Tour de France - Congés, RTT, travail sur le bord des routes : comment le public s'est organisé pour assister à la 16e étape ?
Malgré une 16e étape placée un mardi, en plein mois de septembre, moins propice aux vacances qu'aux activités professionnelles, la Montée de Saint-Nizier-du-Moucherotte était parsemée de nombreux spectateurs tout du long de ses 12,4 kilomètres de grimpette (à 6,3% de pente moyenne). Bien que la France ne soit pas épargnée par le chômage, difficile d'imaginer que tous ces férus de petite reine, dotés de leurs bob Cochonou, soient en recherche d'emploi. Mais comment faire, alors, pour se libérer afin de venir s'installer sur le bord de la route ?
"J'ai posé un congé dès que le parcours a été annoncé"
"On arrête tout", répond spontanément Jérôme, mi-blagueur mi-sérieux, en vêtement de cycliste. Avec son copain Thomas, ils ont posé un congé sur leur après-midi pour venir admirer les coureurs, juste un peu plus haut du lieu-dit La Tour-sans-venin, à la moitié de l'ascension vers Saint-Nizier-du-Moucherotte. "Je me suis organisé, il a fallu condenser le travail ces derniers jours", explique ce dernier, chef d'entreprise dans le secteur de la construction. Pour Jérôme, sculpteur, "le mois de septembre était moins chargé que juillet, ça tombait mieux".
Un peu plus bas, à l'entrée de La Tour-sans-venin, Grégory, vêtu de son tee-shirt à pois glané quelques minutes plus tôt grâce à la caravane, a fait de même. "J'ai posé un congé dès que le parcours a été annoncé.", raconte ce passionné de cyclisme, pas effrayé par les trois heures de route aller-retour qui le séparent de son domicile, à Montélimar, contrairement au huis clos qui aurait pu menacer sa journée. "J'ai eu peur de pas pouvoir venir, c'était le risque", admet-il. "Je scrutais les informations jusqu'à hier soir pour m'assurer que c'était possible." Le huis clos décrété par la préfecture de l'Ain sur le Col de la Biche et le Grand-Colombier dimanche n'ont pas calmé les ardeurs des Isérois, aujourd'hui.
Télétravail au bord de la route
Toujours plus bas, dans les premiers lacets de la Montée de Saint-Nizier-du-Moucherotte, Laurent est assis sur sa chaise de camping, la tablette sur les genoux. Le télétravail a décidément du bon. "Je travaille dans l'immobilier, j'ai de la chance d'être à mon compte, j'ai juste pris un peu de travail pendant qu'on attend." Son fils de 11 ans, Lohann, les yeux pétillants d'impatience, n'est pas au collège en ce mardi après-midi. Et pour cause, celui-ci a fermé puisque situé sur le parcours de cette 16e étape.
Pour le groupe de cinq jeunes positionnés dans un virage, eux aussi vêtus de tee-shirt à l'effigie du maillot à pois, ça n'a pas été trop compliqué de se libérer pour assister au Tour de France, leur premier pour la plupart. "C'est simple, on est à la fac", se marre Mazara, sous-entendu : "On n'a jamais cours." En troisième année de faculté de géographie à Grenoble, Liévin, ne détruit pas les préjugés sur l'université : "De toute façon, on serait quand même venu si on avait cours."
L'accès à la route fermé dès 10 heures
Monique, elle, a été contrainte de poser sa journée. "Je travaille à la mairie de Seyssinet jusqu'à 13 heures, mais la route était fermée ensuite donc je n'aurais pas pu remonter." A défaut, elle vit son premier Tour de France devant chez elle, avec des amis et de la musique pour ambiancer le village dont la route pour y accéder a été fermée dès 10 heures, ce matin.
C'est là l'autre difficulté d'accéder aux pourcentages intéressants de cette Montée de Saint-Nizier-du-Moucherotte. Une fois la journée de congé posée, il faut pouvoir grimper quelques kilomètres pour trouver un endroit idéal, si possible à l'ombre pour éviter de griller sous la chaleur paradoxalement digne d'un mois de juillet. Quatre amis venus d'Ardèche sont montés en voiture jusqu'au parking situé en contrebas avant de finir leur périple à pied, bien plus bas que ce qu'ils avaient prévu initialement. "On devait monter tout en haut à vélo mais c'était un peu compliqué", rigole Basile, en indiquant sa jambe gauche dans l'attelle et ses béquilles posées sur le bas-côté. Le valeureux blessé aura tout de même parcouru quelques centaines de mètres en béquilles avant de s'asseoir dans sa confortable chaise de camping.
Flopée de cyclistes marcheurs
Pour les plus courageux, ou les moins blessés c'est selon, la montée s'effectue sur tous types de vélo : de route, VTT ou électrique. Au milieu du lieu-dit La Tour-sans-venin, les cyclistes posent tour à tour pied à terre, avancent vélo en main et boitillant à cause des chaussures automatiques, à la demande des gendarmes postés quelques hectomètres en amont. "On respecte les consignes mais une fois le virage passé, on se remet en selle," glisse à la volée une sportive rebelle.
Le plus téméraire de tous, c'est sans aucun doute Pierre qui a grimpé en monocycle jusqu'ici. Timide et modeste, il ne semble pas bien comprendre qu'on puisse s'intéresser à lui et son drôle d'engin. "C'est pas facile de monter en monocycle, mais ça se fait". En effet, il en est la preuve vivante.
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Floriane et Charles, jeune couple, n'ont justement pas pris leur bicyclette pour éviter de devoir se la trimbaler à la main après les remontrances des gendarmes. "On a fait la moitié à pied et l'autre en trottinant", précisent-ils, le gilet paré de bidons d'eau pour se ravitailler.
Et puis il y a les malins, ceux du coin qui connaissent les chemins de VTT à travers la forêt, dont personne n'a entravé la route jusqu'à ce virage idéalement placé. Ces mêmes cyclistes qui redescendent - presque aussi vite que les professionnels grimpent - une fois la voiture-balai passée. Au détour desquels on entend une phrase qui résume assez bien la journée du nombreux public présent en ce mardi 15 septembre : "Voilà une journée de congé bien productive."
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