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Tour des Flandres : dernier vainqueur français, Jacky Durand estime que "Julian Alaphilippe est l'un des grandissimes favoris"

Jacky Durand, le dernier vainqueur français du Tour des Flandres en 1992, voit Julian Alaphilippe capable de devenir le quatrième Tricolore à inscrire son nom au palmarès de ce Monument. Bien que n'ayant jamais participé au Ronde (le surnom du Tour des Flandres), le champion du monde a toutes les qualités requises pour triompher ce dimanche selon Jacky Durand, et son maillot arc-en-ciel lui offre un sérieux atout.
Article rédigé par Vincent Daheron
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
Jacky Durand. (JEAN-FRAN?OIS FREY / MAXPPP)

Est-ce que Julian Alaphilippe peut gagner le Tour des Flandres alors qu’il y participe pour la première fois ?
Jacky Durand : "
On dit souvent que sur ce genre de courses il faut avoir l’expérience du terrain parce que, autant sur certaines classiques la connaissance du terrain n’est pas très importante, autant sur les Flandres ou Roubaix, il faut connaître les routes par cœur. Ce qui ne sera pas le cas de Julian (Alaphilippe). Ça joue en sa défaveur mais quand on voit ses résultats actuels, évidemment qu'il sera parmi les favoris. C’est rare de mettre un favori pour une première participation. Je pense que si Julian était dans une autre équipe que Deceuninck - Quick Step, on ne l’aurait peut-être pas mis dans un statut de favori mais il aura dans son équipe que des coureurs d’expérience et aucun autre favori. Il y a de très bons coureurs comme Lampaert, Stybar, Sénéchal mais il aura le statut d’unique leader et c’est un avantage d’être dans cette équipe qui connaît les moindres virages, les moindres pavés, le moindre vent de côté."

A quel point c’est important de connaître le terrain du Tour des Flandres contrairement aux autres classiques ?
JD :
"A plusieurs endroits de la course, le placement est important. On peut être le plus fort mais si au pied du Koppenberg (0,5 km à 0,8%) ou du Taaienberg (0,8 km à 5,6%), on est mal placé à cause d’une faute d’inattention, on se retrouvera pas forcément avec les meilleurs en haut parce que les monts sont très étroits, des coureurs peuvent mettre pied à terre selon la météo et on peut vite perdre 30 ou 40 secondes. C’est alors compliqué pour retrouver la tête de course. Sur un Paris-Roubaix , c’est presque moins important mais le Tour des Flandres est fait de toutes petites routes avec des virages à gauche, des virages à droite. On peut être très vite déboussolé. On imagine qu’il a fait maintes et maintes reconnaissances mais pour vraiment s’en imprégner, il faut déjà l’avoir fait, avoir couru beaucoup en Belgique puisqu’on sait que tous les monts qui vont être empruntés sont empruntés sur beaucoup de classiques. Les Belges connaissent les moindres routes. Le placement est hyper important, on peut tout perdre même en étant le plus fort."

Julian Alaphilippe est-il le Français le mieux placé pour enfin vous rejoindre, 28 ans après la dernière victoire d’un Français au Tour des Flandres ?
JD : 
"Oui, oui. Depuis 1992, on a eu des coureurs qui avaient des rôles d’outsiders, je me souviens de Tony Gallopin qui visait tout sur les Flandriennes, mais si on doit citer trois ou quatre favoris au départ d’un Tour des Flandres, c’est la première fois qu’on va mettre un Français, c’est indéniable. En plus, il a les caractéristiques pour. C’est un véritable puncheur. On sait que les monts des Flandres nécessitent des efforts violents mais relativement courts, des efforts de moins de deux minutes, c’est là où Julian Alaphilippe excelle, dans la répétition d’efforts courts mais intenses. Oui, c’est l’un des grandissimes favoris."

Jacky Durand lors de sa victoire sur le Tour des Flandres 1992.

Pour vous, les qualités de Julian Alaphilippe correspondent au Tour des Flandres ?
JD : 
"Pour moi, le Tour des Flandres correspond plus à ses qualités qu’un Liège-Bastogne-Liège par exemple. On sait qu’il est très adroit sur un vélo. Même s’il n’a pas roulé beaucoup sur des pavés il a cette expérience du cyclo-cross et c’est un gros avantage."

Quels sont précisément les qualités nécessaires pour réussir sur une course avec des pavés ?
JD : 
"Déjà, les pavés des Flandres n’ont rien à voir avec les pavés de Paris-Roubaix. On dit que sur ceux de Paris-Roubaix, il faut avoir un certain poids, ce qui désavantagerait Alaphilippe. Je n’aurais pas le même discours si Paris-Roubaix avait lieu et s’il était au départ. Il faut surtout être adroit, sentir la bonne trajectoire et c’est ce qu'a Julian, et puis il connaît un peu les pavés, il a fait quelques courses en Belgique. On l’a vu très à l’aise à la Flèche brabançonne sur les secteurs pavés et ça ressemblait quand même pas mal à des monts du Tour des Flandres. Ça lui a permis de se rassurer sur des murs très pentus pavés."

"Il a un maillot différent sur les épaules, ça vaut des petits « laisser-passer » "

Les derniers vainqueurs du Tour des Flandres pèsent assez lourds, sont des gabarits plus massifs. Quelle est l’importance du poids des coureurs sur une course de pavés ?
JD : 
"Sur le Tour des Flandres, les petits gabarits peuvent s’imposer sans problème. Je crois que maintenant, le plus important c’est également d’avoir une belle pointe de vitesse, ce qu’a Julian (Alaphilippe) mais les autres grands favoris sont peut-être plus rapides que lui. On n'aura pas un sprint massif d’une trentaine de coureurs mais il y a quand même une longue transition entre le dernier mont, le Paterberg (0,4 km à 10,8%), et l’arrivée à Oudenaarde avec de longues lignes droites. Ce sera difficile pour lui de finir en solitaire, il l’a fait aux Mondiaux en partant à une dizaine de kilomètres de l’arrivée, ça ressemble un peu avec aussi une bosse à une dizaine de kilomètres de l’arrivée. Mais ce ne sera pas la même chose au Tour des Flandres."

La question du gabarit a son importance afin de frotter pour bien se placer au pied des différents monts, est-ce que dans cet exercice, Julian Alaphilippe peut pâtir de son frêle gabarit ?
JD : 
"Non, je ne pense pas parce qu’il a quand même « un laisser-passer », il a un maillot un peu différent sur les épaules, il est dans la plus grande équipe de classiques et ça vaut des petits « laisser-passer ». Je dis n’importe quoi mais par exemple un Julian Alaphilippe, même très fort, chez Cofidis, on lui fermerait peut-être un peu plus la porte de temps en temps. Alors que là, avec le maillot de champion du Monde, il est respecté par l’ensemble du peloton. Même si c’est un petit gabarit, il a les épaules larges, il n’hésite pas à aller au contact. A plusieurs endroits de la course, ça reste un sport de combat pour bien se placer. Il aura quelques sparring-partners de son équipe qui pourront lui faire le boulot, le ménage, pour bien le placer au pied des différents monts jusqu’à 40 km de l’arrivée. Ensuite, le placement est moins important puisqu’il y aura beaucoup moins de monde à l’avant de la course."

Est-ce que ses bons résultats sur la Flèche brabançonne ses deux dernières années (2e en 2019, vainqueur en 2020) donnent une bonne indication de ses habilités sur les pavés ou cela n’a rien à voir avec le Tour des Flandres ?
JD : 
"La course est complètement différente : la distance était différente, il n’y avait pas cette répétition de monts pavés. En plus, il a abordé cette course d’une manière différente, on a senti qu’il voulait se faire plaisir à la Flèche brabançonne, il a attaqué un peu dans tous les sens alors que là, il faudra toujours être avec les meilleurs, savoir être patient. Sur les quelques secteurs pavés, il s’est rassuré, il a voulu se tester par rapport à son grand rival Mathieu van der Poel et il s’est aperçu qu’il était aussi fort que lui dans les murs pavés."

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