Tour de France : Les maires s'adaptent au report malgré un flot d'interrogations
Ils s’en doutaient tous, le report du Tour de France était inévitable. Mais pour de nombreux maires, avant même de parler de leurs craintes ou de leurs doutes quant à cette nouvelle organisation et ses conséquences, c’est l’optimisme qui prime. “Le maintien du Tour, s'il est confirmé est une bonne nouvelle, car cela voudra dire qu’on sera suffisamment sorti de la crise sanitaire pour organiser un événement comme le Tour de France, avec tout ce que cela signifie et avec sa capacité de regroupement", veut croire Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse (Ain) et qui verra le Tour dans sa ville le 18 septembre. "Ce Tour aura une saveur particulière, une ambiance différente de ce qu’il a connu par le passé.”
A Lavaur aussi, ville d’arrivée le 4 septembre, le maire se dit satisfait de ce report. “Pour nous, c’est une excellente nouvelle qu’il soit reporté et non annulé. Le passage du Tour donnera, à l'issue d'une période dramatique pour l'économie française, un élan populaire et de joie dans les villes qu’il traversera. Le Tour va permettre de déconfiner psychologiquement la population, en espérant qu'il n'y ait pas un rebondissement de l'épidémie”, indique Bernard Carayon. Si le maire de Lavaur est si optimiste, c’est sans doute parce que le passage de la Grande Boucle dans sa commune ne s’est jamais passé comme prévu. En 2001, une tornade a laissé de nombreux dégâts dernière elle, une semaine avant le passage du Tour. En 2011, une tornade de pluie a accueilli les coureurs à l’arrivée. En 2020, le nouveau défi est celui d’une pandémie mondiale. “On a toujours su relever ces défis car le Tour, c'est quelque chose de magique, c’est le plus bel événement sportif mondial car il est populaire et accessible à tous”, souligne l'élu.
“Quand on parle de plan de reprise, on se demande tous comment on va communiquer sur nos territoires à l'issu de la pandémie. Le Tour, c’est une carte postale incroyable.”
Plus qu’optimiste, du côté de la Charente-Maritime, on perçoit le report comme une aubaine. “Le Tour en septembre nous fera une belle arrière-saison. On voit que ça recommence à bouger du côté des réservations des gîtes, maisons d’hôtes, hôtels et campings grâce au Tour", se réjouit Stéphane Villain, vice-président du département en charge du sport et du tourisme et notamment du Tour de France en Charente-Maritime. "Quand on parle de plan de reprise, on se demande tous comment on va communiquer sur nos territoires à l'issue de la pandémie. Eh bien quel est le meilleur moyen que d'avoir le Tour ? C’est une carte postale incroyable.”
La question du rassemblement
Une fois l'optimisme exprimé, les inquiétudes des élus sont bien présentes. S’il est encore trop tôt pour savoir précisément avec quelles modalités le Tour se déroulera, les interrogations sont nombreuses quant aux conditions sanitaires qu’il faudra remplir. Car on voit mal le Tour de France se dérouler comme les années précédentes. “Nous sommes certes tous capables de gérer un événement sportif dans un espace clos, mais le Tour, c'est la seule grande manifestation qui se fait sur la voie publique, et forcément ça nous interroge sur comment on va pouvoir le gérer, surtout quand on est ville d'arrivée", s’inquiète le maire La Roche-sur-Foron (Haute-Savoie), Sébastien Maure. "Quand on est ville de départ, on peut empêcher les spectateurs de venir dans un périmètre proche, et une fois que les coureurs sont partis, c’est fini. Mais être ville d’arrivée, c’est toute la journée, et il est plus difficile de gérer un périmètre restreint.”
Sans compter la gestion des spectateurs tout au long du parcours. “On ne peut pas leur interdire d’aller sur le bord de la route. Surtout chez nous, sur l'étape qui nous concerne, avec le plateau des Glières, qui est un moment assez magique, je ne vois pas comment on va empêcher les gens de monter sur le plateau à pied”, ajoute-t-il.
Des craintes partagées par Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse. “Nous aurons probablement des restrictions sur le nombre de personnes qui pourront se rassembler à l'arrivée et au départ des étapes. Il faudra s'y préparer. Nous verrons à ce moment-là, suivant les indications des autorités, si nous devons mettre en place des interdictions ou des filtrages par exemple.”
A La Roche-sur-Foron, le maire de la ville fait le tour des choses à revoir pour accueillir le Tour de France le 17 septembre. D’abord, le planning de ces agents. “Nous avions tout organisé au niveau des vacances des personnes qui devaient être présentes pour le Tour. Il faut donc revoir cette organisation, qui a aussi été mise à mal par le covid-19 plus largement”, explique Sébastien Maure. Autre problématique : l'entretien des routes, complètement à l’arrêt. “Il était prévu de faire des travaux d’entretien juste avant le passage du Tour. Nous allons donc devoir modifier les dates avec les entreprises du BTP. Traditionnellement elles sont en vacances en août, alors seront-elles disponibles cette année, on ne sait pas du tout”, s’interroge l'édile. Autre point qui questionne le maire de La Roche-sur-Foron : l’activité économique. Car si pour une entreprise, il n’est d’ordinaire pas simple de fermer boutique une journée en raison du Tour de France, cette année il en ira autrement : "Fermer une journée supplémentaire en pleine reprise économique, après des mois de crise, cela sera dur à entendre", reconnaît-il.
Le tourisme au coeur des interrogations
A Bourg-en-Bresse (Ain), la mairie voit le verre à moitié plein pour le tourisme. “Les hôtels ont reporté les réservations, faites aux dates initiales du Tour, en septembre. Elles concernent les équipes et les journalistes en majorité. C’est une conséquence de plus pour l'industrie du tourisme en général et pour la ville en particulier”, assène le maire Jean-François Debat.
Alors que la situation liée au coronavirus ne cesse d’évoluer et que les prochains mois sont encore très flous, ni les autorités, ni l’organisateur ASO n’ont donné pour l'heure de consignes particulières. Alors pour être prêts à toute éventualité, la Charente-Maritime, où le Tour passera trois jours, a déjà réfléchi à la question. “Nous sommes en train de regarder comment on va pouvoir animer le territoire en fonction des annonces qui seront faites au fur et à mesure. On a imaginé plusieurs scénarios, en fonction de la date de déconfinement, du moment où on pourra ressortir normalement, faire du vélo et la reprise des écoles”, détaille Stéphane Villain, le vice-président du département.
Car pour le département de Charente-Maritime, l’enjeu est fondamental. Alors que le festival des Francofolies en juillet a été annulé, le maintien du Tour est essentiel afin d’avoir un événement d’envergure cet été : "On le voit bien, les réservations frémissent ici ou là grâce au Tour. Rien que la Grande Boucle, c'est 6000 personnes. Donc nous savons qu’il amène avec lui beaucoup de monde sur nos territoires. Cette année, la France sera une destination franco-française et notre département est toujours sur le podium des destinations françaises préférées. Les gens auront besoin de sortir, de voir des événements festifs et familiaux”, mise l’élu.
Même si le maire de la Rochelle, Jean-François Fountaine, reconnaît que l’affluence dans son département sera probablement moins importante que prévu : "On s'attendait à une grande affluence touristique pour le Tour de France sur la Charente-Maritime, et plus particulièrement à La Rochelle. Le report en août aura pour conséquence qu'on aura moins de monde probablement. Mais il faut bien s'adapter. Au-delà du Tour, ce sont l’intégralité des événements rochelais qui sont annulés en juin et juillet.”
Comment faire coïncider le Tour de France et la reprise scolaire ?
Avec le report du Tour de France en dehors de la période estivale et donc des vacances d’été, certains élus se demandent comment faire coïncider les deux. A La Roche-sur-Foron, le Tour passera le jeudi 17 septembre, soit en pleine semaine d’école. “Être ville d’arrivée pendant les vacances, vous n’avez pas à gérer tout l’environnement qui entoure le monde scolaire, comme les transports. Le 17 septembre, il faudra tout fermer, sachant que cela ne concerne pas seulement le territoire de la ville puisque les transports scolaires concernent chez nous quatre communautés de communes. Tout le monde devra s’adapter, même des partenaires qui n'étaient pas concernés par l'organisation de cette arrivée", détaille le maire Sébastien Maure. "Les établissements scolaires de la Roche vont donc être fermés, mais qu'en est-il des établissements qui sont dans un rayon de 20 ou 30 km, qui ne seront pas concernés par le passage du Tour mais pour lesquels les transports scolaires risquent de poser problème ?”
Du côté du Tarn, ce problème a déjà été tranché par maire de Lavaur, Bernard Carayon. “Les écoles seront fermées le jour du passage du Tour, en accord avec l'inspecteur de l'éducation nationale ou l'inspecteur d'académie. Ce n'est même pas une sollicitation à faire, c'est une décision que doit prendre le maire”, affirme-t-il. Et celui-ci va même plus loin en demandant au gouvernement de décaler “les dates des vacances d'été afin qu’elles se terminent mi ou fin septembre”, une “décision de bon sens”, selon l'élu.
Stéphane Villain, lui, prend la problématique de l'école à contre-courant de ces deux autres élus. Comme la rentrée sera faite, le vice-président de Charente-Maritime, a déjà imaginé intégrer l’école au passage du Tour de France. “Nous allons inviter nos écoles de Charente-Maritime, bien au-delà des communes qui composent le tracé, et même celles des départements limitrophes, afin que l’événement soit vécu par toutes les générations.”
Tour particulier, ristourne exceptionnelle ?
Tous les maires l’affirment, malgré le report du Tour de France, et tout ce que cela implique - la baisse possible du nombre de spectateurs et donc des recettes financières réduites - il n’est pas question de demander une baisse de l’enveloppe financière payée à l’organisateur. "On a pris un engagement avec ASO. A partir du moment où il y a un engagement et que la prestation est présente, sincèrement je me suis pas posé la question. Aujourd’hui, le coût est fixe, je pense que cela sera difficile de revenir sur ça. C'est un peu tôt, et nous sommes occupés par d'autres priorités à l’heure actuelle", indique le maire Sébastien Maure. Un avis partagé par Stéphane Villain. "On a fait un deal au départ, et il faut être honnête jusqu'au bout dans les deux sens. Nous sommes ravis que notre département ait été choisi, et puisque aujourd'hui ASO est en difficultés, nous saurons être à leur côté. C’est un travail d'équipe pour que le Tour se déroule chez nous", affirme le vice-président de Charente-Maritime.
“Si on devait payer une communication à hauteur de ce que le Tour représente, le calcul serait multiplié par 100.”
Même si les dates, hors vacances scolaires, peuvent réduire le nombre de spectateurs au bord des routes ? Stéphane Villain balaye cette question d’un revers de main. La retransmission télévisuelle assure, selon lui, des retombées : "Dans l’hypothèse où il y a moins de monde, soit parce qu'on est limités en nombre de personnes sur place, soit que les gens ont peur de se déplacer, cela sera de toute façon une bonne manière de communiquer sur notre territoire, et dont les fruits porteront aussi dans les années futures", assure Stéphane Villain, avant d’ajouter. “Si on devait payer une communication à hauteur de ce que le Tour représente, le calcul serait multiplié par 100.”
Il va même plus loin dans son raisonnement et dépasse le cas particulier du Tour. “Les communautés territoriales ont tout intérêt à continuer à être partenaires. Ce n’est pas au moment où ça va mal, qu'il faut s'en aller. Parce que l'année prochaine, quand on aura besoin d'animer nos territoires, si on demande à nos partenaires de le faire, ils n'auront plus les moyens parce qu'ils auront mis la clé sous la porte, et ça, ce serait catastrophique.”
L’ombre de l’annulation dans tous les esprits
S’ils se veulent optimistes, ces maires gardent toutefois en tête que le maintien du Tour n’est pas encore pleinement assuré. “Après le discours du Premier ministre et l'annonce d’interdire toute manifestation avant septembre, le départ du Tour, fin août, interroge bien évidemment. Oui, il y a beaucoup de doutes et d’incertitudes”, confie Sébastien Maure. Et tous savent que ce report est le dernier avant une annulation. “Quand Christian Prudhomme, le directeur du Tour de France, m’a annoncé le report, il m’a dit qu’il n’y aurait pas de plan C. Si le Tour ne peut se tenir en septembre, il n’y aura pas de Tour du tout”, confie le maire de La Roche-sur-Foron.
Alors, les élus patientent, en suivant l’évolution du coronavirus dont peut dépendre le maintien du Tour ainsi que ces conditions d'organisation. “J’imagine que les gestes barrières ne seront plus utiles à la fin du mois d'août, sinon je ne vois pas comment le Tour pourrait se maintenir”, tranche l’élu du Tarn, Bernard Carayon. Guidé par l’optimiste, Stéphane Villain, lui, y croit dur comme fer : “On est accrochés, on est prêts”.
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