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“C'est dur moralement” : chez Simon Sellier, la journée-type d'un coureur pro confiné

Contraint de s’entraîner chez lui comme tous les coureurs professionnels résidant en France, Simon Sellier (Total-Direct-Energie) tente de garder la forme physique et morale malgré les circonstances. Il s’autorise même quelques courses virtuelles avec d’autres pros pour se stimuler.
Article rédigé par Théo Gicquel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
 

Comment garder la forme ? Comment tuer le temps ? Tout simplement, comment s’adapter à l’exceptionnel ? Comme beaucoup d’autres coureurs, Simon Sellier (Total- Direct-Energie) découvre les difficultés du confinement et son impact sur l’entraînement de sportifs habitués à avaler les kilomètres de bitume à cette période de l’année.

Un programme chargé

Chez lui en Vendée, le sprinteur tente de parer à l’inconnu en s’imposant des plages de travail. "Je garde un rythme régulier. Je me lève vers 8h. Soit je fais une activité le matin à jeun, soit je prends mon petit-déjeuner et j’enchaîne : du home-trainer, de la ppg (préparation physique générale) ou de la course à pied. Après le déjeuner, je me repose ou je fais une autre activité. Samedi, j’ai fait deux heures de home-trainer le matin et de la musculation l’après-midi", détaille le coureur de 25 ans. 

Premier nid-de-poule : la nutrition. Chez des athlètes pour qui le moindre demi-kilo influe sur les performances, le poids sur la balance demande une vigilance permanente."On fait moins d’activité donc on se dépense beaucoup moins. Il faut continuer à manger normalement mais il faut être encore plus vigilant. Il vaut mieux prendre un kilo, bien encaisser les charges de travail, et savoir le perdre à deux semaines de la reprise. Mais c’est compliqué de se maintenir à flot, de rester sérieux. Mentalement, si on commence à se priver dès le départ, au bout de trois semaines, on pète un plomb."

Stoppé dans son élan

Le mental, celui qui leur fait tourner les jambes quand celles-ci ne répondent plus, est au cœur des préoccupations. Pour Simon Sellier, la peine est double : opéré d’un endofibrose iliaque (jambe) l’été dernier, il sortait tout juste d’une préparation hivernale de plusieurs mois. “C’est dur moralement. Je commençais à reprendre le rythme avec le Tour de la Communauté de Valence (5-9 février) et le Tour du Rwanda (23 février-1 mars). En tant que compétiteur, c’est horrible quand on se fait stopper. Mais ça nous dépasse, c’est au dessus du sport. Mentalement, ce sera rude, mais on est tous dans le même cas.” Alors comment s’occuper à l’intérieur quand on passe le plus clair de son temps dans un bus, en voyage et sur la route ? 

“J’adore bricoler et jardiner. Je m’occupe comme ça, car je ne peux pas trop rester sur le canapé. J’ai la chance d’avoir un terrain, pouvoir prendre l’air en cette période, c’est une chance”, continue celui qui devait être sur la Classique Loire Atlantique ce week-end (samedi 28 mars). Pourtant, c’est bien sur le home-trainer, qu’il n’apprécie pas particulièrement le reste de l’année, qu’il jette désormais ses principaux efforts plusieurs heures par jour. “De base, je ne suis pas trop un adepte d’en faire en saison. L’équipe nous a envoyé des séances de renforcement musculaire et des séances de home-trainer différentes : lactique, seuil, PMA”, continue-t-il.

Fini le basique home-trainer “rouleau”, où les coureurs pédalent dans le vide nerveusement sans but précis. Désormais, plusieurs applications permettent de réaliser des courses en ligne, comme ce sera le cas pour le Tour de Suisse virtuel fin avril. “C’est connecté avec mon capteur de puissance, le home-trainer est connecté avec la tablette, on fait un circuit. Il y a un système d’aspiration et de watts, donc quand ça monte, le home-trainer durcit naturellement le pédalage, et dès que ça descend, c’est plus facile. Pour les sprints, il n’y a plus de placement ou de frottement, c’est juste de la puissance.”, précise Simon Sellier. 

Des courses virtuelles entre pros

Dimanche, le Vendéen avait rendez-vous pour 83 km et 2000 mètres de dénivelé avec d’autres coureurs professionnels, comme Lilian Calmejane et Mathieu Burgaudeau (Total-Direct-Energie) ou Kévin Ledanois (Arkéa-Samsic). Et malgré son statut pro, la course s’est avérée loin d’être une partie de plaisir. “J’avais entendu comme quoi c’était très dur, et ça s’est avéré dur ! Je n’ai même pas fini la course. Ce n’est pas trop fidèle à la réalité, certains doivent un peu tricher sur le poids (rires) ! On peut mentionner qu’on pèse moins que son poids réel sur le logiciel, et le poids watts/kilo sera bien meilleur. Ça n’empêche que c’est costaud.”, débriefe  le sprinteur-puncheur, qui s’est arrêté après 60 kilomètres et 1h45 d’effort intense. “ Il faut partir à bloc, on sprinte pendant deux minutes, il faut être aux alentours de 500-600 watts. Ensuite, ça roule à un sacré tempo.” 

Une stimulation bienvenue pour des professionnels habitués à l’adrénaline de la compétition, brutalement remplacée par le silence d’un vélo statique. “Là où j'ai perdu du temps, c’est dans les descentes. Il faut faire un sprint sur le haut de chaque bosse pour pouvoir basculer avec le groupe et garder l’aspiration, car on gagne 40% d’effort. Donc si on perd quelques mètres, on a du mal à boucher le trou, un peu comme en vrai ! Il faut bien gérer ses efforts, les faire au bon moment.”

"Dimanche, on était 18 000 sur la plate-forme en même temps."

Surtout, cela permet aux compétiteurs de retrouver brièvement les frissons de la course et la pression du résultat. “Franchement, c’était dur, une vraie simulation de course. Le cardio monte à 170 pulsations quasiment tout le temps. Vu que c’était ma première, j’ai peut-être vu grand ! Au final, c’était assez surprenant mais vraiment super. Je ne sais pas si je le ferais tous les jours car ce sont des efforts violents et je ne suis pas sur que ce serait bénéfique dans le temps. Mais une fois par semaine, ça ne fera pas de mal pendant le confinement.” 

De plus en plus de coureurs amateurs et professionnels occupent une bonne partie de leur temps confiné sur ces applications, et certaines équipes comme Israel Start-up Nation organisent des rassemblements caritatifs. Dimanche, l’équipe qui vient d’intégrer le World Tour finançait un masque par membre inscrit à sa course. “Sans mentir, je pense que chaque pro a un home-trainer connecté et fait des courses connectées. Dimanche, on était 18 000 sur la plate-forme en même temps.”, conclut Simon Sellier.

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