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Paris-Roubaix, la course des Belges

Tout au long de son histoire, Paris-Roubaix est devenue l'une des courses favorites des Belges. En 111 éditions, les coureurs d'outre-Quiévrain ont raflé à cinquante-cinq reprises la victoire, soit près du double que leurs dauphins français. Existe-t-il une recette pour expliquer cette domination ?
Article rédigé par Thierry Tazé-Bernard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
 

Cinquante-cinq victoires en cent onze éditions, et deux Belges co-recordmen des victoires (4). Paris-Roubaix vit la domination d'outre-Quiévrain depuis ses débuts, ou presque. S'il a fallu attendre la 13e édition en 1908 pour qu'un Belge (Cyril Van Hauwaert) monte sur la plus haute marche du podium, et patienter jusqu'à la 21e (en 1920) avec Paul Deman pour un deuxième succès, les coureurs belges se sont largement rattrapés ensuite. Les dix années d'invincibilité belge à la période des Eddy Merckx, Roger De Vlaeminck ou Walter Godfroot entre 1968 et 1977 ont représenté la plus longue série.

"Les Belges prennent ça comme une course naturelle, normale, alors que beaucoup d’autres la prennent pour une épreuve extraordinaire, hors-norme, un peu surhumaine", explique Stephen Roche, ancien champion du monde, ancien vainqueur du Tour et du Giro. "Chez eux, à la moindre kermesse, il y a les pavés. Cela permet d’acquérir une certaine mentalité face à cette particularité." Un avis partagé par Laurent Jalabert, ancien vainqueur de la Vuelta ou de la Flèche Wallonne (à deux reprises) et consultant France Télévisions: "Quand on roule chez eux, des pavés, il y en a partout ou presque, du vent il y en a beaucoup avec peu d’abris. Finalement, Paris-Roubaix ressemble le plus à ce qu’ils ont l’habitude de faire chez eux. Moi, mes premiers pavés, je les ai vus ici." Dernier vainqueur français de Paris-Roubaix (1997), Frédéric Guesdon abonde: "Dès le plus jeune âge, ils courent sur les pavés. Ils ont cette culture." Et Julien Jurdie, directeur sportif de l'équipe AG2R, rappelle: "Ces épreuves font partie de leur tradition depuis tout petit, ce qui ajoute un brin de motivation en plus."

De l'amour et de l'envie

Savoir rouler sur les pavés n'est pas le seul critère pour espérer gagner Paris-Roubaix. "Les Belges aiment le mauvais temps, ils aiment les courses dures. Cela leur correspond", analyse Laurent Jalabert. Comme d'autres, il évoque une notion essentielle: l'amour. "Pour espérer gagner ces classiques, il faut apprendre à les aimer. Quand on crève, qu’on tombe, pour repartir avec la même détermination, il faut être amoureux de cette course." Frédéric Guesdon est totalement d'accord: "A la base, il faut aimer ces courses. Déjà si tu aimes, tu pars avec un point fort. Quand on aime, on ne compte pas. Il faut aimer avoir très mal et avoir l’envie de se lancer sur les pavés, un peu comme dans un col, avec la même envie. Le grimpeur quand il arrive au pied du col, il n’a qu’une envie c’est attaquer. Pour nous c’est pareil, il faut le passer le mieux possible." Pour Stephen Roche, "il ne faut jamais penser que cela va être dur, qu’on va se faire mal, avoir mal aux mains. Il faut partir en se disant : c’est du goudron, c’est lisse, il n’y a pas de pavé, je ne les sens pas. Il faut occulter les difficultés." Pourtant, l'Irlandais ne l'a jamais gagnée chez les professionnels: "J’ai gagné Paris-Roubaix en amateurs, sans avoir jamais vu un pavé de ma vie auparavant. Malgré cette victoire, je n’ai jamais eu le potentiel pour gagner chez les professionnels. Je passais bien les pavés, mais je ne me suis jamais donné au maximum pour gagner."

Pour tous, remporter Paris-Roubaix ne s'improvise pas: "C’est la course d’une vie", scande Stephen Roche. "C’est LA course pour les Belges. Et ils ont leur public derrière eux", remarque Frédéric Guesdon. "On ne gagne pas un Paris-Roubaix sans le vouloir. Il y a toute une approche de la course. Il faut être au top à tout point de vue : physique, mental, et avoir un peu de réussite", énumère Laurent Jalabert. Et Roche de résumer l'équation ainsi: "On n’a jamais vu un faible avoir beaucoup de chance et gagner Paris-Roubaix. Celui qui s’impose ici, c’est toujours un très fort. Et quand on est fort, ça attire la réussite."

Aussi important que le Tour de France

Bien placé pour expliquer cette suprématie belge, Wilfried Peeters, ancien coéquipier de Johan Musseuw (trois victoires sur Paris-Roubaix), à deux reprises sur le podium à Roubaix, désormais directeur sportif de l'équipe Omega-Pharma-Quick Step de Tom Boonen (quatre victoires): "Pour nous, c’est l’une de nos courses favorites. Les Belges sont toujours motivés. Paris-Roubaix c’est très célèbre en Belgique et gagner une course comme ça, c’est aussi important que le Tour de France pour nous."

Néanmoins, avec l'internationalisation du peloton, la Belgique n'est plus forcément la terre promise des vainqueurs. Julien Jurdie note que "les Belges n'ont plus la vie facile sur les Flandriennes. L'envie, le savoir-faire, beaucoup d'autres équipes l'ont désormais." Et aujourd'hui, pour cette 112e édition, le Suisse Fabian Cancellara peut rejoindre Boonen et De Vlaeminck au sommet des coureurs les plus couronnés sur le vélodrome de Roubaix avec quatre succès. "Cancellara a la carcasse pour. C'est un coursier", souligne Laurent Jalabert qui conclut avec humour: "Il ne lui manque que la nationalité belge."

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