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"Des cas comme moi, il y en a de plus en plus" : le cycliste Théo Nonnez brise le tabou de la dépression chez les sportifs de haut niveau

Le coureur cycliste de 21 ans a annoncé cette semaine l'arrêt de sa carrière après un burn-out et alerte sur franceinfo des dangers de la professionnalisation du sport chez des sportifs de plus en plus jeunes.

Article rédigé par franceinfo - Fanny Lechevestrier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Des coureurs cyclistes lors du Giro d'Italia 2020. (Illustration) (LUCA BETTINI / AFP)

Quand franceinfo a joint Théo Nonnez, jeudi 15 avril dans l'après-midi, la voix du coureur cycliste de 21 ans était posée, sereine. Mais il n'en pas toujours été ainsi cette année avec des moments, décrit-il avec pudeur, "compliqués". Jusqu'à ce jour de décembre 2020, où il se retrouve en larmes sur son vélo. Et de nous décrire la spirale qui l'a happé et conduit à ne plus se reconnaître.

"J'étais à l'entraînement et je me demandais ce que je foutais là, quel sens avait ma vie. Et pour être honnête, je ne trouvais pas."

Théo Nonnez

à franceinfo

Théo Nonnez, sur qui reposait de nombreux espoirs depuis un titre de champion de France juniors en 2016, a fini par craquer. Impossible pour lui de s’épanouir dans ce culte de la performance qui s’immisce même chez les plus jeunes. "Je ne faisais plus grand-chose de ma vie, hormis du vélo, se souvient-il. Chaque heure de sommeil compte, l'alimentation est réglée au millimètre. J'avais un grand plaisir : aller me balader, notamment dans Paris. On ne peut pas se permettre ça parce que si tu vas marcher deux heures, le lendemain matin à l'entraînement, tu vas le payer."

"Tout le monde performe et tu te dois de performer. Mon entourage s'est beaucoup sacrifié. Je me suis sacrifié aussi et je n'avais pas le droit de ne pas performer."

Théo Nonnez

à franceinfo

"Il y a un phénomène vraiment impressionnant dans le sport, c'est qu'on se professionnalise de plus en plus tôt, poursuit Théo Nonnez. Aujourd'hui, il y a des équipes cyclistes, des minimes, des petits qui ont entre 12 et 14 ans. Je sais que moi, en juniors, il y en avait déjà qui avaient arrêté les études pour se consacrer totalement au vélo. Sauf qu'arrivé un ou deux ans après, j'ai dû m'y mettre aussi."

"Tout le monde le fait, continue le sportif. Si tu ne le fais pas, tu prends du retard. Comment on veut que les jeunes prennent le temps de grandir ? Il y aura des champions, mais combien passeront à la trappe ?"

La dépression, un tabou dans le sport

Inquiet, l’ancien champion est aussi soulagé d’avoir enfin pu parler ouvertement de son mal-être, aidé en cela par le médecin de son équipe pour mettre des mots sur ce qui reste tabou : la dépression des sportifs de haut-niveau. "Ce n'est peut-être pas une honte, souligne Théo Nonnez, mais c'est mal vu d'être dans un milieu où tout le monde rêve de passer pro, etc. Dire qu'on n'est pas épanoui là-dedans est quand même assez compliqué."

"Si j'en avais parlé plus tôt, j'aurais peut-être pu adapter certains trucs. Un jour, ça va exploser : il y en a de plus, en des cas comme moi."

Théo Nonnez

à franceinfo

Théo Nonnez répète à plusieurs reprises ne pas vouloir se prendre pour un autre, ou cracher sur ce qu’il a tant aimé. Il reste d’ailleurs le premier supporter de ses anciens coéquipiers. Il espère seulement que raconter ce qui lui est arrivé pourra servir à d’autres.

Un cycliste professionnel et le tabou de la dépression : reportage de Fanny Lechevestrier

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