Quels points de chute possibles pour Bardet en cas de départ d'AG2R La Mondiale ?
"Rester ou partir, pour le moment la réflexion n’est pas arrêtée. J’arrive à un point clé de ma carrière où j’ai acquis pas mal d’expérience. Mais il me reste aussi quelques belles années où je peux tirer le meilleur de mes capacités. On réfléchit activement à trouver la meilleure façon chez AG2R ou dans une autre équipe pour y parvenir." Dans une interview accordée à La Montagne mardi, Romain Bardet a ouvert lui-même une porte que beaucoup n’avaient jamais songé à pousser : celle d’un avenir loin d'AG2R La Mondiale, la formation qui lui est chevillée au corps depuis ses débuts en 2012. A bientôt 30 ans, la remise en question est légitime, alors que le natif de Brioude, en fin de contrat à la fin de l’année, sort d’une saison compliquée et aborde le dernier tiers de sa carrière. Coureur cérébral, Bardet l’est aussi dans ses choix, et l’heure n’est pas à une décision hâtive.
Mais si l’aventure venait à s’arrêter avec les Ciel et Terre, où pourrait atterrir Bardet ? "Il est assez facile d'écrire les noms des équipes où il pourrait se rendre. Ce sont des équipes avec une forte éthique contre le dopage, même si on ne peut jamais être sûr à 100% de tous les coureurs", explique son agent Joona Laukka dans les colonnes du quotidien batave De Telegraaf. Il est difficile voire improbable de voir Bardet rejoindre une autre équipe française, comme Groupama-FDJ ou Cofidis.
Les besoins chez les mastodontes comme Ineos (Bernal, Thomas, Carapaz), Jumbo-Visma (Roglic, Dumoulin, Kruijswijk) voire Movistar (Valverde, Mas, Soler) sont déjà comblés. Une équipe belge dédiée principalement aux classiques (Deceuninck-Quick Step, Lotto-Soudal) n’entre pas dans son plan de carrière, tout comme une équipe comme Bora-Hansgrohe axée surtout autour de ses sprinteurs Sagan et Ackermann. Plusieurs équipes pourraient néanmoins se laisser séduire par le CV particulièrement fourni du Français. Tour d'horizon non exhaustif.
• Sunweb, alternative crédible et séduisante
C’est le favori numéro un en cas de départ, simplement car l’agent de Bardet a déjà confirmé une offre envoyée par la formation allemande. Avec le départ de Tom Dumoulin chez Jumbo-Visma, Sunweb s’est délesté d’un gros salaire, mais manque désormais d’une tête d’affiche fiable pour les classements généraux. Faire venir Bardet aurait beaucoup de sens : avec Nicolas Roche, Sam Oomen, Wilco Kelderman voire Søren Kragh Andersen et Tiesj Benoot, Bardet aurait un statut indiscutable entouré de coureurs jeunes et talentueux. "C’est une équipe ou les gars s’épanouissent : ça s'était très bien passé pour Barguil, Dumoulin s’était révélé. C’est une équipe solide avec un vrai projet, et surtout typée pour les Grands Tours avec une tactique de course plutôt au point", estime le commentateur du Tour de France, Alexandre Pasteur.
Point non négligeable : Sunweb dispose d’une vraie expertise dans le domaine du contre-la-montre qui fait cruellement défaut à Bardet. Quatrième du chrono par équipes sur le dernier Tour de France, Sunweb pourrait faire profiter le Français des qualités naturelles de Kragh Andersen ou Chad Haga sur son point faible. Romain Bardet, qui pourrait chasser encore plus sérieusement des classiques prestigieuses, aurait également un support de poids, notamment avec Benoot.
• Trek-Segafredo, une place bientôt à prendre
Vincenzo Nibali et Richie Porte ont tous les deux 35 ans. Si le premier est encore capable de coups d’éclats grâce à son immense talent, le second n’est plus en mesure de suivre les meilleurs. Nibali sera encore là en 2021, mais préparer la suite serait loin d’être farfelu pour les Américains. Bauke Mollema (33 ans) est encore présent, auréolé de sa victoire sur le dernier Tour de Lombardie. Mais sans lui faire injure, il ne boxe pas dans la même catégorie que Bardet sur les Grands Tours.
Rameuter un coureur français dans la force de l’âge pour en faire son leader sur le Tour et sur les classiques, l’idée n’a rien de fantaisiste. "La Trek, pourquoi pas ? Ils ont deux leaders vieillissants avec Porte et Nibali. En plus, quand on voit Julien Bernard qui s’épanouit dans cette équipe, c’est crédible. C’est une équipe qui brille sur tous les terrains, avec Jasper Stuyven sur les pavés, mais aussi sur les Grands Tours. S’ils veulent renouveler leur effectif, pourquoi pas. C’est possible”, juge notre spécialiste Alexandre Pasteur.
• Mitchelton-Scott, une culture de la gagne attirante
Tout juste renommée en Manuela Fondacion, comme annoncé vendredi, la formation australienne fait peau neuve pour la reprise de la saison début août. L’enrobage change, mais le contenu reste le même : une équipe homogène, mais prête à accueillir un talent comme Bardet. Cinquième équipe World Tour la plus victorieuse en 2019 avec 35 bouquets, elle reste une formidable machine à gagner.
Lui qui n’a remporté que sept courses depuis ses débuts en pro en 2012 y trouverait une culture de la gagne audacieuse et polyvalente avec les frères Yates, Daryl Impey ou Mikel Nieve. Mais la fragilité économique pourrait l’inciter à ne pas tenter l’aventure. "Je pense que le challenge pour Bardet, c’est de gagner des courses. Il n’a pas énormément de victoires à son palmarès, il n’a jamais porté un maillot de leader sur une course par étapes, peu importe le niveau. Mitchelton-Scott, c’est un projet pas mal, c’est une équipe qui gagne", ajoute Alexandre Pasteur.
• Bahrain-McLaren, en manque criant de leaders
Comme Trek-Segafredo avec Nibali, aucune tête ne dépasse chez Bahrain-McLaren hormis celle de Mikel Landa pour mener les affaires de la formation bahreïnie sur les Grands Tour, et notamment la Grande Boucle. Mais elle dispose de beaucoup de profils de seconds couteaux susceptibles de séduire Romain Bardet. On connaît la chanson pour l’Auvergnat : il a besoin de sa garde rapprochée pour s’épanouir sur et en dehors du macadam. "Il lui faut de la place, il est habitué à être leader. Il a besoin d’un cadre avec des équipiers, il ne va pas signer à 30 ans pour faire l'équipier de luxe. Ca ne correspond ni à son profil de carrière ni à son caractère. A Bahrain, ils ont Landa mais pour les classement généraux, ils n’ont pas non plus pléthore", analyse Alexandre Pasteur.
Avec Wout Poels, Pello Bilbao, Dylan Teuns, Jan Tratnik ou Damiano Caruso, le casting des francs-tireurs a fière allure. Si certains se mettent au service de Bardet - pour un possible objectif de classement général, mais surtout sur des parcours vallonnés et sur les classiques - cela pourrait faire des étincelles inattendues.
• AG2R La Mondiale, la stabilité n’a pas de prix
Et si finalement, tout ça n’était que de la poudre aux yeux ? Formé à Chambéry, pur produit du moule AG2R version Lavenu, Romain Bardet ne manque de rien dans son équipe. A 29 ans, la remise en question est salutaire, mais ne serait-ce pas pire ailleurs ? Le choc brutal entre le cocon savoyard et l’étranger pourrait lui faire perdre le fil de sa carrière. "Quitter son confort, c’est toujours difficile. S’il reste chez AG2R La Mondiale, il ne faudra pas le prendre comme une humiliation, loin de là. C’est qu’il se sent capable de continuer son chemin", juge Alexandre Pasteur.
L’herbe est-elle réellement plus verte par delà les frontières ? Bardet a connu deux années en dedans, et sa dernière victoire remonte au 24 février 2018 sur la Classic Sud Ardèche. Mais le coureur qu’il est s’est construit chez les Ciel et les Terre. Avec les prolongations de contrat de Benoît Cosnefroy, Alexis Vuillermoz et Oliver Naesen, Vincent Lavenu a en tout cas chassé une inquiétude : s’il reste, Bardet sera au moins aussi bien entouré qu’avant.
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