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Racisme dans le vélo (3/3) : Inclusion, sanctions, prévention... comment la France gère-t-elle la question?

Brûlante aux Etats-Unis après la mort de George Floyd et dans le sport avec la récurrence des cris de singe proférés dans les stades de football, la question du racisme s'est posée dans tous les pans de la société en 2020. Récemment, tous les coureurs du Tour de France ont porté des masques sur lesquels était écrit "non au racisme". Mais où en est le cyclisme français dans sa gestion du racisme ?
Article rédigé par Andréa La Perna
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
  (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

• La question du racisme se pose-t-elle souvent au sein du cyclisme français?

Les récentes révélations de Janez Brajkovic à propos d’actes racistes à l’encontre de Tsgabu Grmay à la Bahrain Merida. L’opération #NoToRacism sur les masques des coureurs lors de la dernière étape du Tour de France. La réaffirmation en juin dernier de la part de l’Union cycliste internationale (UCI) de son devoir d’assurer “l’égalité de tous les membres et de tous les sportifs, licenciés et officiels, sans discrimination raciale, politique, religieuse, de genre ou autre”... Dans un peloton composé en très grande majorité d'hommes blancs, la question du racisme est revenue sur le devant de la scène cette année.

Parmi les 42 équipes en World Tour et au niveau Continental, seuls 10 coureurs sont, par exemple, noirs de peau. Les injures racistes proférées à l’encontre de Kevin Reza, par Michael Albasini en 2014, puis par Gianni Moscon, en 2017, sont encore dans toutes les têtes. Il faut dire que les deux coupables ont pu continuer leur carrière comme si de rien était. Mais, si ces fâcheux événements ont été si marquants, c’est parce qu’ils ont été aussi violents qu’exceptionnels, même si le racisme ne se limite pas forcément qu'à des actes délibérément mal intentionnés.

A l’échelle française, Michel Callot, le président de la Fédération Française de cyclisme (FFC) explique qu’il n’a jamais eu à faire avec des cas de racisme en une vingtaine année d’implication dans le sport en tant que dirigeant. “Autant, malheureusement, j'ai rencontré d'autres sujets de discrimination, de violence, mais pas sur le racisme. Je ne sais pas si c'est un motif de satisfaction, mais c'est un fait”, affirme celui qui est arrivé à la tête de la FFC en 2017. Interrogé de la même manière par Libération, le sprinteur vosgien Nacer Bouhanni, petit-fils d’immigrés algériens, disait n’avoir “jamais eu de problème de racisme” non plus.

Kevin Reza, comme le reste du peloton du Tour de France 2020, a participé à l'opération #NoToRacism. (MARCO BERTORELLO / POOL)

• Quelles sanctions sont prévues en cas d'acte raciste?

Deux outils existent en France pour sanctionner d'éventuels cas de racisme. Le premier, classique, est dans les mains du président de la Fédération. Michel Callot peut saisir une commission de discipline "dès qu'un acte ou des paroles portent atteinte à l'image du sport". L'autre est un comité d'éthique, mis sur pied il y a 2 ans. "Il peut être saisi par la victime, par quelqu'un qui pourrait estimer avoir subi des violences en rapport avec le racisme. Dans ce genre de cas, je n'ai rien à dire, je ne peux rien freiner ni occulter", assure Callot. Le pouvoir du comité est dit "complètement indépendant de la Fédération pour pouvoir arbitrer des situations qui pourraient impliquer des dirigeants". 

Seul coureur européen noir avec un autre sprinteur français, Lorrenzo Manzin (Total-Direct Energie), Kevin Reza en attend surtout après l'UCI, l'instance qui régit le cyclisme au niveau international. "Il n'y a que l'UCI qui puisse mettre des choses en place et faire réagir les gens. Sanctionner fortement les coupables, ça pourrait faire réfléchir tout le monde. Ce serait un bon début pour combattre le racisme dans le vélo, dans le sport et dans la société. Et tout ça ne peut venir que d'en haut", estime le coureur de l'équipe B&B Hotels-Vital Concept. Il n'a pas apprécié la gestion en catimini du cas Gianni Moscon en 2017, qui l'avait traité de "nègre" et écopé d'une suspension de seulement six semaines.

"Aujourd'hui, un jet de bidon c'est 500€ et on veut ajouter une sanction de temps. Si pour un jet de bidon on est capable de mettre des sanctions à cette hauteur, je ne peux pas comprendre qu'on ne puisse pas mettre des sanctions beaucoup plus lourdes pour des faits beaucoup plus graves, et le racisme en fait partie, comme la violence", insiste Pascal Chanteur, président du syndicat des coureurs. D'après lui, l'UCI est "consciente" de la situation et prépare une action avec les coureurs. Avant de sanctionner, il insiste sur l'importance primordiale de "l'éducation" et de la prévention. Le syndicat prévoit d'ailleurs d'ajouter un module sur le racisme dans la formation des neo-pros.

• Pourquoi les coureurs issus des minorités sont-ils si peu nombreux en France?

Si la France est l'une des grandes nations du cyclisme international, ce qu'a confirmé le récent sacre mondial de Julian Alaphilippe, il y a comme l'impression que l'on ne puise pas suffisamment dans le réservoir des talents. Le contraste est saisissant avec d'autres sports en réussite, si l'on considère par exemple l'équipe de France championne du monde 2018. Les coureurs issus des minorités visibles sont très peu nombreux au sein du contingent français. La Fédération française de cyclisme reconnait ses difficultés à couvrir uniformément tout le territoire français et toucher toutes les couches sociales.

"On est impuissant sur l'intégration des jeunes de banlieue. Dans le cyclisme sur route, on est très peu présent et de moins en moins présent dans les milieux urbains pour des raisons pratiques, d'organisation des compétitions", reconnaît Michel Callot. Les courses fuient les grandes villes, les clubs également. Pascal Chanteur note surtout "l'impossibilité pour les associations d'intégrer le milieu scolaire", contrairement à la natation, à l'athlétisme ou les sports collectifs. Le cyclisme sur route répète ses schémas d'accession, souvent poussés par une tradition familiale, par reproduction. Le soutien logistique de la famille est d'ailleurs une sorte de pré-requis pour permettre aux jeunes coureurs de se rendre et de revenir des compétitions, souvent organisées loin du domicile.

"On dit souvent qu'on joue au foot, au hand ou au basket mais on ne joue pas au vélo."

Pour attirer les jeunes de tous horizons, le cyclisme sur route ne bénéficie pas de la popularité d'autres sports comme le football. En plus d'un accès difficile, c'est la pratique elle-même qui n'est pas donnée à tout le monde. "Vous vous rendez compte, une paire de chaussures coûte 300€ aujourd'hui", s'étonne Chanteur, qui ne parle même pas du prix d'un vélo. D'autant que c'est aussi un sport de souffrance. "On dit souvent qu'on joue au foot, au hand ou au basket mais on ne joue pas au vélo. Il n'y a rien de ludique à courir, même en minimes", ajoute Pascal Chanteur. 

Parallèlement se pose la question de l'inclusion des coureurs ultramarins. Outre la distance géographique, Pascal Chanteur, qui a vécu en Nouvelle-Calédonie, raconte la difficile décision d'accepter de venir en métropole, qui ressemble fortement à une "expatriation" culturelle. Il explique aussi que le réseau des recruteurs éprouve déjà des difficultés à trouver le temps (faute de moyens) de couvrir la métropole. C'est Jean-René Bernaudeau, lui-même, qui s'était rendu en Guadeloupe pour faire confiance à un coureur comme Yohann Gène.

Conscient des lacunes en terme d'intégration et d'inclusion du cyclisme français, Michel Callot explique qu'un pole a été créé à Hyères, "réservé à nos meilleurs coureurs ultramarins pour leur permettre de venir se développer en métropole, en bénéficiant d'un encadrement plus pointu et d'un calendrier de compétition européen plus solide". Un pole dont il espère que les activités seront élargies. Mais pour ce qui est de l'inclusion des jeunes urbains, seuls quelques clubs en relation avec des associations de quartier œuvrent en ce sens (il cite Grenoble et Vaulx-en-Velin).

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