Rolland au nom de Voeckler
Heureuse équipe Europcar. Quand son leader Thomas Voeckler défend bec et ongles les derniers fils de son maillot jaune avant de céder, dans un ultime baroud d'honneur, il y a Pierre Rolland, jusque-là équipier modèle, qui se mue alors en sauveur du cyclisme français et qui s'impose en solitaire au sommet de l'Alpe d'Huez au cours d'une étape au scénario étourdissant.
Kilomètre un de l'ascension du Télégraphe. Alberto Contador, le grand battu de la veille, n'attend pas cent mètres de plus et place un démarrage monstrueux. L'Espagnol, magnifique d'orgueil, se dit que perdu pour perdu, autant mourir les armes à la main et s'en va dans un raid au long cours où l'attendent, outre le Télégraphe, le Galibier et l'Alpe d'Huez, tous les deux classés hors catégorie. Seuls trois coureurs parviennent à sauter sur le porte-bagage du triple vainqueur du Tour : Andy Schleck, Cadel Evans et Thomas Voeckler. Déposés, complètement à l'arrêt, Frank schleck, Ivan Basso ou Damiano Cunego ne peuvent que constater les dégâts. Trop tard, le mal est fait, "El Pistolero" a dynamité la course !
Seul en tête du quatuor en or, Contador ne laisse à personne d'autre le soin de mener la chasse aux premiers attaquants du jour. Les quatorze fuyards sont irrémédiablement repris les uns après les autres. Mais, pour le leader de la Saxo-Bank, ce n'est pas encore suffisant. Le natif de Pinto en remet une couche et, cette fois, seul Andy Schleck, très facile, arrive à répondre à son accélération. Voeckler et Evans sont lâchés, l'Australien, très malheureux sur ce coup-là, étant en plus victime d'un incident mécanique. Le coureur de la BMC laisse donc le maillot jaune seul et attend sagement le retour du gros du peloton emmené par les Liquigas d'Ivan Basso.
Voecker s'arrache et craque
Isolé, Voeckler tente alors un pari fou. Au lieu lui aussi d'attendre du soutien, il essaie, au prix d'un effort colossal, de colmater l'écart avec le duo hispano-luxembourgeois. Héroïque, il parvient à stabiliser l'hémorragie pendant de nombreux kilomètres avant de céder pouce après pouce Le courage du Français est à la hauteur de sa défaillance. Repris par le groupe Evans, le maillot jaune éprouve toutes les peines du monde à suivre le rythme de l'Australien qui s'élance à la poursuite de Contador et Schleck. Ces deux derniers, accompagnés par les derniers rescapés de l'échappée matinale, Riblon et Rui Costa, "coincent" un peu dans l'ascension du Galibier et ne s'envolent pas. Pire pour eux, ils voient revenir dans leur pédalier Samuel Sanchez, parti en contre, tandis qu'Evans, sans paniquer, comble peu à peu son débours, emmenant notamment avec lui Frank Schleck et Damiano Cunego. A ce moment-là, les grands battus du jour s'appellent Ivan Basso et Thomas Voeckler. Mais, à la force du jaret, le Tricolore, entouré par quatre coéquipiers, va revenir sur les leaders, eux aussi repris par le groupe Evans, au pied du mythe de l'Alpe d'Huez.
Autant dire, et c'est un euphémisme, qu'au pied des 21 lacets, tout reste à faire ! Mais si le peloton s'est réuni, c'est pour mieux exploser. Pierre Rolland et Ryder Hesjedal sont partis en éclaireurs et Alberto Contador, insatiable, a placé une nouvelle mine. Derrière l'Espagnol, Andy Schleck et Cadel Evans et tous les autres ne peuvent que le suivre à distance. Derrière, c'est l'hallali pour Thomas Voeckler. Le maillot jaune, qui a tant donné, paye cash sa débauche d'effort pour revenir mais il n'a pas à rougir, loin de là. A dix kilomètres du sommet, rien n'est joué puisque Contador possède 15 secondes d'avance sur Rolland, encore étonnant, et 40 secondes sur tous les favoris. Voeckler est à deux minutes.Il en accusera 3'21 au final.
Contador, en tête depuis presque le début de l'étape, a perdu lui aussi de sa superbe et se fait rattraper par Samuel Sanchez et Pierre Rolland. Se produit alors l'impensable : le coureur Europcar, sans complexe, se débarrasse alors des deux Espagnols, un triple vainqueur du Tour et un champion du monde, excusez du peu ! Alors que l'on pensait que l'édition 2011 du Tour serait vierge de victoire française, Pierre Rolland, aérien, signe le premier succès tricolore à l'Alpe d'Huez depuis Bernard Hinault en 1986. Tout simplement historique. Derrière le lieutenant de Voeckler, Samuel Sanchez, qui s'empare du maillot à pois du meilleur grimpeur, devance un Contador qui aura vendu chèrement sa peau alors que les Schleck et Evans arrivent roue dans roue. Les trois hommes se tiennent en moins d'une minute et à 48 heures de l'arrivée sur les Champs-Elysées, on ne sait toujours pas qui sera en jaune à l'issue de ce Tour de folie.
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