Cinq dates qui ont forgé la légende du "Cannibale" Eddy Merckx, célébré pour le départ du Tour de France 2019
Le plus grand cycliste de l'histoire est à l'honneur dans son pays natal, alors que le Tour de France s'élance de Bruxelles samedi, pour célébrer le cinquantenaire de son premier succès sur la Grande Boucle, en 1969.
Tapis rouge pour le roi Eddy ! A l'occasion du Tour de France 2019, qui débute à Bruxelles samedi 6 juillet pour célébrer les cinquante ans de la première victoire d'Eddy Merckx sur la Grande Boucle en 1969, la Belgique rend hommage à la légende du cyclisme. A 74 ans, ce sportif au palmarès étincelant – 525 victoires à son actif, dont cinq Tours de France – fait partie, avec Jacques Brel, du club restreint des Belges à l'aura mondiale.
Echappée en solitaire dans les Pyrénées, rivalité avec l'Espagnol Luis Ocana, soupçons de dopage en Italie... Franceinfo revient sur les moments qui ont marqué la carrière exceptionnelle du champion.
Le 1er juin 1969 : le jour où sa carrière a failli s'arrêter
Le 1er juin 1969, Eddy Merckx est contrôlé positif à une amphétamine dépistée dans ses urines à Savone, en Italie. Le soir même de cette 16e étape du Giro, il est exclu du Tour d'Italie auquel il participait pour la troisième fois, et qu'il était sur le point de remporter pour la deuxième année d'affilée. "C'était mon neuvième contrôle dans ce Giro. Les huit précédents étaient négatifs. Et voilà qu'un neuvième, au terme d'une étape courue à 30km/h et où rien ne s'est passé, se révèle positif", explique à l'époque Eddy Merckx, raconte la RTBF.
Clamant haut et fort son innocence, le cycliste de l'équipe Faema dénonce alors un "sabotage", rappelle Le Figaro. Il obtient gain de cause auprès de la Fédération internationale de cyclisme professionnel (aujourd'hui Union cycliste internationale), qui va lever sa peine et l'autoriser à participer au Tour de France quelques semaines plus tard. Bonne pioche. Eddy Merckx ramènera pour la première fois le maillot jaune sur les Champs-Elysées cette année-là.. Mais un demi-siècle plus tard, le champion a encore cet épisode en travers du guidon. "Cette histoire a changé ma vie. C’était fort obscur. J’étais le seul à devoir aller au contrôle ce jour-là", confie-t-il au Figaro. Avant d'ajouter : 'On a ensuite fait des contrôles privés, si j'avais été positif j'aurais été mis à la porte de l'équipe Faema. Ils se sont avérés négatifs. Cela m'a marqué douloureusement. Je pensais que je ne pourrais plus courir. Le monde s'écroulait'.
Le 15 juillet 1969 : le jour où son talent a explosé à la face du monde
En 1969, le coureur de 24 ans participe pour la première fois au Tour de France. Il porte déjà le maillot jaune depuis une dizaine de jours lorsqu'il entame la 17e étape entre Luchon et Mourenx, dans les Pyrénées, le 15 juillet. Et c'est en tête qu'il franchit le sommet du Tourmalet, devant son coéquipier Martin van Den Bossche et ses principaux adversaires, Roger Pingeon et Raymond Poulidor. "C'est toute la classe d'un homme qui est étalée sous vos yeux", s'émerveille le commentateur dans cette vidéo de l'INA. Mais le plus bel exploit est à venir. A partir du sommet du Tourmalet, Merckx s'échappe en solitaire pendant 130 kilomètres, jusqu'à Mourenx. A l'arrivée, les poursuivants pointent à près de huit minutes derrière lui. Un gouffre.
"Je n'avais pas prévu de faire un coup pareil, a-t-il confié à la revue Vélo Magazine à l'occasion de son 70e anniversaire. Je me suis retrouvé seul, sans l'avoir vraiment voulu. En bas de la descente, j'avais trente secondes. J'ai continué au train, dans le Soulor et l'Aubisque, sans cesser d'augmenter mon avance". Cinq jours plus tard, Eddy Merckx remporte son premier Tour de France et confisque, au passage, tous les classements (temps, montagne, points, par équipes, combiné, combativité). Le deuxième, Roger Pingeon, est relégué à près de 18 minutes.
Le 12 juillet 1971 : le jour où le duel avec Ocana a basculé
Lors la 11e étape du Tour de France 1971, dans les Alpes du Sud, l'Espagnol Luis Ocana passe tous les cols en tête et "arrive seul à Orcières-Merlette avec plus de huit minutes d’avance sur Eddy Merckx", raconte France Bleu. Pour la première fois, poursuit la radio, le "Cannibale" [le surnom d'Eddy Merckx] "mord la poussière". Luis Ocana s'empare du maillot jaune, mais son triomphe est de courte durée. "Les deux coureurs étaient à couteaux tirés, se souvient l'ancien journaliste sportif de France 2, Jean-Paul Ollivier, joint par franceinfo. Sachant que Luis Ocana était impétueux, il a cherché à le pousser à la faute en étant très offensif." Le 12 juillet entre Revel et Luchon (14e étape), "sous un ciel d'encre, les éclairs, la grêle et un orage apocalyptique, les coureurs descendent le col de Mente à tombeau ouvert. Dans un virage traître et glissant, les deux protagonistes [Merckx et Ocana] au coude-à-coude chutent lourdement", poursuit France Bleu. Eddy Merckx se relève, mais Luis Ocana, percuté par plusieurs coureurs, est contraint d'abandonner et doit être hospitalisé.
Le lendemain, Eddy Merckx demande et obtient de ne pas porter pendant une journée le maillot jaune qu'il a ainsi récupéré. "Je ne me réjouissais pas de son accident, a-t-il expliqué maintes fois. Loin de là. J'étais même effondré. Les jeux étaient loin d'être faits, je voulais le battre à la régulière".
Deux ans plus tard, en 1973, Luis Ocana réussira néanmoins à gagner le Tour, en l'absence d'Eddy Merckx qui avait fait l'impasse au profit du Giro et de la Vuelta. Symbole de cette rivalité exacerbée, Ocana avait, selon sa femme citée par France Bleu, appelé son chien Merckx "en lui disant souvent entre la plaisanterie et le sérieux : 'Je suis ton maître et je le resterai !'" A la retraite, les deux adversaires se lieront d'amitié, au point qu'à l'enterrement de Luis Ocana, en 1994, Eddy Merckx sera l'un des porteurs du cercueil du vainqueur du Tour 1973.
Le 25 octobre 1972 : le jour où il a pris le record de l'heure
Le record de l'heure ? Tous les grands s'y sont attaqués, souligne L'Equipe. En 1942, l'Italien Fausto Coppi parcourt 45,848 km en soixante minutes. Un record qui va tenir quatorze ans avant d'être progressivement amélioré. En 1968, le danois Ole Ritter établit un nouveau record de distance parcourue à 48,653 km. Quatre ans plus tard, Eddy Merckx s'en mêle et ne laisse "rien au hasard". "Sa tentative, explique L'Equipe, a lieu à Mexico, à 2 300 m d'altitude, pour des conditions atmosphériques optimales. Pendant plusieurs semaines, Merckx s'entraîne dans son garage, avec un masque, pour recréer les conditions de l'effort". Le 25 octobre 1972, au bout d'une heure d'effort intensif, il bat le record de l’heure avec 49,431 km parcourus. Au prix, dira-t-il, de la "pire souffrance de sa carrière". Mais une souffrance payante puisque son record tiendra 28 ans.
Le record est aujourd'hui détenu par un autre Belge, Victor Campenaerts qui l'a porté le 16 avril dernier à 55,089 kilomètres sur la piste du vélodrome mexicain d'Aguascalientes, à 1 800 m d'altitude. En près d'un demi-siècle, le record a été amélioré de plus de 5,6 kilomètres. Mais, entre-temps, l'Union cycliste internationale a autorisé, après plusieurs changements de réglementation, des avancées technologiques décisives (roues pleines, prolongateur de guidon).
Le 11 juillet 1975 : le jour où il a été frappé par un spectateur
Lors du Tour de France 1975, Eddy Merckx apparaît invicible, auréolé de ses précédentes victoires. Mais ce champion taiseux n'est guère populaire auprès du public. "Les Français n'aimaient pas ceux qui gagnaient tout le temps, sourit Jean-Paul Ollivier. Surtout quelqu'un comme Eddy Merckx, qui parlait assez peu et ne se dévoilait pas". Une partie des spectateurs lui reproche sa suprématie incontestée sur le Tour de France, qu'il a déjà remporté cinq fois. Sur la vidéo ci-dessous, on peut ainsi voir une femme l'injurier à son passage : "Salaud de merde ! Il a passé, ce salopard !" Une autre le juge "prétentieux" et un troisième résume : "Il y en a ras-le-bol ! Merckx, Merckx, Merckx... Et merde !"
Mais jamais cette hostilité ne s'était traduite en violences. Sauf le 11 juillet 1975. Alors que la 14e étape du Tour de France entre Aurillac et le Puy de Dôme se termine, raconte le quotidien régional La Montagne, un spectateur décoche un coup de poing au maillot jaune. Sur cette vidéo, on voit Eddy Merckx porter sa main droite à hauteur de son foie.
"C'est la première fois qu'on a eu des hooligans sur le Tour. Des inconscients. J'étais le premier à pouvoir gagner six Tours. Mais j'étais étranger et il y avait une animosité. C'est d'ailleurs pour ça que je n'ai pas fait le Tour en 1973", souffle Eddy Merckx, cité par La Montagne.
La police identifie l'agresseur, un homme de 55 ans habitant l'Allier. Le coureur porte plainte et le quinquagénaire sera condamné, l'année suivante, à la prison avec sursis. Mais cette agression place ce Tour sous le signe de la malchance pour Eddy Merckx. Lors d'une étape ultérieure, il chute à Valloire, ce qui lui vaut une fracture du maxillaire. Cette année-là, Bernard Thévenet remportera la Grande Boucle et mettra fin à la suprématie du "Canibale".
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