Tour de France : Primoz Roglic, la passation de pouvoir avant un sacre inéluctable ?
"C'est quelque chose de sensationnel de revêtir la tunique jaune pour la première fois de ma vie. Toute personne qui commence à faire du vélo ne rêve que d'une chose, c'est de la porter au moins une fois dans sa vie, c'est un rêve qui se réalise". Ne vous y trompez pas, Primoz Roglic n’était pas extatique sur la ligne d’arrivée. Quand certains font preuve de sang froid, celui du Slovène est glacial. Derrière le masque, un autre, celui d’une machine impassible, programmée pour concrétiser ses objectifs. Et il n’en a qu’un seul à l’esprit : remporter le Tour de France 2020.
Il est du genre à savoir ce qu'il veut
Son équipe, la Jumbo-Visma, la nouvelle terreur du peloton, affichait la couleur dès décembre dernier en annonçant déjà sa dream team de 8 coureurs, parmi lesquels le Slovène, l’ex-vainqueur du Giro Tom Dumoulin ou encore Steven Kruijswijk, 3e de la Grande Boucle l’an dernier. Et même avec l’absence de dernière minute de ce dernier, la formation néerlandaise semblait la mieux taillée pour emmener un maillot jaune sur les Champs-Elysées, plus qu’Ineos, pourtant victorieuse lors de 7 des 8 dernières éditions du Tour.
Avant le départ à Nice, Primoz Roglic faisait figure d’épouvantail. Celui qui s’était difficilement contenté de la 4e place sur l’épreuve en 2018, avait décidé de s’aguerrir sur les deux autres grands tours l’an dernier. Après un échec sur le Giro, terminé à la 3e place, l’ancien sauteur à ski avait remporté la Vuelta, la dominant de la tête et des épaules. Une fois ce blocage levé, il est arrivé avec les dents très longues et affûtées en 2020. Sur une autre planète lors du Tour de l’Ain (3 victoires, dont le classement général) et leader incontesté du Critérium du Dauphiné avant une chute, le Slovène était en avance sur tous ses concurrents.
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Un doute subsistait quant aux séquelles liées à sa chute. Sa manière de boucher les écarts en trois coups de pédale dans le Col de Peyresourde et de Marie Blanque ou celle de toiser les autres grimpeurs lors de son sprint victorieux à Orcières-Merlette, a rapidement dissipé la moindre once de scepticisme. D’autant que son équipe a clairement montré qu’elle était la plus forte en montagne (sans même parler des deux victoires de Wout van Aert au sprint), isolant tous les adversaires au classement général à chaque fois que l’occasion s’est présentée.
Retenue et patience
“J'avais presque envie de retenir mes coéquipiers. Ça fait des jours et des jours qu'ils rongent leur frein et ils ont fait un travail incroyable. Je leur ai dit : 'allez, aujourd'hui on va essayer de se battre pour l'étape'. Ils me l’ont servie sur un plateau, mais au finish c'était un peu juste”, a même confié Roglic à Laruns ce dimanche, après avoir terminé 2e de la 9e étape et récupéré le maillot jaune. Une tunique qui lui tendait les bras depuis mardi soir, mais qu'il n'a pas souhaité ravir trop tôt à Adam Yates (Mitchelton-Scott).
Le Slovène a même donné l'impression de se retenir dans les cols quand la majorité de ses adversaires étaient en train de jeter toutes leurs forces dans la bataille. Le coureur maintenant âgé de 30 ans pouvait enfoncer le clou, mais il attendu la dernière étape avant la journée de repos pour prendre les commandes. Très sûr de lui, le visage jamais ridé ni rougi par l'effort, Roglic économise un maximum de forces pour éviter de plonger en troisième semaine quand certains seront sur la pente ascendante.
"On en est qu'au début du Tour, qu'au premier tiers d'ailleurs. On en voit qui explosent, qui passent par la fenêtre tous les jours. Donc ça va être encore long jusqu'à Paris et ce qui m'intéresse c'est d'arriver à Paris", a-t-il insisté à notre micro. L'expérience infructueuse du Giro 2019 est encore ancrée dans l'esprit du Slovène. Alors qu'il avait pris le maillot rose de leader dès la première étape, il l'avait ensuite cédé cinq jours plus tard pour ne plus jamais le reporter. Richard Carapaz (Movistar) et Vincenzo Nibali (Bahrain-Merida) s'étaient montrés plus frais que lui après la première semaine.
Sur les traces de sa Vuelta victorieuse
Primoz Roglic avait retenu la leçon. Sur la Vuelta, c'est lors de la première étape après la journée de repos qu'il avait pris le maillot rouge de leader, sans jamais le lâcher jusqu'à la dernière étape. A une étape près, la stratégie semble la même sur ce Tour de France pour celui qui a commencé le vélo à l'âge de 22 ans et fait rire ses dirigeants en 2016 en annonçant viser un sacre sur la Grande Boucle en cinq saisons. Les délais sont respectés, mais pour cela il ne faudra pas échouer cette année.
A 12 étapes de la parade parisienne, Roglic est en position idéale. Mais il n'a pas encore creusé l'écart sur ses opposants. Son dauphin Egan Bernal (Ineos Grenadiers), le tenant du titre, n'a que 21 secondes de retard. Au total, ils sont six à moins d'une minute du nouveau maillot jaune, dont les Français Guillaume Martin (Cofidis) et Romain Bardet (AG2R La Mondiale). Le seul qui a réussi à bousculer le Slovène, en le battant au sprint ce dimanche, n'est d'autre que son compatriote Tadej Pogacar (UAE), sur lequel il possède un matelas d'avance de 44 secondes. Si Roglic réalise pour l'instant un sans faute, il est encore très loin d'avoir course gagnée.
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