Edito : un Tour hors catégorie
Le dicton populaire l’affirme : le vélo, ça ne s’oublie pas. Et pour son grand retour après six mois au garage, on n’est pas près d’oublier le vélo auquel on a eu le droit depuis le départ du Tour de France le 29 août à Nice. Plus que jamais, la Grande Boucle a déchainé les passions, et son édition 2020 est de celles qui ont fait, font, et feront sa légende. La preuve : le Tour n’est pas terminé qu’on en parle déjà au passé. Qu’on ressent déjà le vide des onze mois de l’année sans lui. Qu’on éprouve déjà la nostalgie de la Petite reine venue effleurer les confins de l’Hexagone.
Tout a commencé dans un contexte sanitaire pesant fin août à Nice. Une anomalie en soit, pour une compétition foncièrement juillettiste, inconsciemment associée aux longues siestes des journées caniculaires du cœur de l’été. On craignait d’ailleurs que la Petite reine ne se remette pas de cette infidélité, que la ferveur populaire n’en pâtisse : à tort. Au contraire, des cols ont dû être fermés face à l’engouement suscité, et pour faire respecter les gestes barrières. Mieux : là où le Tour passait en cette rentrée de septembre, il plongeait immédiatement les communes traversées en vacances. Les écoles étaient désertées, les trottoirs débordaient.
Bulle, amour retrouvé et cannibale slovène
Sans incidence sur les spectateurs, le contexte sanitaire n’en a pas non plus eu sur les coureurs et leurs équipes, ainsi que sur l’organisation. La bulle s’est avérée quasi hermétique : un miracle. Avec quatre cas parmi les staffs des écuries, plus quelques uns dans l’organisation dont celui du directeur, Christian Prudhomme, la Covid-19 n’est pas venue gâcher la fête. Aucune équipe n’a été exclue du Tour par la pandémie, les seuls abandons étant dus à la pédale, aux chutes et aux fringales. L’impact du virus sur la course était plus insidieux, puisqu’il avait surtout tronqué la préparation physique de nos forçats adorés.
Ce Tour 2020 aurait aussi pu être hors catégorie si les Français avaient répondu aux attentes énormes qu’ils suscitaient au départ, Thibaut Pinot en tête. Il l’a été par la pluie de déceptions françaises provoquées par un orage niçois et des chutes en cascade. Ce cru 2020 devait être exceptionnel car étonnamment victorieux pour les Bleus, on a finalement été débordé par la déception, malgré les éclaircies entrevues lors des victoires de Julian Alaphilippe et Nans Peters. Deux étapes françaises sur la Grande Boucle : un total qui avait tout de la réussite il n’y a pas si longtemps.
On pourrait aussi parler du maillot vert qui a retrouvé des couleurs grâce au duel Sagan-Bennett, à la faillite impensable d’Ineos qui restaient sur 7 victoires en 8 ans, au grand retour des bordures, ou encore au vertige du col de la Loze. Mais tout cela a été éclipsé par un final à faire pâlir Netflix. Un final à faire rougir les romantiques amoureux du contre-la-montre, de plus en plus mis au placard, mais qui a rallumé la flamme en mettant le feu au final du Tour.
Que dire, de ce triomphe de Pogacar. L’insolente réussite de la jeunesse, d’un homme seul, face à une armada froide, jaune et noire, qui venait de cadenasser les trois semaines de course. Que dire de Tadej Pogacar, vainqueur incontestable de ce Tour hors catégorie : maillot jaune, maillot blanc et maillot à pois. Une performance jusqu’ici réalisée par un seul homme : Eddy Merckx en 1969, 1970, 1971 et 1972. De là à comparer le prodige slovène au "Cannibale", il n’y a qu’un pas qu’on ne franchira pas. Mais comment nier dès lors la beauté incontestable de cette Grande Boucle 2020 ? Ce Tour tellement fou qu’on ne serait pas étonné de voir un coureur s’imposer en solitaire sur les Champs-Élysées. Ce Tour que l’on n’oubliera pas.
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