D'apprenti plombier à superstar : Conor McGregor, l'enfant terrible des MMA, à l'assaut du combat du siècle
Le roi de la provoc' irlandais défie le boxeur américain Floyd Mayweather dans un face-à-face très attendu, samedi 26 août.
"Quand Conor est né, il avait les poings serrés." C'est la première image que le père du champion, Tony, retient de son fils, né un jour de juillet 1988 à Dublin. La phrase de la sage-femme – "vous verrez, ce petit deviendra boxeur" – est restée gravée dans sa mémoire. Elle n'est pas tombée loin : Conor McGregor est devenu le plus grand champion de MMA (pour "mixed martial arts", arts martiaux mixtes) de l'histoire et affronte, samedi 26 août, le boxeur américain Floyd Mayweather, invaincu en 49 combats, dans ce qu'on appelle déjà "le match à un milliard de dollars".
Le gamin qui n'arrivait pas à trouver "un vrai job"
Mais le destin de Conor McGregor aurait pu prendre une toute autre tournure. A l'école, Conor montre qu'il est doué, mais bien décidé à ne se dépasser que dans les domaines qui l'intéressent. "Son professeur me disait qu'il était assez intelligent pour devenir avocat", soupire Tony dans l'Irish Independent (en anglais). Mais Conor quitte l'école à 16 ans et, devant l'insistance de ses parents, devient apprenti plombier. C'est qu'on bosse dur dans la famille : son père, qui travaille de nuit comme taxi, a hérité du doux surnom de "Dracula", rapport à son teint blafard. Il n'est pas encore rentré quand le réveil de son fils sonne, à 5 heures du matin. Direction la glissière de l'autoroute, distante d'un quart d'heure à pied, où "un type que je ne connais pas m'embarque dans une camionnette pour une journée de 12 heures de boulot", se souvient Conor. Mais au bout d'un an et demi, McGregor comprend que ce destin n'est pas le sien. Retour à la case départ et aux piques de son père, qui le presse de "trouver un vrai job".
Si le quartier de Dublin où il grandit n'est pas folichon – Crumlin demeure aujourd'hui un repaire pour les trafiquants de drogue de la ville – Conor "ne manquait de rien, il avait la dernière Playstation, le dernier vélo à la mode", dit son père. Et l'ado reste soigneusement à l'écart des clans qui se forment. Il les côtoie à la salle de boxe, sans plus.
Avec un grand-père boxeur, McGregor a de qui tenir. "Il s'entraînait plus dur que la plupart des gamins", raconte Phil Sutcliffe à l'Irish Independent. Celui qui fut son entraîneur à Crumlin pendant trois ans se souvient d'un apprenti studieux, aux contre-attaques dévastatrices. "Il s'est intéressé aux MMA alors qu'il commençait à devenir bon boxeur. Je n'aimais pas ça. Je n'aime toujours pas ça. L'idée qu'on puisse s'acharner sur un type au sol sans que personne n'intervienne…"
Las ! l'impatient McGregor progresse vite dans sa nouvelle discipline, plus vite qu'il n'aurait pu l'espérer dans le "noble art" qu'est la boxe, sous l'impulsion d'un autre coach, Jamie Kavanagh. Le coup de foudre se produit lors d'une réunion de l'UFC, l'organisation qui régit ce sport hybride, à Dublin. "Je me sentais à ma place", se souvient l'Irlandais. En chahutant un peu pour rencontrer ses idoles, il parvient à héler Dana White, le puissant patron de l'UFC : "Hé, Dana, t'as combien d'argent dans ta poche, là, maintenant ?"
"Qu'est-ce que je fous là ?"
Le jeune garçon à la progression fulgurante ne commet qu'une grosse bêtise, une seule. Quand Jamie Kavanagh organise ses premiers combats, c'est lui qui gère la billetterie mais tape dans le tiroir-caisse, et claque tout. "Quand il a commencé à réclamer son argent, j'ai fait le mort. Je ne répondais plus au téléphone, je restais au lit…", se souvient McGregor, même pas penaud. Il faudra que sa mère supplie le coach de lui pardonner pour que le jeune homme puisse retravailler avec lui. Depuis, le petit surnom de Conor dans le téléphone de Kavanagh, c'est "Trouble" ("problèmes" en VF), relate l'Irish Examiner.
Sa première fois sur un ring de MMA, McGregor en conserve un souvenir haut en couleur. "J'étais sapé avec un short de surf qu'un ami avait glissé dans ma valise après ses vacances, se rappelle dans l'Irish Examiner celui qu'on ne surnommait pas encore "The Notorious" ("Le Fameux") car personne ne le connaissait. Au moment où j'ai signé le registre, je me suis retrouvé à côté d'une armoire à glace, un mec du Nord. Je me suis demandé : 'Mais qu'est-ce que je fous là ?'" Du haut de son mètre soixante-quinze, McGregor enverra ce Goliath au tapis.
Après une dizaine de combats en amateur, Conor McGregor est invité par le tout-puissant patron de l'UFC à disputer un championnat européen à Stockholm (Suède). Le combattant se fait prier, finit par accepter, mais manque de louper son avion, car il était bloqué… à la poste, pour encaisser le chèque de son allocation chômage – 188 euros par semaine, raconte le Daily Mail. Avec cette indemnité, il parvient à louer un petit appartement à 30 km de Dublin. Quand le frigo n'est pas plein, c'est sa petite amie de toujours, Dee, qui se prive pour qu'il puisse suivre son régime de sportif. "Quand je rentrais chez moi lessivé après l'entraînement, elle me disait toujours : 'Conor, je sais que tu y arriveras !'" McGregor avait aussi promis à son père qu'il serait millionnaire à 25 ans, mais il ne l'a pas cru.
McGregor revient de Stockholm avec un chèque de 60 000 euros en poche. D'autres se seraient reposés sur leurs lauriers. Pas lui. Encore aujourd'hui, il insiste sur le fait de se rendre chaque matin à l'entraînement, "comme si je n'étais que ceinture blanche" (le plus petit grade dans les arts martiaux), dit-il.
La stratégie (payante) de la grande gueule
Le petit Irlandais fait son trou dans la très américaine UFC et démolit ses adversaires, combat après combat, en une poignée de secondes. Son plus grand fait d'armes ? José "Scarface" Aldo, invaincu en dix ans, expédié en 13 secondes. Au fur et à mesure des victoires, son corps s'orne de tatouages sans équivoque pour le guerrier qu'il devient. Sur son torse, on devine un gorille dévorer un cœur humain, des ronces longent sa colonne vertébrale et un tigre décore ses abdos. Hors du terrain, McGregor se met la presse dans la poche grâce à son sens de la répartie… mais pas toujours du meilleur goût. Sports Illustrated rappelle qu'il a déjà traité de "nazi" un adversaire allemand ou encore proposé de "poser ses couilles" sur le front d'un autre qui mesurait vingt centimètres de moins.
L'Irlandais est devenu la star de la discipline. Au point de se permettre de faire attendre deux heures ses 23 camarades pour une photo promotionnelle. C'est le seul combattant sur lequel Dana White, le tout-puissant patron de l'UFC, ne peut pas taper sur les doigts. "Conor excelle dans tous les domaines, le combat mental comme le combat physique, détaille-t-il. C'est le meilleur pour vendre un combat depuis Mohamed Ali." C'est ainsi que McGregor et sa provoc' aux petits oignons ont convaincu, à l'usure, le clan Mayweather d'accepter un combat où le boxeur a tout à perdre.
Tout a commencé par cette petite phrase dans un talk-show à l'été 2015, quelques semaines après le précédent "combat du siècle" entre Mayweather et le Philippin Pacquiao : "Si vous me demandez si j'aimerais combattre contre Floyd Mayweather, je vous répondrais : 'Qui n'aimerait pas danser autour d'un ring pour 180 millions de dollars ?'" Référence à la piètre qualité du spectacle proposé ce soir de mai à Las Vegas.
I am going to break his face pic.twitter.com/sI5jxpVGQN
— Conor McGregor (@TheNotoriousMMA) 24 décembre 2016
Quelques tweets bien sentis plus tard, et les deux parties trouvaient un accord. Entretemps, McGregor avait dû convaincre White, lui aussi très réticent à engager l'UFC dans l'affaire. Mais la stratégie du "Notorious" a évolué et Mayweather est passé au second plan depuis qu'il a donné son accord. "Maintenant, on a l'impression qu'il se bat contre l'industrie de la boxe, à cause de toutes les critiques qui pleuvent sur lui et ceux qui prédisent qu'il ne tiendra pas deux rounds", analyse le commentateur Dan Hardy, interrogé par MMAJunkie. McGregor a déjà distillé des commentaires affirmant que la boxe n'est qu'une forme de combat assez inefficace en-dehors du ring : "Dans un vrai combat, je le démonterais en quelques secondes. (…) c'est comme jouer avec un bébé." Jetez un coup d'œil attentif au costume qu'il portait lors d'une conférence de presse en présence de son adversaire... Oui oui, vous lisez bien "FUCK YOU" ("va te faire foutre").
LMAO the Suit!!!! pic.twitter.com/B4iL0DZARF
— Chase Sherman (@ChaseShermanUFC) 11 juillet 2017
Une grande gueule et des gros bras qui lui valent le respect de tous. Un jour, raconte ESPN, au volant de sa berline, il se retrouve dans une impasse de Dublin, où des dealers bien armés et protégés ont établi leur petit commerce. Les trafiquants encerclent son véhicule et plongent la main dans leurs poches. McGregor ne se démonte pas, fait vrombir le moteur et démarre en trombe en marche arrière. Sauf que les dealers ne cherchaient pas leur revolver mais leur téléphone, pour prendre quelques photos de la star.
"Je me pince toujours pour y croire"
Pour le combat contre Mayweather, qui a nécessité un sérieux rafraîchissement des règles de la boxe, le coach de McGregor a fait appel à un collectif de graffeurs pour peindre une immense fresque sur le mur de la salle d'entraînement de Dublin. On y voit Conor expédier un crochet du gauche à son adversaire américain. "Je veux qu'il s'en imprègne chaque matin", martèle l'entraîneur.
Quand il quitte la salle, McGregor honore chaque demande de selfie ou d'autographe. Son statut d'icône n'est plus à prouver : ses promoteurs ont un jour reçu 70 000 demandes pour assister à l'une de ses conférences de presse. Même le XV du Trèfle a découché en pleine préparation à la Coupe du monde 2015 pour assister à l'un de ses combats.
Qu'est-ce qui fait encore courir le multimillionnaire irlandais, à l'abri du besoin pour plusieurs générations ? "J'ai commencé le MMA par amour du sport, et mon envie a été décuplée par l'argent que ce sport génère, reconnaît-il sans fard, lui qui s'est vanté dans GQ d'avoir claqué 27 000 dollars dans un magasin Dolce & Gabbana de Los Angeles. Son entraîneur relativise : "Il s'offre une montre, et une semaine plus tard, elle est rangée dans sa boîte et il ne la regarde plus jamais." Sans emploi il y a quatre ans, Conor McGregor vit aujourd'hui dans l'opulence : "Je me pince toujours pour réaliser que je vis dans tant de luxe. Mais ne vous y trompez pas : je l'ai acquis à force de sacrifices."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.