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Paris-Roubaix : "Quand les premiers coureurs entrent sur la piste, j’ai la chair de poule à chaque fois", raconte Serge Lefèvre, le sonneur de cloche du Vélodrome

Après 37 ans de bons et loyaux services, Serge Lefèvre actionnera la cloche pour la dernière fois lors des courses féminine, junior et masculine de Paris-Roubaix. 

Article rédigé par Hortense Leblanc
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La cloche d'origine de Paris-Roubaix, que Serge Lefèvre a actionné pendant plus de trente ans, est précieusement conservée dans les locaux du Vélo Club de Roubaix. (HORTENSE LEBLANC/ FRANCEINFO:SPORT)

Au moment de fixer un rendez-vous pour une interview, c’est tout naturellement que Serge Lefèvre propose le club house situé à l’entrée du célèbre vélodrome André Pétrieux de Roubaix, qu’il connaît comme sa poche. À 76 ans, l’ancien dirigeant du Vélo Club de Roubaix va sonner la cloche du Paris-Roubaix, pour la dernière fois, dimanche 17 avril, au terme d'un week-end actif qui débutera avec la course des filles, samedi 16 avril. Anonyme et bénévole, il aura été le témoin privilégié et le mieux placé de 34 arrivées de l’Enfer du Nord

En ce week-end de Pâques, la cloche sonnera à Roubaix. Mais elle sera actionnée pour la dernière fois par Serge Lefèvre, qui signifiera pour une ultime fois aux coureurs qu’il leur reste un tour à parcourir sur le vélodrome. La fin d’une histoire, débutée en 1985, pour la première victoire de Marc Madiot, 25 ans à l’époque. "J’étais devenu président du Vélo Club de Roubaix quelques semaines plus tôt quand, à la première réunion, ils annoncent que la personne qui faisait la cloche ne pourra pas le faire car elle a des problèmes de santé. Ils demandent donc à l’ensemble de l’assemblée qui veut le remplacer. Moi je venais d’arriver donc je me suis fait petit, mais quand j’ai vu que personne ne se proposait, j’ai sauté sur l’occasion et c’est parti comme ça", raconte celui qui est désormais surnommé "La Cloche". 

Depuis 37 ans, Serge Lefèvre a ainsi pris part à 33 arrivées sur le vélodrome André Pétrieux : "C’est une date cochée à chaque fois sur mon calendrier. Si je n’y suis pas, c’est indépendant de ma volonté : la course s’est achevée plusieurs fois sur l’avenue des Nations-Unies, donc sans cloche. Une autre fois, ma femme était malade et j’étais auprès d’elle, puis il y a eu une année sans Paris-Roubaix avec le Covid-19", souligne-t-il. 

Une position privilégiée sur la ligne en bord de piste

Avec tant d’années de service, les souvenirs ne manquent pas. Le meilleur ? "Quand Johan Museeuw gagne et passe la ligne en montrant sa jambe en 2000, alors qu’il s’était gravement blessé lors d'une édition précédente dans la Trouée d’Arenberg", répond-il, admiratif. Il raconte aussi avec fierté la fois où, en 2016, le champion de France Steven Tronet s’est décalé pour venir lui taper dans la main au passage de la ligne : "Je ne m’y attendais pas, c’était vraiment sympa". 

En 2000, le Belge Johan Museeuw passe la ligne d'arrivée de Paris-Roubaix en vainqueur et montre sa jambe, dont il avait failli être amputé après une chute à Arenberg deux ans plus tôt. (PATRICK KOVARIK / AFP)

Chaque année, Serge Lefèvre est certainement l’observateur le mieux placé sur la ligne d’arrivée. Alors quand la victoire se joue au sprint, son œil d’ancien commissaire de la Fédération française de cyclisme ne se trompe pas : "En 1993, Gilbert Duclos-Lassalle et Franco Ballerini arrivent tous les deux au sprint. Il n’y a quasiment aucun écart entre les deux et Ballerini lève les bras. Mais moi, j’avais bien vu que Duclos-Lassalle avait gagné. Je me suis donc retourné vers Daniel Mangeas pour lui dire puis ils ont finalement regardé la photo-finish". Une photo qui déclarera le Français vainqueur… pour seulement huit millimètres.

Avec son oeil d'ancien commissaire de la Fédération française de cyclisme, Serge Lefèvre parvient souvent à distinguer le vainqueur des sprints sur la ligne d'arrivée de Paris-Roubaix. (HORTENSE LEBLANC/FRANCEINFO:SPORT)

"Il ne faut pas me parler, je ne dois pas être distrait"

Et si le bénévole a profité d’une si longue "carrière" au poste de sonneur de cloche, c’est aussi parce qu’il y met beaucoup d’application. "Quand des groupes de coureurs arrivent, il faut être bien concentré pour distinguer ceux qui ont terminé et ceux pour qui je dois sonner la cloche. Il ne faut pas me parler, je ne dois pas être distrait. Je peux vous dire que le dimanche soir, je suis bien fatigué", raconte-t-il. Pourtant, Serge Lefèvre ne s’est jamais lassé de son rôle et l’arrivée des coureurs lui procure toujours les mêmes sensations : "Quand les premiers entrent sur la piste, il y a l’ovation du public et j’ai la chair de poule à chaque fois". 

Il passera tout de même le relais au terme de la 119e édition de la Reine des classiques, trop fatigué pour continuer. "Depuis quelques années, c’est ASO qui apporte sa cloche et il faut la tenir à bout de bras. C’est dur physiquement, puis je commence à avoir quelques petits problèmes respiratoires, donc chacun son tour, place aux jeunes", affirme-t-il avec le sourire et sans regret. Sans regret et d’autant plus satisfait d’avoir pu se mettre au service des premières éditions féminines : "C’est super, je n’aurais pas arrêté sans l’avoir fait pour les filles. Je ne l’aurai fait que deux fois, mais je l’aurai fait quand même". 

Une fresque représentant Serge Lefèvre a été peinte à Wattrelos, commune voisine de Roubaix, où vit le sonneur de cloche. (DROITS RESERVES)

Petite vedette locale, puisqu’il est même représenté sur une fresque à proximité de son domicile, Serge Lefèvre s’apprête donc à tirer sa révérence sur Paris-Roubaix. "J’ai reçu beaucoup de messages pour me féliciter et me dire que je fais partie de l'histoire de la course. Ça fait chaud au coeur". Et s’il concède que son rôle de sonneur lui manquera, "La Cloche" prend date : sa retraite ne l’empêchera pas de venir voir l’arrivée de l’Enfer du Nord, dès l'année prochaine. 

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