Thomas Voeckler, auteur d'un livre sur le vélo électrique dont il est adepte : "Le vélo électrique ouvre de nouveaux horizons"
Un ex-coureur cycliste qui fait un livre sur le vélo électrique, c’est cocasse. Pourquoi ce choix ?
Thomas Voeckler : "Honnêtement, ce n’est pas mon initiative, on m’a sollicité pour le projet. J’ai très vite accroché parce que je pratique le vélo à assistance électrique. On m’a proposé d’en parler dans ce livre, ça m’a plu. Le vélo électrique est en plein boum, que ce soit pour le loisir ou des déplacements... Pour m’entraîner vraiment, évidemment je reste sur mon vélo classique, mais pour aller en courses ou autre, ça ne me pose aucun problème d’utiliser un vélo électrique et de le revendiquer".
Comment vous vous êtes mis au VAE (Vélo à assistance électrique) ?
TV: "J’ai un pied à terre à Noirmoutier. On s'y déplace beaucoup à vélo et ce jour-là, ma mère est venue. Elle n’avait pas fait de vélo depuis 40 ans, donc on a loué un vélo électrique pour elle. Elle était super bien, ça lui a permis de nous suivre. C’est comme ça que j’ai découvert, il y a 5-6 ans, le vélo électrique. Ensuite on a vu les évolutions et puis il y a eu un côté business puisque j’ai été ambassadeur pour une marque. Très vite, j’ai compris qu’il pouvait y avoir plein d’utilisations possibles. Mais le vélo électrique a un déficit d’image auprès des puristes, il y a encore beaucoup d’arrières pensées qui disent que ce n’est pas du vélo. Il ne faut pas comparer, c’est une autre pratique qui gagne à être découverte".
"On peut pratiquer ensemble avec des différences de niveau, ce qui est impossible avec un vélo traditionnel. Ça peut aussi permettre la découverte du VTT en haute montagne."
L’aide électrique, ce n'est pas un désaveu pour un sportif ?
TV: "Il ne faut pas être trop sectaire. J’adore bien sûr le vélo musculaire traditionnel, mais il faut s’ouvrir. J’ai vu sur des parcours des personnes d’un certain âge qui ne pouvaient pas forcément faire ce qu’ils faisaient avant, grimper certains cols. On peut pratiquer ensemble avec des différences de niveaux, ce qui est impossible avec un vélo traditionnel. Ça peut aussi permettre la découverte du VTT en haute montagne. Moi ça m’a permis de faire une belle sortie, alors qu’avant au bout d’une montée en VTT, j’étais cuit. Il ne faut pas chercher à comparer, ce sont deux choses différentes, complémentaires. Et avec un VAE, si on veut se faire mal aux pattes, on peut aussi, même si en général c’est plus pour le confort".
Quels sont les avantages d’un vélo électrique par rapport à un classique ?
TV: "Ça permet de rouler d’une manière homogène entre gens de niveaux différents. Quand on est convalescent, le vélo électrique permet aussi de continuer à pratiquer. En montagne, il faut une très bonne condition physique pour prendre du plaisir, ça permet de découvrir des paysages inaccessibles à beaucoup de monde, comme le Tourmalet par exemple. En fait, un vélo électrique ouvre de nouveaux horizons pour le grand public. Au quotidien, ça permet aussi d’arriver au travail sans être en sueur".
Et les inconvénients ?
TV: "Il faut encore améliorer l’autonomie, même si ça s’est grandement développé. Il faut quand même anticiper ça, et savoir gérer sa monture, ne pas trop la solliciter. Sinon, le coût reste assez élevé . Et puis, pour le côté puriste, niveau design, là aussi il y a des progrès à faire".
Quels sont vos bons conseils de base ?
TV: "Il ne faut pas demander l’impossible. J’ai vu des personnes qui testaient le VAE en pensant que c’est une mobylette, qui en demandent trop à la batterie. Il faut quand même appuyer sur les pédales ! Sinon, il faut prendre son temps, ne pas vouloir aller trop vite, ne pas être en recherche de sensations, à part en VTT. Le but d’un vélo électrique, ce n’est pas la vitesse, il faut garder à l’esprit que c’est une machine plus lourde. On parle souvent des montées, mais les descentes sont périlleuses avec ce poids. C’est pour ça qu’il faut être prudent, adopter des distances de freinage différentes. Pour finir, il ne faut pas oublier de se servir des vitesses, on a tendance à trop se reposer sur l’assistance électrique. D’abord on adapte son braquet, puis on ajuste l’assistance".
"Déjà le dopage classique a fait mal au vélo, et on a mis suffisamment longtemps pour que le vélo retrouve une crédibilité, mais ensuite le dopage mécanique a aussi terni l'image. Mais honnêtement, je pense que c’est fini"
Le vélo est en plein essor en France, le VAE peut y contribuer ?
TV: "Pour peu qu’on se donne la peine d’essayer, oui. Si moi j’ai été surpris, je me dis que les gens qui ne s’intéressent pas au vélo de manière générale ne peuvent pas savoir à quel point c’est à la portée de tout le monde. On est très loin de la fin du boum du vélo électrique".
Après le guide du vélo électrique, peut-on s’attendre à un livre sur votre carrière, sur des anecdotes du peloton ou un sujet sportif ?
TV: "Je n’ai pas de projet à l’étude. Une éventuelle biographie était évoquée, mais j’ai laissé tomber, je pensais en avoir envie et finalement pas vraiment. Ce guide, ça s’est fait comme ça. Ce n’était pas une volonté de ma part, ce sont circonstances favorables mais c’est cohérent parce que je parle de quelque chose que je connais. Ce guide en pleine carrière, jamais je ne l’aurais fait, cela n’aurait pas été cohérent. Surtout avec les suspicions de vélo à moteur, ça aurait été un mauvais clin d’oeil".
Justement, le vélo électrique, c’est toujours un sujet dans le peloton ?
TV: "Je pense que ça ne l’est plus. Ça ne l’a pas été très longtemps. Quand j’ai vu les rumeurs, les vidéos, au début je n’y croyais pas. Je pense qu’il faut être lucide : il y a de grandes chances qu’il y ait eu des tricheurs avec ce système, sans doute pas beaucoup, mais il y en a eus. Ce n’était pas à la portée de tout le monde. Mais aujourd’hui, le problème a été saisi et accepté par les instances, et ce n’est quand même pas compliqué de contrôler les vélos… Sur des courses comme le Tour, je pense pouvoir affirmer que c’est du passé. Déjà le dopage classique a fait mal au vélo, et on a mis suffisamment longtemps pour que le vélo retrouve une crédibilité, mais ensuite le dopage mécanique a aussi terni l'image. Mais honnêtement, je pense que c’est fini".
J’ai espoir qu’on n’ait pas un seul leader aux Mondiaux, parce que le parcours est difficile. Or, on a plusieurs grimpeurs de talents, pas que Bardet, Pinot ou Alaphilippe. Il y a aussi David Gaudu, Warren Barguil, Guillaume Martin, Pierre Rolland… On a quelques clients.
En parlant de peloton, quel regard portez-vous sur la reprise de la saison ?
TV: "On attend la confirmation de la programmation des courses pour prendre nos dispositions. En tant que manager de l’équipe de France surtout, j’attends la confirmation des championnats d’Europe et des Mondiaux. Pour les mondiaux, les voyants sont à peu près au vert : l’organisation indique que ça va se maintenir. En revanche, ce sera le dimanche qui suit le Tour de France, ça change la donne : il y aura beaucoup de coureurs en forme, mais c’est pareil pour tout le monde. Les championnats d’Europe seront une semaine avant le Tour. J’ai espoir qu’on n’ait pas un seul leader aux Mondiaux, parce que le parcours est difficile. Or, on a plusieurs grimpeurs de talents, pas que Bardet, Pinot ou Alaphilippe. Il y a aussi David Gaudu, Warren Barguil, Guillaume Martin, Pierre Rolland… On a quelques clients. Il faudra surtout composer un état d’esprit collectif. Les gars auront été adversaires la semaine précédente sur la plus grande course du monde, ce ne sera pas chose aisée de leur demander de courir ensemble une semaine après qu’ils se soient affrontés sur le Tour".
Se dirige-t-on vers le Tour le plus disputé de ces dernières années ?
TV : "Il faut être conscient que la saison comme elle est prévue, c’est une chance. Il faut se réjouir : on est un des seuls sport à avoir eu un début de saison, et dont la fin de saison aura lieu, même chamboulée. Concernant le Tour de France, si on peut avoir une révélation ou deux, des coureurs pas connus du grand public qui bousculent la hiérarchie, ce serait bien. Sinon, on va retrouver les autres grands noms devant. Sera-t-il plus dense ? Je ne pense pas. La plupart des coureurs étaient déjà là, ceux qui ne venaient pas, ce n’était pas les favoris. Si on prend l’exemple d’INEOS, on peut avoir 4 vainqueurs potentiels chez eux, 3 chez la Jumbo-Visma. C’est fou. Mais ce genre de situation m’inquiète un peu pour le suspense. Voir deux équipes autant au dessus du lot, ça fait peur aux autres et ça peut verrouiller le Tour jusqu’à l’emballage final".
Thibaut Pinot, Romain Bardet, ou l'équipe Arkea Samsic avec Quintana : sur le Tour, la France peut viser la gagne par ses coureurs ou ses équipes ?
TV : "Oui. Quand on voit le niveau de Thibaut l’année dernière… Sachant qu’il a encore progressé niveau maturité et son équipe aussi. Celui qui dit que Pinot ne peut pas gagner le Tour, il n’est pas objectif. Thibaut n’est pas le favori mais il est parmi les favoris. Ensuite, Romain Bardet, ce n’est pas parce qu’il était moins bien l’an dernier qu’il est fini : il n’a que 29 ans, et a aussi une très bonne équipe à son service. Du côté de l’équipe Arkea-Samsic, Nairo Quintana, c’est comme Bardet : il a percé tôt donc tout le monde le croit vieux et fini. Mais ce n’est pas le cas ! Et il peut compter sur Barguil pour l’emmener ! Concernant Julian Alaphilippe, il ne jouera pas le général, même si je pense qu’il pourrait . L’espoir, c’est que cette année le parcours est encore mieux pour Pinot avec peu de contre-la-montre, peu de risques de bordures, l’avant-dernière étape à la Planche des belles filles. Et puis, il aime bien cette période août-septembre, quand il fait moins chaud".
"Celui qui dit que Pinot ne peut pas gagner le Tour, il n’est pas objectif. Thibaut n’est pas le favori mais il est parmi les favoris."
Pour finir, la saison de cyclisme qui s’annonce, a-t-elle un sens avec tous les enchevêtrements
TV : "Très franchement je trouve que c’est cohérent. Déjà en temps normal dans une saison cycliste, il y a des chevauchements, comme Paris-Nice et le Tireno-Adriatico. Et l’ordre des Classiques est respecté. Ils n’ont pas pu faire plaisir à tout le monde. Les plus gros ont été servis, mais je trouve que ça tient la route. Il ne faut pas oublier que les équipes ont les effectifs pour faire tourner, ce ne sera pas les mêmes coureurs sur chaque course. Ça tient la route, même si certaines épreuves vont perdre un peu d’éléments de renoms".
Le Guide du Vélo Electrique, Thomas Voeckler, Editions Solar,
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.