Mondiaux de cyclisme : à la découverte du BMX Freestyle Park, les voltigeurs du vélo
Dans la quête du maillot arc-en-ciel de champion du monde, aucune discipline cycliste ne prend les choses autant à la lettre que le BMX Freestyle. Avec des bonds jusqu’à quatre mètres au-dessus des modules du park, ces artistes à deux roues s’envolent littéralement dans les airs pour espérer atteindre le septième ciel, et le toit du monde. Membre de la grande famille des sports extrêmes, le BMX Freestyle Park, installé en plein cœur de Glasgow pour ces Mondiaux, est de loin l’épreuve cycliste la plus impressionnante.
“En gros, on a une minute pour faire un maximum de saut périlleux dans un skatepark, sur un vélo de 20 pouces”, résume Istvan Caillet, membre de l’équipe de France. Son coéquipier Luca Bertrand complète : “On a des vélos avec de petites roues, et on ne doit pas poser le pied pendant notre run. C’est un mélange de pilotage et d’artistique.” Le tout dans une ambiance à l’américaine, avec DJ Set et foule en délire autour du park, que l’on retrouvera place de la Concorde lors des JO 2024.
Du plaisir, et aucune limite
Une fois lancés, les pilotes multiplient les tricks (figures), librement. Pas besoin de connaître le nom de tous les mouvements pour se régaler devant cette discipline visuellement impressionnante, et que beaucoup ont débutée après avoir commencé par du VTT, ou des courses de BMX comme Maxime Bringer. “À la base, c’était juste pour le plaisir, puis j’ai goûté à la compétition, et me voilà ici aujourd’hui”, sourit-il.
“Je suis passé au freestyle parce qu’en course, j’avais fait le tour. J’avais envie d’apprendre autre chose sur mon vélo. En freestyle, il n’y a pas de limites, tu ne peux jamais dire que tu as tout fait.”
Maxime Bringer, pilote françaisà franceinfo: sport
Un point de vue partagé par la star tricolore de la discipline, Anthony Jeanjean, qui résume : “Notre sport ne sera jamais arrivé, on aura toujours la possibilité de créer des nouvelles choses.” Et Istvan Caillet de rebondir : “Il y a 15 ans, on pensait que les mecs avaient atteint la limite, et en fait, aujourd’hui, ils en font beaucoup plus. La seule limite, c’est la taille des rampes.”
Être passé par les autres disciplines cyclistes reste une force pour les pilotes de BMX Freestyle qui, avant de s’envoler pour leurs tricks, doivent avant tout être des as du guidon, aux qualités techniques infaillibles. “Je roule encore en VTT et en descente, pour le plaisir, mais aussi parce que ce sont les bases du vélo. C’est super important pour l’équilibre, notamment. On s’en sert beaucoup. C’est bien de commencer par ça et de basculer sur le freestyle”, témoigne par exemple Luca Bertrand.
Des artistes sur roue
Une fois ce bagage technique en poche, place à la dimension artistique, qui est le cœur de cette discipline pas comme les autres. “C’est l’essence de notre sport. Il ne faut pas que ça devienne un sport chronométré”, prévient Maxime Bringer, “La part artistique, c’est le choix des figures, des lignes que l’on fait dans le park, la diversité des figures aussi.” Ce qui fait du BMX Freestyle un sport non chronométré, mais jugé. À la fin de leur run d'une minute, les riders ont ainsi une notation établie par un jury, qui donne le classement général.
“La façon dont tu utilises une rampe, exécute une figure, c’est très personnel. Chacun a sa patte. On peut reconnaître certains riders sans voir leur visage”, assure Maxime Bringer. Parmi les plus reconnaissables du circuit, Anthony Jeanjean, candidat déclaré au titre mondial, mise justement sur son originalité dans cette discipline en plein essor : "J’essaie de proposer quelque chose que je suis le seul à faire, pour me démarquer.et surprendre les juges”, assure celui qui prépare de nouveaux tricks pour les Jeux de Paris, l’an prochain, “C’est important de créer un effet de surprise chez les juges et les autres athlètes.”
Pour cela, les pilotes français s’entraînent à l’année au pôle France de Montpellier, sur, mais aussi beaucoup en dehors du vélo. “La gymnastique et le trampoline aident aussi à avoir de bonnes sensations en l’air, des repères. J’en fais parfois, ça aide vraiment. Par exemple, on apprend le backflip d’abord en trampoline”, explique Istvan Caillet. Le renforcement musculaire, la préparation mentale et l'explosivité sont également travaillés à l’année, avant que les pilotes ne répètent leurs figures à vélo, dans des bacs à mousse d’abord, puis sur les parks.
Tout sauf des têtes brûlées
C’est à ce prix qu’ils peuvent alors créer de nouvelles figures, ou améliorer des existantes en les effectuant là où cela n’a jamais été fait. Cette dimension artistique, Kévin Fabregue la symbolise mieux que personne. Pendant 5 ans, ce Franco-Canadien était un artiste du cirque du soleil : “J’ai fait 4 ans de tournée internationale, notre numéro venait conclure le spectacle. J’avais toujours l’optique de faire de la compétition, mais à l’époque, le BMX n’était pas structuré, donc j’ai pris mes années au cirque du soleil comme un plus, je pouvais m’entraîner, vivre et faire des shows. Ça m’a aidé à progresser”.
Finalement revenu à la compétition en 2020, lorsque le BMX Freestyle Park est devenu une discipline olympique à Tokyo, Kévin Fabregue incarne la double facette sportive et artistique du BMX Freestyle Park. Car derrière la beauté des figures, il y a une exigence de tous les instants. “Un bon athlète de BMX Freestyle, c’est avant tout un technicien avec un touché de vélo particulier. Il faut une bonne perception de l’espace, comme en gymnastique, à l’aise, mais c’est aussi un très bon athlète qui est tout sauf une tête brûlée. Tout est calculé, il y a beaucoup de travail. Il faut être fort mentalement pour remédier aux peurs”, développe l’entraîneur des Bleus, Patrick Gumez.
Les pilotes disposent également d’une dernière carte dans leur manche pour personnaliser leur run : la musique. “On choisit parfois les musiques, ça peut s’accorder à notre riding, donner de la motivation et nous stimuler”, avance Maxime Bringer. Pas du genre à laisser quelque chose au hasard, Anthony Jeanjean ajoute : “Notre run, la musique, le speaker, le public : tout va ensemble, tout est lié et s’il se passe quelque chose, les juges peuvent noter plus haut. La musique joue un rôle. J’ai fait quelques compétitions où les DJ, ce n’était pas ça, ça se ressent, et ce n’est pas simple (rires).” Mais ce cocktail fait le sel du BMX Freestyle Park, à cheval entre art et sport.
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