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Quand le balai entre en scène

Cette voiture là, personne ne veut la voir dans son dos. Le balai ne jette pas de mauvais sort mais quand elle est là, les oiseaux de mauvais augure déploient leurs ailes. A son volant, le « Gaulois » Alain Daniel, vingt Tour de France à son actif et un amour sans borne pour les coureurs.
Article rédigé par Xavier Richard
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
 

C’est un minibus blanc de sept places. Placée à l’arrière de la course avec une ambulance, un véhicule de dépannage et les gendarmes signalant la fin de course, la voiture balai ferme la marche de chaque étape du Tour de France. « On est au fond de la classe, raconte le pilote Alain Daniel, mais quand il y a des attardés, des lâchés ou un grupetto en montagne, on est là. » Car la voiture balai n’oublie jamais personne. Même si son rôle est de récupérer les coureurs à la dérive, le but reste de pousser l’homme à se surpasser pour rentrer dans les clous fixés par la direction de course. « On ne pousse personne à abandonner, explique le Gaulois. C’est soi la direction de course ou le capitaine de gendarmerie qui, s’il est vraiment hors délai, lui demande de mettre pied à terre. Mais le coureur veut lui finir son étape, même hors délai. »

Avec ses moustaches qui lui ont donné son surnom, Alain Daniel assume son rôle. Il n’est jamais heureux de récupérer un coureur dans sa voiture. « Les coureurs préfèrent me saluer au parking équipes et pas me revoir… Chacun son rôle. C’est vrai que quand ils sont attardés, qu’ils se retournent et voient la voiture balai, ils se disent qu’ils sont partis pour une grosse galère. Tout de suite on va leur parler pour les réconforter. » Avec toutes les chutes qui ont « pourries » la course depuis le départ, la voiture balai n’a pas chômé. D’habitude, c’est plus calme en plaine… En revanche, la montagne est traditionnellement la zone où la voiture balai travaille le plus. « Dans les cols, on est parfois seul avec les coureurs car les directeurs sportifs ont plusieurs coureurs éparpillés, raconte le pilote fier de n’avoir jamais rempli ses sept sièges. J’ai des bidons, de la boisson, du ravitaillement solide et liquide. On va lui parler et on lui communique les délais. On essaie de lui remonter le moral, lui dire qu’il y aura des jours meilleurs et qu’il faut insister. L’arbitre nous laisse cette tolérance. »

A fond derrière les coureurs

Et parfois ça fonctionne. Parmi ses meilleurs souvenirs, le « Gaulois » évoque cet incroyable combat de David Millar en 2010. « J’ai plein d’anecdotes mais les plus grands moments, c’est quand le coureur termine dans les délais. L’an dernier, David Millar a eu un jour sans après la journée de repos à Morzine. Il a fait 180 kilomètres devant le balai, raconte-t-il. Il a terminé dans les délais pour 52 secondes. Pendant les 80 premiers km, il ne buvait pas, ne mangeait pas. Je me suis dit que c’était compromis et qu’il allait abandonner au ravitaillement. Au ravito, il a pris la musette et a commencé à manger. Il a fait le final en position contre-la-montre et roulait à 60 km/h. ça c’est des grands moments. »

En revanche, le coureur qui abandonne lui fait toujours aussi mal. Le souvenir de Magnus Backstedt lui revient alors en mémoire. « Il y a quelques années Magnus Backsted s’était effondré devant notre voiture. Il était en sanglots, impossible à consoler. Je l’avais dans mes bras, il avait gagné Paris-Roubaix trois mois avant. C’était un moment très fort mais que je n’aime pas vivre. » Cette année, Alain Daniel a souffert en récupérant le malheureux Christophe Kern (Europcar), victime d’une tendinite en début de Tour. « J’ai eu Christophe Kern qui marchait très très fort et qui a été victime d’une tendinite. A part le repos, il n’y a pas beaucoup de solution. Il a fini dans la voiture balai. » Pour le réconforter, Alain Daniel y est allé sur la pointe des pieds. « Certains coureurs parlent et d’autres se referment sous leur couverture. On attend un petit peu, on ouvre la glacière et on leur propose de la boisson. On essaie de discuter un peu. Généralement, on y arrive comme avec Kern. » Admiratif de tous les participants, le Gaulois ne souhaite qu’une chose : « On en veut le plus possible à Paris. » Quitte à faire un peu de chômage technique.

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