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Stephen Roche : « C’était un Tour taillé pour Wiggins »

L’ancien vainqueur du Tour de France, du Tour d'Italie et du championnat du monde en 1987 Stephen Roche analyse cette 99e édition pour nous. Consultant de marque pour Skoda, l’Irlandais s’est un peu ennuyé. Mais les Sky étaient les plus forts et le Français ont placé leurs pions pour le futur.
Article rédigé par Xavier Richard
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
 

 

Question : Quel est votre regard sur ce cru 2012 du Tour de France ?
Stephen Roche : « Il y a du bon et du moins bon. Je ne dis pas du mauvais. Si on est honnête, on va dire qu’on s’ennuie un peu mais il ne faut pas regarder que le côté négatif. On s’est ennuyé mais il y a eu de très belles victoires d’étape, de très belles arrivées. Ça s’est bien bagarré pour gagner tous les jours même si entre le départ et l’arrivée on s’est bien ennuyé. Il y a eu des départs à 47 ou 48 de moyenne dans la première heure et des arrivées très disputées avec plein de suspense. On ne savait pas à deux kilomètres de la ligne qui allait gagner avec des fois quatre coureurs en chasse-patate les uns derrière les autres. On pensait que Wiggins avait des rivaux comme Evans, Van den Broecke et Nibali. En fait ils étaient un ton en dessous. Et comme il y avait beaucoup de contre-la-montre, ça a un peu tué le suspense. »

Q : Ce très probable succès de Bradley Wiggins, c’est celui d’un homme, d’une équipe, d’un système ?
SR : « C’est la victoire d’un système. Même si on dit que c’est noir, que c’est de l’arrogance, prétentieux, c’est un coup de booster pour le vélo. Tous les autres sports deviennent plus rigoureux, plus propres, plus dynamiques, plus sophistiqués, c’est normal que le vélo y arrive un jour. L’équipe Sky a mis en place une rigueur, un système hyper pro. Plus pro que pro. Les autres doivent regarder ça maintenant. C’est très positif pour les jeunes coureurs qui démarrent ou qui sont dans les dix premiers et qui regardent les anciens coureurs, ils pouvaient se dire que les résultats étaient douteux. Là, si les Sky dominent, c’est parce qu’ils ont un bon système physique plutôt que biologique. »

Q : C’est un modèle à copier pour gagner le Tour ?
SR : « Oui et j’espère ne pas être naïf. Sky a un système très simple. Travail, travail et encore travail. Trop souvent quand une équipe marche, on a le doute. Qu’est-ce qu’il prend ? On ne se demande jamais ce qu’ils font. Je me répète mais j’espère ne pas être naïf car je suis convaincu que c’est la victoire d’une organisation et pas d’un produit. C’est très enrichissant pour tout le monde car les jeunes savent que la base c’est Sky et pas un produit quelque conque, caché. Je pense que c’est très bon pour le vélo. »

Q : On est parti pour un nouveau règne ?
SR : « Ils ont du monde pour dominer. Je ne parle pas de l’individu parce qu’il y en a deux qui peuvent se relayer en fonction des terrains. Froome est un sacré coureur et il est peut-être plus complet et il est plus jeune que Wiggins. Wiggins gagne le Tour parce que le parcours est fait pour lui et parce que Froome a eu quelques ennuis la première semaine. Mais si le Tour n’avait pas été aussi plat et avec autant de chronos, il aurait eu son mot à dire. Surtout qu’il est aussi très bon en contre-la-montre. L’équipe Sky a ce qu’il faut dans ses rangs pour dominer. »

Q : Parlons des Français et de la révélation de ce Tour, Thibaut Pinot.
SR : « C’est un coureur que je ne connaissais pas mais j’apprends à le connaître car Nicolas voudrait bien sa place au général (son fils court chez AG2R-La Mondiale et occupe la 11e place du général derrière le grimpeur de la FDJ-Bigmat, ndlr). Je l’ai en point de mire. C’est un Tour très enrichissant pour les Français avec cinq étapes. Ça faisait longtemps qu’ils n’en avaient pas gagné autant. Il y a comme un vent de fraîcheur même si Thomas Voeckler commence à avoir de la bouteille. Avec Pinot, Rolland ou Brice Feillu qu’on a vu dans les Pyrénées, il y a des jeunes. Ils étaient souvent trois ou quatre dans le groupe de tête et ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu ça. Dans les quatre ou cinq ans qui viennent on pourrait vivre de sacrés Tours. Les anciens commencent à basculer et une nouvelle génération est en train d’arriver. »

Q : Votre fils Nicolas est désormais bien installé parmi les leaders des grands tours, vous devez apprécier sa progression ?
SR : « J’apprécie d’autant plus que faire un Top 10 dans le Tour est un exploit. Ce n’est pas un grimpeur, pas un rouleur ni un sprinteur. Je ne sais pas encore ce qu’il est mais il est là tous les jours. C’est un baroudeur qui est trop bien placé au général pour gagner des étapes et on ne le laisse pas partir. D’un autre côté, il n’est pas assez vite pour gagner des sprints et pas assez fort en chrono pour battre les autres. Il est bon pour les classements mais c’est frustrant car il mériterait de gagner une étape. Il a les moyens physiques pour gagner des courses mais c’est la science de la course qui l’empêche de partir. Voeckler par exemple a pris une heure et après on peut le laisser sortir. Après son Tour est très bon. Il ne lui faut qu’un peu plus d’entraînement spécifique. Il lui manque 1,5 km/h dans les cols pour terminer avec les meilleurs. Il reste avec eux jusqu’à 4 ou 5 kilomètres du sommet quand ça accélère vraiment. Il n’a que 28 ans. C’est l’âge où les cyclistes sont mûrs. Il est en bonne voie et il est très sérieux. Le vélo est son métier. On va encore parler de lui dans les années qui viennent. »

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