Khodabakhsh, un haut responsable de la fédération] est entré dans le bureau et a dit : 'On est sauvés, l'Azerbaïdjan est arrivé, il va falloir qu'on leur donne des médailles pour ça.' Les médailles sont vendues au vu et au su de tout le monde, c'est incroyable." La fédération de boxe amateur (AIBA) dément, mais le doute subsiste. D'autant plus que ce n'est pas la première fois que les tournois olympiques débouchent sur des résultats surprenants. C'était déjà le cas à Séoul (Corée du Sud), en 1988.

1995 : le curieux retour de Mike Tyson

Cette année-là, Mike Tyson sort de prison. Il vient de purger une peine de quatre ans. Son come-back est organisé de main de maître par le promoteur Don King. Au menu, un adversaire pas trop coriace : le méconnu Peter McNeeley, "un minable à quinze contre un", écrit Tyson dans son livre La Vérité et rien d'autre. Un cadre prestigieux : Las Vegas (Nevada, Etats-Unis). Environ 25 millions de passionnés, dans 90 pays, lâchent une dizaine de dollars pour suivre le match de chez eux via le pay-per-view (le paiement à la demande). McNeeley monte sur le ring, "terrorisé", avouera-t-il plus tard. Il tombe une fois, deux fois, mais se relève à chaque fois. Le combat n'a pas commencé depuis 1'30'' que son entraîneur jette l'éponge, sous les sifflets du public. L'issue du combat arrange tout le monde : la carrière de Tyson est relancée, et McNeeley capitalise sur sa toute nouvelle célébrité en apparaissant dans deux publicités, dont une pour Pizza Hut, où il est mis K.-O. par la pâte à pizza.

Le combat a duré exactement 89 secondes. La veille, l'entraîneur de McNeeley, en compagnie d'un mystérieux tiers, a parié plusieurs centaines de milliers de dollars sur le fait que le combat ne dépasserait pas les 90 secondes, raconte le site Sports On Earth(en anglais). Le manager Charles Farrell confirme les faits, dans une longue confession publiée par le site Deadspin(en anglais) : "Vecchione [le coach de McNeeleysavait qu'il allait toucher son dû : Tyson était la plus grosse vache à lait de l'histoire de l'Etat du Nevada, et le moindre problème concernant l'issue du combat anéantirait des milliards de dollars de revenus à venir pour les casinos. Il les tenait par les couilles, les casinos, la commission des jeux, la chaîne de pay-per-view, Don King, et il le savait."

1964 : les liens de Sonny Liston avec la mafia

Sonny Liston, champion du monde en titre, est, en 1964, l'immense favori de son combat face à Cassius Clay, que l'on n'appelle pas encore Mohamed Ali. A la surprise générale, c'est l'outsider qui s'impose. Dès le premier round, Liston va au tapis après un coup de Clay qui semble ne pas le toucher. Même au ralenti, son poing ne fait qu'effleurer la tempe de son adversaire. Au septième round, Liston refuse de quitter son tabouret, dans son coin du ring, prétextant une blessure à l'épaule. Fin du combat. Le match paraît tellement avoir été arrangé que l'Etat du Nevada refuse d'accueillir la revanche. Des documents, déclassifiés par le FBI, et révélés par le Washington Times (en anglais), début 2014, attestent du trucage.

Qui a intérêt à faire perdre Liston ? A cette époque, le champion ne s'appartient plus qu'à 10%. Du coup, 90% de ses gains finissent dans les poches de ses managers, acoquinés avec la mafia, raconte le New York Times (en anglais). Faut-il s'étonner du déroulement de la revanche, qui a pour théâtre une improbable patinoire scolaire, dans le Maine. Dès le premier round, Liston est mis K.-O. : où est passé celui que son entraîneur décrit comme une "machine à tuer" ? Les liens de Liston avec le milieu ne s'arrêteront pas là.

Cinq ans plus tard, l'ancienne gloire dispute son dernier combat, contre un dénommé Chuck Wepner, dans le New Jersey. Quelques jours avant le match, son entraîneur le surprend en compagnie de types louches dans un bar. Le lendemain, l'un deux le prévient : "Si ton type perd, ne le prends pas mal. Chuck Wepner est très populaire ici." Son entraineur de l'époque, Johnny Tocco, raconte à ESPN (en anglais) : "Je suis allé voir Sonny pour lui demander : 'Est-ce qu'il y a quelque chose qui se trame ? Je veux être mis dans la confidence.' Il m'a répondu : 'Va te coucher. Je vais mettre ce type K.-O.'" Ce qu'il fait, au 9e round. A l'hôpital, les médecins devront poser 54 points de suture à Wepner, raconte le Los Angeles Times. Six mois plus tard, on retrouve le corps de Liston sans vie. Officiellement, il a fait un arrêt cardiaque. Officieusement, il pourrait s'agir d'une overdose d'héroïne, avec une trace d'aiguille retrouvée sur son bras. Curieux pour un homme, qui avait une peur panique des piqures, comme le confie un de ses managers à The Independent (en anglais).

1947 : le jour où "Raging Bull" s'est couché

Au sortir de la seconde guerre mondiale, Jake LaMotta est le boxeur qui monte aux Etats-Unis. Mais il lui manque une consécration internationale, un combat contre le Français Marcel Cerdan par exemple. Pour l'obtenir, il lui faut l'accord de la mafia, qui a la haute main sur le sport. Le deal est simple : s'il se couche contre l'outsider Billy Fox, il pourra défier Cerdan, et touchera une enveloppe de 20 000 dollars en dédommagement. La rumeur parvient aux oreilles des bookmakers, qui gèlent les paris peu avant le début du combat. LaMotta domine outrageusement les quatre premières reprises, quand un coup, assez mou, de son adversaire l'envoie au tapis.

Fox croit avoir gagné à la régulière, et vit très mal les accusations de trucage. Au lendemain du combat, il achète un journal. Sur la manchette : "Fix, fix, fix !" ("Chiqué !" en version française), raconte le site spécialisé Convicted Artist (en anglais). Furieux, il fait jurer à son manager – très proche du milieu – sur la tête de ses enfants que le combat s'est déroulé à la loyale. C'est faux. LaMotta ne l'admettra que des années plus tard, devant une commission d'enquête parlementaire, puis dans son livre Raging Bull. "Fox n'arrivait même pas à être crédible. Lors du premier round, après quelques crochets à sa tête, je vois son regard devenir vitreux. Nom de Dieu, il est en train de s'écrouler après quelques coups de poing ? Je commence à paniquer. Je suis censé disputer un combat contre ce type, et là, je vais finir par devoir le tenir pour qu'il tienne debout ! (...) Lors du quatrième round, si une personne présente au Madison Square Garden ce soir-là n'a rien remarqué, c'est qu'elle devait être ivre morte."

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