Tour de France : Comment Sam Bennett a construit sa victoire au maillot vert
"J'ai beaucoup souffert. Il y a eu des moments tellement durs mais ça en vaut la peine. C'est un rêve d'être là en vert, c'est indescriptible". Beaucoup s’y étaient essayé, tous se cassant les dents. Lui, a réussi. Sur le podium des Champs-Elysées, Sam Bennett (Deceuninck-Quick Step) a savouré les fruits de sa victoire au classement du maillot vert, dans la foulée de sa deuxième victoire sur ce Tour de France 2020.
L’Irlandais est en même temps devenu le premier sprinteur à battre à la régulière Peter Sagan (Bora-Hansgrohe) au classement par points après trois semaines d’effort, lui le septuple détenteur et recordman de la prestigieuse tunique. En plus d’avoir animé beaucoup d’étapes, l’exploit accompli par Bennett est immense. Dans son entreprise, il a agi avec concentration et minutie pour bâtir sa victoire en trois phases.
♦ Étapes 1 à 5 : briller par régularité
Arrivé dans la peau du sprinteur le plus véloce du peloton, Sam Bennett n’a pas connu un départ idéal, mais il aura eu le mérite de ne jamais manquer à l’appel. 4e à Nice, 2e à Sisteron puis 3e à Privas, l’Irlandais a tourné autour du pot tout en étant le plus régulier des sprinteurs. C’est assez logiquement mais avec un soupçon de frustration qu’il récupère le maillot vert après la 5e étape. Dans des arrivées aussi disputées que désorganisées par l’absence de train dominateur, Bennett n’a pas fait la moindre erreur à ce moment de la course.
Il compte 9 points d’avance sur un Peter Sagan lui aussi régulier (5e, 5e et 4e) et déjà annoncé comme rival numéro 1. Le soir de la 5e étape, une bonne nouvelle arrive : Deceuninck-Quick Step n’a plus à défendre le maillot jaune de Julian Alaphilippe. C’est libéré du contrôle de la course et avec des équipiers pleinement concentrés pour lui que Bennett va aborder la suite du Tour de France.
♦ Étapes 10 et 11 : la bascule
Dépossédé de sa précieuse tunique verte à Lavaur, lors de la 7e étape après le coup de force de Sagan et des Bora-Hansgrohe, Sam Bennett a les dents longues après la première journée de repos. Deux journées de pur plat se profilent pour la reprise, un terrain sur lequel il est a priori plus rapide que son rival. Lassé d’être frustré, l’Irlandais frappe fort à l’Île de Ré en décrochant sa première victoire sur le Tour de France devant Caleb Ewan (Lotto Soudal) et Sagan.
Le lendemain, il fait le break à Poitiers. Même s’il est cette fois battu par Ewan, et même par Sagan dans un premier temps, Bennett profite du déclassement du Slovaque pour récupérer la deuxième place. Quand son rival n’inscrit aucun point, il en marque 47. Son avance pointe alors à 68 points au moment où la frustration de Sagan est au sommet (sachant qu’il avait connu un ennui mécanique à Lavaur après avoir évincé Bennett, ndlr).
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♦ Etapes 12 à 21 : survivre la nuit, tyranniser le jour
Après avoir connu "un des pires jours" de sa carrière dans le Puy Mary, Sam Bennett a perdu un peu d'avance à Lyon et surtout passé son temps à souffrir en montagne. Mais l'Irlandais a trouvé la parade : se battre lors de chacun des sprints intermédiaires en bénéficiant du soutien de son poisson-pilote Michael Morkov, venant s'intercaler entre lui et Sagan pour que le Slovaque marque moins de points. La technique a été employée avant cette phase, mais en montagne les sprints intermédiaires ont été les seuls moments cruciaux pour les sprinteurs.
Et à ce petit jeu, Sagan a quasiment toujours été battu. En 16 sprints disputés par les deux hommes, Bennett est passé devant à 13 reprises. Les deux hommes ont tout donné, quitte à perdre de l'énergie en début d'étape pour arriver vidés à l'arrivée en jouant avec les délais. Entre Bourg-en-Bresse et Champagnole, seule étape à même de consacrer un sprinteur, l'équipe de Bennett a couru à merveille pour une seule raison : enterrer Sagan, quitte à laisser la victoire s'échapper.
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Avec Rémi Cavagna dans l'échappée, la formation Deceuninck-Quick Step n'avait plus à prendre en charge la poursuite. Lors des tentatives de contre, elle a ensuite glissé des hommes comme Kasper Asgreen puis Sam Bennett pour mettre la pression sur Sagan, qui ne s'est jamais avoué vaincu. C'est en toute logique que l'attaque de Soren Kragh Andersen n'a pas été suivie vendredi.
Et ce dimanche, sur les Champs-Elysées, l'Irlandais a mis fin à tout suspense lors du sprint intermédiaire, avant le feu d'artifice à l'arrivée, quand il coiffe tout le monde sur la plus belle avenue de Paris. En devenant le premier maillot vert à s'imposer sur les Champs depuis Mark Cavendish en 2011, Bennett a désintégré jusqu'à la dernière once de doute : il était bien le plus fort.
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