Tour de France 2019 : Ineos, un empire déstabilisé
Depuis 2012 et l'avènement de Bradley Wiggins, la domination est sans partage. L'armada Sky a remporté six des sept dernières éditions du Tour de France. La formation britannique a beau avoir changé de nom pour Ineos, elle faisait toujours aussi peur au départ de l'édition 2019. L'équipe qui avait marché sur la Grande Boucle l'an dernier a été globalement reconduite, à l'exception de Chris Froome. L'abandon de l'homme aux sept Grands Tours n'a pas semblé rebattre les cartes, tant la puissance de son équipe tyrannisait la concurrence.
"Ineos a les clés du camion (...). L'absence de Chris Froome ne change rien", réagissait Marc Madiot, le manager de la Groupama-FDJ. Deux semaines après le départ de la Grande Boucle, le très attendu train d'Ineos, impitoyable dans les cols, n'a toujours pas montré le bout de son nez. Pire, il s'est désagrégé dans l'ascension du Tourmalet, dès le premier rendez-vous en haute montagne. Dans la partie finale (et cruciale), Egan Bernal et Geraint Thomas n'avaient plus aucun équipier à leurs côtés. Le premier a réussi à limiter la casse en ne concédant que 8 secondes sur Thibaut Pinot, le second en a lâché 36, terminant à une piètre huitième place.
"Je me suis senti assez faible, j'ai voulu réguler mon allure, je n'ai pas vraiment essayé de suivre quand ils ont attaqué. J'ai senti que c'était la meilleure solution pour limiter les dégâts, au lieu de rester avec eux et d'exploser dans la partie raide sur la fin", a réagi le tenant du titre après la course, impuissant. Le Gallois était pourtant bien en jambes au sommet de la Planche des Belles Filles, où il avait coupé la ligne devant tous les autres leaders.
Alaphilippe a créé le doute
Qu'elle paraît lointaine la satisfaction affichée de Dave Brailsford après le coup de bordure d'Albi. "Une journée parfaite", selon les termes de Bernal. Après cette dixième étape, Geraint Thomas, deuxième au général, figurait comme le leader en avance. Mais à mesure que Julian Alaphilippe confortait son maillot jaune, les coureurs d'Ineos ont commencé à craindre le numéro 1 mondial, qui n'avait jamais été considéré jusque-là comme un coureur de Grand Tour.
"S'il garde ses jambes, il gagnera le Tour", déclarait Thomas à propos du Français avant le chrono individuel, sans trop vraiment y croire. A Pau, où il devait écraser la concurrence, Alaphilippe lui a encore pris 14 secondes. Toujours aucun signe de faiblesse pour le coureur de la Deceuninck-Quick Step, qui compte 2'02 d'avance sur le Gallois après la 14e étape. Voir Ineos autant en retard au classement général en fin de deuxième semaine sur le Tour de France était tout simplement impensable il y a encore quelques semaines.
Jamais depuis son premier sacre, l'équipe britannique n'avait entamé la 14e étape du Tour sans que l'un de ses coureurs ne porte le maillot jaune. Habituée à mener et rarement en position d'embuscade, Ineos a constamment été en réaction depuis le début du Tour de France 2019. Bien moins forts que la Jumbo-Visma sur le contre-la-montre par équipes (+20 secondes), les coéquipiers de Michal Kwiatkowski ont fini dans le même temps que des concurrents moins bien armés.
Ineos ne décide plus
Au sommet de la Planche des Belles Filles, si Geraint Thomas a franchi la ligne avant les autres leaders, il a dû réagir à l'attaque de Julian Alaphilippe. Même chose dans la bordure gagnante de la 10e étape. L'initiative avait été prise par d'autres. Quant au contre-la-montre individuel, Thomas devait écraser la concurrence. Le Gallois a finalement été surclassé par Alaphilippe, et des coureurs comme Rigoberto Uran ou Thibaut Pinot ont largement limité la casse.
A chaque rendez-vous important du Tour, Ineos s'est fait voler la vedette. S'il reste encore beaucoup de montagne et de péripéties à venir, et si le savoir faire de la formation britannique n'est plus à prouver, l'aveu de faiblesse du Tourmalet a fragilisé sa toute puissance. En plus d'avoir perdu du temps sur Alaphilippe et de voir revenir Pinot et Kruijswijk au général, une grande interrogation fait son retour. A qui doit revenir le rôle de leader ?
Jusqu'à présent, Geraint Thomas s'était montré plus conquérant, mais le Gallois a concédé 28 secondes samedi sur son coéquipier Egan Bernal. Il lui reste un matelas de 58 secondes, mais s'il garde les jambes du Tourmalet, le leadership pourrait revenir entre les mains du jeune Colombien. Dans tous les cas, les plans sont déjà contrariés. "On va faire le point pour savoir où on en est et on verra après". Les propos de Nicolas Portal le laissent bien comprendre.
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