Que risque Froome après son contrôle antidopage anormal ?
Q: Que dit l'Agence mondiale antidopage ?
R: Le salbutamol, un bronchodilatateur utilisé dans le traitement de l'asthme -- c'est le composant de la ventoline -- fait partie de la liste des interdictions de l'Agence mondiale antidopage (AMA) mais avec des aménagements. Inhalé, il est autorisé jusqu'à 1.600 microgrammes/24 heures, sans excéder 800 microgrammes par 12h. Pour donner une idée, une inhalation de ventoline correspond à 100 microgrammes. Ce produit est interdit par les autres voies, en comprimés ou intraveineuses par exemple. Jusqu'en 2011, le salbutamol n'était autorisé qu'avec une autorisation d'usage thérapeutique (AUT). "L'asthme d'effort est très fréquent chez les sportifs. Et dans les seuils fixés aujourd'hui, les études sont assez claires pour dire que ça (le salbutamol) n'a pas d'effet sur la performance", explique à l'AFP le professeur Xavier Bigard, conseiller scientifique à l'Agence française de lutte contre le dopage (Afld).
Q: Que dit le contrôle de Froome ?
R: Le coureur britannique a subi un contrôle antidopage anormal le 7 septembre lors de la 18e étape de la Vuelta, où il avait conforté son statut de leader en grappillant 21 secondes sur son dauphin Vicenzo Nibali. D'après son équipe, Sky, "les analyses indiquent la présence de salbutamol à une concentration de 2.000 nanogrammes par millilitre" d'urine. L'échantillon B a confirmé le A. Or, au-dessus de 1.000 nanogrammes, l'AMA considère que ça ne relève plus de "l'utilisation thérapeutique intentionnelle". Sauf si "le sportif prouve par une étude de pharmacocinétique contrôlée que ce résultat anormal est bien la conséquence de l'usage d'une dose thérapeutique (par inhalation) jusqu'à la dose maximale" autorisée. "Au-dessus de cette valeur, on peut craindre un mode d'administration par voie générale", explique Xavier Bigard. Dans ce cas, le salbutamol peut avoir des effets anabolisants, c'est-à-dire une augmentation de la masse musculaire.
Q: Comment Froome peut-il se défendre ?
R: "C'est au quadruple vainqueur du Tour de France qu'il appartient de démontrer à l'UCI que cette concentration de salbutamol dans ses urines, deux fois supérieure au seuil autorisé, n'est pas due à une prise prohibée. Une étude de pharmacocinétique permet de déterminer ce que devient une substance active dans l'organisme. Selon Sky, "de nombreuses données montrent qu'il y a des variations importantes et imprévisibles dans la manière dont le salbutamol est métabolisé et excrété". L'équipe énumère plusieurs paramètres, comme "l'interaction entre le salbutamol et l'alimentation ou d'autres médicaments, la déshydratation et le temps écoulé entre la prise du produit et le contrôle". "Mon asthme s'est accentué durant la Vuelta, donc j'ai suivi les conseils du médecin de l'équipe pour augmenter mes doses de salbutamol. Comme toujours, j'ai pris les plus grandes précautions pour faire en sorte de ne pas dépasser la dose permise", assure Froome. A l'UCI de dire si ces explications sont convaincantes.
Q: Que risque Froome?
R: Le Britannique n'est pas suspendu dans l'immédiat, le règlement antidopage de l'UCI n'imposant pas de suspension provisoire pendant la procédure d'enquête pour le salbutamol. Si l'UCI considère au terme de son enquête qu'une infraction a été commise, le dossier sera transmis à son tribunal antidopage qui dira si le coureur est coupable ou non et fixera l'éventuelle sanction. De fait, il sera privé de son titre sur la Vuelta 2017, une peine automatique. D'après le règlement de l'UCI, pour une substance comme le salbutamol, la suspension est de deux ans, sauf s'il est démontré que le coureur a triché intentionnellement, ce qui porte la durée à quatre ans. En revanche, si le coureur démontre l'absence de faute ou de négligence, la période de suspension peut être réduite, voire nulle. En principe, la suspension démarre au moment où elle est prononcée, ce qui peut priver Froome du Giro et du Tour de France 2018. Il pourrait faire appel devant le tribunal arbitral du sport (TAS) et demander que la sanction soit suspendue, sans garantie.
Q: Y'a-t-il des précédents ?
R: Contrôlé positif sur le Giro en 2014, l'Italien Diego Ulissi avait écopé de neuf mois de suspension. Le niveau de salbutamol s'élevait pour lui à 1900 ng/ml, un peu moins que Froome. Un autre italien, Alessandro Petacchi, contrôlé positif sur le Giro 2007, avait écopé d'un an de suspension devant le TAS un an plus tard. Son niveau s'élevait à 1320 ng/ml. Le tribunal avait tenu compte de l'absence de "faute significative ou négligence".
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