Tour de France 2019 : Avant AG2R la Mondiale, Romain Bardet a rongé son frein au CR4C Roanne
Ce samedi, le Tour de France arrive dans une région particulièrement chère à Romain Bardet. De Mâcon à Saint-Étienne ce samedi, puis de la préfecture ligérienne à Brioude, sa ville natale, dimanche, le leader d’AG2R - La Mondiale a sillonné les routes rhône-alpines quand il était plus jeune. En 2009, il a passé un cap en signant au CR4C Roanne, un des meilleurs clubs de Division Nationale 1, l’antichambre du cyclisme professionnel. Quel homme et quel coureur était Romain Bardet il y a dix ans ?
Il a déraillé. L’air grave, rongé par la souffrance de l’effort, le contrôle antidopage ne lui permet pas de récupérer. Mais il s’exécute évidemment. Romain Bardet a complètement craqué dans le dernier kilomètre de la montée vers la Planche des Belles Filles jeudi. Cela lui a peut-être fait perdre toute chance de gagner le Tour de France. Mais s’il est l’heure de rester positif, lui-même ne s’est fait aucun cadeau devant la presse. "J’ai honte" a-t-il dit devant tous ses coéquipiers et son staff lors du briefing d’avant-course vendredi. Cette exigence à l’extrême avec lui-même, cela lui appartient depuis toujours.
"Un mauvais perdant, dans le bon sens du terme"
Gilles Pauchard, son ancien directeur sportif au CR4C Roanne, avait rapidement cerné le garçon, arrivé à 19 ans dans le club de DN1 : "Romain était très déterminé. Il savait exactement où il voulait aller. Il avait une grande soif de réussite, ce qui était rare à ce moment-là. Généralement, les coureurs n’avaient pas ce genre de raisonnement."
Surtout, c’est sa façon de détester la défaite qui avait marqué l’actuel DS de Vital-Concept B&B Hotels : "Il n’a pas forcément eu de belles expériences avec nous. Quand on passe à ce niveau, si jeune en plus, on a toujours besoin d’un temps d’adaptation. Dans les courses, il coinçait parfois dans le final, il manquait de distance pour conclure mais c’était normal car il était très jeune. Sauf quel lui, il avait du mal avec ça. Il ne le supportait pas ! C’était un vrai mauvais perdant, dans le bon sens du terme car il avait toujours la volonté de faire mieux. L’avenir a montré qu’il avait su justement apprendre de ses échecs."
Irrité par son incapacité à toujours gagner, il a, en parallèle, rapidement développé des capacités de meneur d’hommes. Dès sa première année senior, l’Auvergnat, qui avait brillamment participé aux championnats du monde espoirs avec l’équipe de France quelques mois auparavant, voulait déjà prendre les commandes du CR4C. Quelque chose qui avait marqué Gilles Pauchard : "Dès qu’il est arrivé, il a voulu être le leader de l’équipe. Sauf qu’à ce moment-là, nous avions déjà des coureurs d’expérience bien ancrés à ce poste-là comme Benoit Luminet. Mais cela ne lui faisait pas peur."
"Quand il est arrivé, il avait déjà un plan de carrière bien établi"
Benoit Luminet, qui a remporté près de 150 victoires en carrière en amateur, se souvient bien du jeune Romain Bardet quand il est arrivé à Roanne : "Dès les premiers stages ensemble, j’ai vite compris que c’était quelqu’un qui n’était pas tout feu tout flamme. Il savait déjà se canaliser et c’était fort pour son âge. Surtout, il avait déjà établi son programme de courses pour la saison, et ça, ce n’est pas du tout commun pour un jeune coureur qui sort des juniors. En fait, quand il est arrivé, on a facilement deviné qu’il avait déjà un plan de carrière bien établi. Il dégageait une certaine assurance en lui, encore plus aujourd’hui. Il sortait de l’ordinaire par rapport à ça."
Benoît Luminet n’a d’ailleurs jamais eu le moindre problème avec le jeune prodige qui voulait potentiellement lui disputer la place de leader : "Je me souviens, dans les premiers mois, qu’il avait tapé la tête dans le mur comme on le dit dans le jargon. Il avait les yeux plus gros que le ventre. Quand il n’était pas en situation de faire la différence, il abandonnait. C’est là-dessus qu’il a énormément progressé ensuite. Cette année de la découverte du haut niveau à Roanne, où il n’a pas connu que des succès, il a vraiment appris de ça et il a su se remettre en question. Et ensuite, il a explosé." Car avant d’être repéré par Vincent Lavenu, le patron d’AG2R - La Mondiale, Romain Bardet avait laissé entrevoir quelques prémices du coureur d’exception qu’il est devenu aujourd’hui.
"Il était déjà capable de faire un numéro, dans les côtes, sa spécialité"
L’ancien président du CR4C Roanne, Noël Laurent, est de son côté un homme heureux quand on lui évoque Romain Bardet. Fier de voir un de ses anciens "poulains" aussi haut dans la hiérarchie mondiale du vélo. Lui aussi avait été un témoin majeur de la progression du jeune grimpeur : "Je me souviens d’une course, il avait fait un sacré numéro au Tour des Pays de Savoie. C’était dans des conditions terribles mais Romain, lui, ça ne lui avait pas fait peur. Il était déjà capable de faire un numéro, dans les côtes, sa spécialité."
Benoit Luminet, lui aussi, garde un souvenir particulier de cet exploit, et qui n’est pas sans rappeler son trait de caractère principal : "Je me rappelle de ce moment où notre kiné vient me dire 'put*** t’as vu ? Romain a fait 5e, c’est beau.' Sauf que lui, Romain, il a tiré la gueule ! Il était insatisfait de lui. C’est bien de l’être un peu de temps en temps mais faut savoir se dire que c’est pas mal parfois. Romain avait cette soif de plus, toujours plus."
Plus, il lui en faudra ces prochaines jours pour relever la tête après sa désillusion vosgienne. Pour son ancien leader, aucune inquiétude à avoir, nous retrouverons un Romain Bardet offensif et en forme : "Je pense surtout que c’est la confiance qui a faibli et non les jambes. Et c’est pour ça que je ne me fais aucun souci pour lui en troisième semaine, il aura une réaction d’orgueil. Une réaction de champion."
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