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Dopage - Affaire Puerto, procès fleuve pour conclusions restreintes

Après les aveux de Lance Armstrong, le cyclisme va connaître un nouveau débalage autour du dopage avec le procès de l'affaire Puerto. Autour du docteur Fuentes, c'est un dopage généralisé qui avait été découvert par la police espagnole, aboutissant à des suspensions pour Ivan Basso, Alejandro Valverde, Jan Ullrich... Mais alors que l'affaire concernait d'autres sports, la justice espagnole l'a cantonnée au seul cyclisme. Pendant deux mois, la petite reine va encore être dans l'oeil du cyclone.
Article rédigé par Thierry Tazé-Bernard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
 

C'est l'un des plus grands procès sur le dopage qui s'est ouvert ce matin à Madrid. Mais cela aurait pu être encore plus grand. Sept ans après les premières interpellations, cinq personnes vont comparaître dans le box des accusés. Ils doivent répondre de "délit contre la santé publique" et non d'incitation au dopage, puisque l'Espagne n'a adopté une loin antidopage que six mois après les faits. Pièce centrale de cette affaire: le docteur Eufemiano Fuentes. Accusé emblématique: Manolo Saiz, ancien surpuissant directeur sportif de l'équipe Once puis Liberty Seguros. Mais il n'y aura aucun sportif, ni Ivan Basso, Alejandro Valverde ou Jan Ullrich, tous suspendus à un moment pour avoir été des acteurs dans cette affaire Puerto. Et ils auraient même pu être beaucoup plus nombreux, si la justice espagnole n'avait pas, tout au long des années, tenté de circonscrire le feu au seul cyclisme.

200 poches de sang avec des noms de code

Car la Guardia Civil avait saisi dans des appartements de nombreux produits dopants et plus de 200 poches de sang identifiées par des noms de codes, que l'enquête a permis d'attribuer à différents sportifs, espagnols ou étrangers. Au départ, les enquêteurs avaient affirmé que cette affaire ne  concernait pas uniquement des cyclistes. Fuentes en personne avait déclaré au  journal français Le Monde avoir eu "d'autres sportifs comme clients: athlètes,  joueurs de tennis, footballeurs", avant de se rétracter. Dans le rapport de la Garde civile était apparue une liste de 58 clients  présumés, tous cyclistes, dont seulement six avaient au final subi une sanction  sportive: l'Espagnol Valverde, les Allemands Ullrich et Jaksche, les Italiens  Basso, Scarponi et Caruso (ce dernier ayant été blanchi par le TAS). 

Entre pressions politiques, volonté judiciaire de refermer le dossier (deux fois classé, deux fois rouvert), et manque flagrant de volonté de collaborer avec l'Agence mondiale antidopage (AMA) comme avec les différentes fédérations nationales ou internationales, l'Espagne n'a laissé à personne la possibilité d'aller au bout de l'histoire. C'est ce procès qui a débuté ce matin, et qui durera deux mois, à raison de séances uniquement matinales, et pas tous les jours. Une procédure habituelle pour la justice pénale espagnole, qui ouvrira son  tribunal aux caméras pour des diffusions en direct des débats certains jours. Mais après avoir créé un tremblement de terre lors des premières révélations et arrestations, ce procès pourrait bien aboutir à quelque chose d'énorme. La montagne pourrait n'accoucher que d'une souris.

Les cinq accusés

Eufemiano Fuentes: Il est considéré comme le cerveau du réseau de dopage  sanguin démantelé en 2006 par la Garde civile. Ce médecin de 57 ans, originaire  des îles Canaries, passe pour être l'éminence grise du cyclisme espagnol, et  plus largement, européen. Il a commencé sa carrière par l'athlétisme, se voyant  mandaté au début de sa trajectoire comme médecin de la Fédération espagnole  d'athlétisme. A l'époque, seulement un cas positif avait touché une athlète  dont il s'occupait, celui de Cristina Perez, sa femme. Lors des perquisitions  dans deux de ses appartements madrilènes en 2006, les enquêteurs avaient  retrouvé quelque 200 poches de sang, des produits dopants, ainsi que plusieurs  plans censés organiser le dopage de ses clients.
   
Yolanda Fuentes: La soeur d'Eufemiano. Egalement médecin, elle suivait  l'équipe "Comunitat valenciana", ayant pris la suite de son frère qui y  officiait durant la période Kelme.
   
Manuel Saiz: Ancien directeur sportif de l'équipe Once, puis de l'équipe  Liberty Seguros, cet Espagnol de 53 ans a été versé au nombre des accusés au  motif qu'il aurait mis en relation un grand nombre de ses coureurs avec  Fuentes. Plus de la moitié des coureurs des "bleus" (nom de code pour l'équipe  Liberty Seguros dans les documents de Fuentes) figurerait ainsi dans la liste  de 58 cyclistes clients du médecin établie par la Garde civile. Lors de son  arrestation en compagnie de Fuentes et Merino Batres, il possédait 42.220 euros  en liquide ainsi que des corticoïdes destinés normalement à un usage  hospitalier.
   
Vicente Belda: L'équivalent de Manolo Saiz, mais à la tête de l'équipe  "Comunitat Valenciana", anciennement équipe Kelme. Belda a notamment eu sous  ses ordres Jesus Manzano, coureur qui avait dénoncé en 2004 les pratiques  dopantes généralisées de l'équipe dans le journal AS. A l'époque, Belda avait  accusé son ancien coureur de "mentir", alors que les découvertes de la Garde  civile en 2006 avaient donné raison à Manzano. Avec un autre accusé - le  docteur Alfredo Cordova - Belda avait fait appel de sa convocation au procès  Puerto, clamant "son innocence". Seul Cordova a effectivement obtenu un  non-lieu.
   
José Ignacio Labarta: L'adjoint de Vicente Belda chez Comunitat  Valenciana et préparateur physique de cette même équipe. Lors de son  arrestation à Saragosse en 2006, la police a trouvé à son domicile des produits  dopants, notamment des anabolisants. Presque la totalité des "verts" (nom de  code de Comunitat Valenciana dans les documents de Fuentes) faisait partie des  clients présumés du réseau.
   
Deux personnes ont vu leur nom retiré du dossier: le docteur Alfredo  Cordova, qui a bénéficié d'un non-lieu après avoir fait appel de sa convocation  au procès, et le docteur Merino Batres, 72 ans, dont le cas a été "classé  provisoirement" jeudi, au motif qu'il souffrirait de la maladie d'Alzheimer.

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