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Mort de Raymond Poulidor, "éternel second" mais maillot jaune des cœurs

Hospitalisé depuis fin septembre car affaibli après un œdème pulmonaire, Raymond Poulidor s'est éteint mercredi à l'âge de 83 ans. Légende du cyclisme français, il restera à jamais comme "l'éternel second", l'homme à qui le Tour de France n'a jamais voulu s'offrir. Malgré ses échecs contre Anquetil et Merckx, entre autres, "Poupou" a cependant toujours été premier dans les cœurs. Icône de la ruralité triomphante et des valeurs traditionnelles, il aura accompagné le vélo jusque dans son dernier souffle.
Article rédigé par Andréa La Perna
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
 

"J'aurais bien sûr aimé l'emporter. Mais si je l'avais fait, je ne sais pas si on parlerait encore de moi". Invité sur Franceinfo l'an dernier, Raymond Poulidor était interrogé pour la millième fois sur d'éventuels regrets vis-à-vis de sa réputation d'éternel second. Il n'en a jamais eus. Mieux, il a rapidement compris une chose : ce qui pouvait être une tare pour un champion de sa trempe était en fait ce qui lui a permis d'entrer au panthéon du sport français et dans le cœur des Français.

"Tu vas encore finir deuxième", Jacques Anquetil (1987)

Des années après son dernier coup de pédale, sa popularité n'a jamais fléchi. Systématiquement présent sur le Tour de France depuis des années, Poupou était devenu l'ambassadeur de LCL, sponsor officiel du maillot jaune, maillot qu'il n'a pourtant jamais porté sur la Grande Boucle. Grand nombre de curieux auront pu entrevoir le sourire sincère et rassurant de l'ancien champion le temps d'une simple séance de dédicaces. 43 ans après son dernier Tour, son visage a subi les stigmates du temps, mais même les plus jeunes l'ont aperçu, reconnu.

L'homme du peuple, l’idole de la foule

"Le chemin des cœurs lui demeurent ouverts, sans qu'il le recherche", disait Antoine Blondin à son propos. Dans les années 60, Poulidor n'était pas qu'un coureur cycliste. Dans ses exploits et ses mésaventures, il incarnait la ruralité et les valeurs traditionnelles à l'époque d'un tournant pour la société française. Acclamé par la foule, il "assumait la condition totale du Français moyen" d'après Blondin. Né dans le petit village de Masbaraud-Mérignat dans la Creuse, Poupou était le cinquième enfant d'un couple de métayers. Il n'aura roulé sur un vélo de course qu'à ses 16 ans, après avoir bien usé la monture de sa mère.

Le grand public pouvait plus facilement s'identifier à lui qu'à Jacques Anquetil, à l'époque de leur féroce rivalité. Anquetil, c'était la modernité, l'incarnation de la réussite sportive. "La France était coupée en deux, des couples ont divorcé parce que la femme était pour Anquetil, ou vice versa, il y avait la bagarre dans les foyers", s'amusait à raconter Poulidor lui-même. Au-delà même d'un sentiment d'appartenance, la dualité avec les champions qu'ont été Anquetil ou Merckx lui a permis d'exister et d'inonder le public de son panache.

Comme sur les pentes du Ventoux lors du Tour de France 1965, où Poupou s'est fait la malle avec Julio Jimenez pour tenter de désarçonner Felice Gimondi. Si ce dernier avait réussi à sauver son maillot jaune pour 34 secondes, l'histoire retiendra que c'est bien Raymond Poulidor qui fut le premier coureur français à remporter une étape du Tour au sommet du Géant de Provence. Il serait réducteur de ne retenir de lui que ses trois deuxièmes places sur la Grande Boucle, au même titre que ses 189 victoires professionnelles et son record de podiums sur le Tour (8).

Une épopée romanesque bien au-delà d'une quête sportive

Si Poupou était si populaire, c'est avant tout parce qu'il a écrit sa propre légende. De sa première victoire d'étape en 1962 à Aix-Les-Bains à sa dernière tentative infructueuse à 40 ans sur le Tour 1976, les rebondissements ont été nombreux. En 1964, il oublie un tour de parcours à Monaco, ce qui offre la victoire et la minute de bonification à Anquetil (sachant qu'il finit par perdre le Tour pour 55 secondes). Quatre ans plus tard, Poulidor est renversé par une moto.

Thibaut Pinot a montré cette année à quel point l'histoire d'un Tour de France dépasse le strict cadre d'une place au classement final. Il y avait quelque chose de beau dans la quête inassouvie de Raymond Poulidor. S'approcher du Graal sans jamais pouvoir le toucher... Le tout sans en garder la moindre once d'aigreur jusqu'à son dernier souffle. Le sourire en coin, il racontait que lorsque Jacques Anquetil était sur le point de mourir en 1987, ce dernier lui avait dit au téléphone : "tu vas encore être deuxième".

Maintenant que Poupou s'est éteint, l'histoire n'est pas pour autant terminée. Aujourd'hui, toute son épopée cycliste pèse sur les épaules de son petit-fils Mathieu van der Poel (24 ans), prodige du cyclo-cross et étoile montante du cyclisme sur route, à qui il revient d'écrire sa propre légende, même si elle restera inextricablement liée à celle d'un grand-père adoré de tous. 

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