Tour de France : "En Slovénie, la vie s'arrête entre 16h et 18h" pour suivre Primoz Roglic et Tadej Pogacar
Ce Tour de France 2020 est clairement marqué du sceau de la Slovénie. Primoz Roglic est en jaune depuis la neuvième étape, dimanche, à Laruns. C'était plutôt attendu par tous les observateurs, Français comme Slovènes, qui plaçaient Roglic en tête des favoris avant le grand départ de Nice. Mais un Slovène peut en cacher un autre, et Tadej Pogacar a parfaitement enfilé le costume du second qui lorgne avec envie sur le premier rôle. Deuxième derrière son compatriote à Orcières-Merlette, il l'a cette fois-ci devancé à Laruns pour devenir le plus jeune vainqueur d'étape du Tour de France depuis Lance Armstrong en 1993, à 21 ans et 351 jours. A près de 1 200 kilomètres de Paris, coincée entre l'Italie, l'Autriche, la Hongrie et la Croatie, la Slovénie vit au rythme de ces champions sans vraiment prendre la mesure de ce qu'ils sont en train de réaliser.
Voir sur Twitter
"Les articles sur le Tour de France sont les plus lus"
"C’est un rêve, on n’avait jamais pensé que ça pouvait arriver", s'enthousiasme Bogdan Fink, directeur de l'ancienne équipe slovène de Primoz Roglic, Adria Mobil, engagée en Continental tour, la troisième division du cyclisme. "C'est historique", confirme Toni Gruden, journaliste sur le site internet de la RTV, radio et télévision nationale slovène.
La dimension prise dans le pays par les deux champions est impressionnante. "Tous les bulletins d'informations commencent par le Tour de France", avance Toni Gruden. "Sur le site internet, les articles sur le Tour sont les plus lus." Andrej Miljkovic, journaliste sportif pour Ekipa SN, le quotidien sportif en Slovénie, confirme les propos de son confrère : "C'est le sujet de sport numéro un en Slovénie en ce moment. L'équipe nationale de football, qui joue deux matches cette semaine, ne s'en rapproche même pas un petit peu. Durant le confinement, les gens regardaient attentivement ce que disait le gouvernement français concernant le Tour de France."
Outre les journalistes, dont la couverture "n'a jamais été aussi importante" selon Andrej Miljkovic, c'est tout un pays qui supporte Primoz Roglic et Tadej Pogacar. "La vie s'arrête entre 16h et 18h en Slovénie. On peut voir dans la rue que les gens font tout ce qu'ils peuvent pour trouver une télévision et regarder l'arrivée de l'étape", s'émerveille Miljkovic. "Ils rentrent tôt du travail ou restent au bureau, mais ils regardent l'arrivée." "Je peux vous dire qu'en Slovénie, tout le monde regarde la course. A la banque, à la station essence ou dans les bars, tout le monde parle de ça. Les gens en savent plus que moi sur le cyclisme maintenant", se marre Bogdan Fink, pourtant manageur général d'Adria Mobil depuis 2005 mais aussi médaillé de bronze aux Mondiaux juniors en 1990.
"Ce serait facile de dire que nous avons un système formidable mais c'est faux"
Mais comment expliquer qu'un pays qui n'avait que pour noms les plus connus Martin Hvastija (fin des années 90, début des années 2000) ou Janez Brajkovič - vainqueur du Dauphiné en 2010 et 9e du Tour en 2012 - se retrouve avec les deux cyclistes les plus en vue sur ce début de Tour de France ? "Je ne peux pas l'expliquer", rigole spontanément Andrej Miljkovic avant de développer, plus sérieux. "Ce serait facile de dire qu'on a un système formidable pour sortir des sportifs mais c'est faux, on a un système terrible. Le gouvernement ne donne pas assez d'argent au sport. Ce sont surtout des projets individuels comme Roglic ou même Luka Doncic en basket." "De plus en plus de jeunes font du vélo mais nous n'avons pas la culture de petits clubs locaux, c'est un vrai déficit", s'accorde à dire Toni Gruden.
C'est là que le bat blesse en Slovénie, petit pays de plus de 2 millions d'habitants, alors que de nombreux jeunes pourraient s'inspirer de Roglic et Pogacar pour enfourcher leur bicyclette. "Nous avons davantage de jeunes qui rejoignent nos clubs et la compétition", positive Bogdan Fink. "Nous espérons pouvoir produire une ou deux stars comme Roglic ou Pogacar mais on sait que ce sera difficile."
Des conséquences positives au-delà du sport
Avant de savoir si Primoz Roglic et Tadej Pogacar ont créé des vocations et des stars en devenir, leurs performances ont eu "un écho très positif dans la société", observe Toni Gruden : "Même en dehors du sport, les vélo sont plus acceptés sur la route, beaucoup de Slovènes prennent leur vélo, les familles notamment."
Les conséquences seraient évidemment encore plus énormes en Slovénie si le coureur de la Jumbo-Visma ou celui d'UAE team Emirates remportait le Tour de France. Pour cela il reste encore deux semaines à tenir : "On espère qu'on va pouvoir vivre ce rêve jusqu'au bout, peu importe qui gagne. Et s'ils ne gagnent pas, ils auront déjà fait bien assez", conclut Bogdan Fink. La Slovénie a encore deux semaines à vivre au rythme du Tour.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.