Au Tour d'Italie, la donne a changé
Alors qu'une délégation de la Direction de la course commémore la tragédie de l'avalanche de Rigonato en janvier 2017, dans cette région des Abruzzes où le Tour restera trois jours, c'est le moment de la réflexion et la mémoire. Réflexion sur ce qu'ont révélé les neuf premières étapes, et surtout sur les enseignements qu'il est possible d'en tirer. Mais mémoire aussi: car si l'on a déjà vu des favoris connaître des défaillances, on les vu aussi capables de réagir pour renverser les montagnes.
Et de la réaction, il en faudra pour Chris Froome, d'autant que justement, les montagnes qui se profilent pourraient lui faire mal aux jambes s'il s'y montre autant en perdition que dimanche sur le Gran Sasso. Idem pour Aru, sans rythme et sans forces, ou pour Tom Dumoulin, qui reste encore dans le coup, mais qui a souffert et lâché du temps; le Néerlandais n'est visiblement pas aussi flamboyant que sur le dernier Giro qu'il avait remporté.
Yates sans partage
L'homme fort cette année -du moins sur cette première partie- s'appelle Simon Yates. Et le Gran Sasso a confirmé la supériorité actuelle du Britannique. Entre les champs de neige, à l'altitude de 2135 mètres, seul Thibaut Pinot s'est intercalé entre les duettistes de l'équipe Mitchelton, le porteur du maillot rose et son compère colombien Esteban Chaves, qui est remonté à la deuxième place du classement général.
Les autres ont tous reculé dans les derniers hectomètres. De peu, pour Domenico Pozzovivo (4e), bien plus en jambes que son compatriote, le champion d'Italie Fabio Aru. D'une poignée de secondes, pour le vainqueur sortant, le Néerlandais Tom Dumoulin, qui a limité la perte. Mais de plus d'une minute pour Froome, distancé irrémédiablement dans les deux derniers kilomètres.
Dimanche, le porteur du maillot rose ne s'est livré que dans le sprint de haute altitude. Il a enlevé son premier succès d'étape dans le Tour d'Italie, trois jours après avoir offert la victoire à Chaves sur l'Etna. "Chaque jour est meilleur, je ne peux qu'être heureux", a commenté le jeune Britannique (25 ans), qui participe pour la première fois au Giro. "Je suis venu dès le début pour gagner, je ne me suis jamais caché.
"Nous avons tout pris", a surenchéri son coéquipier Chaves, habillé du maillot bleu de meilleur grimpeur. "La victoire d'étape, le maillot rose, le maillot bleu. Mais nous devons garder les pieds sur terre. Il reste encore beaucoup de chemin jusqu'à Rome...".
Simon Yates le sait et reste lucide sur ce qui l'attend après ce jour de récupération: "J'aurais signé avant le départ pour une première semaine comme celle-ci. Mais j'ai encore plusieurs adversaires. Pozzovivo va fort et Thibaut Pinot est très bien, toujours là. Je dirais aussi Tom Dumoulin. J'ai une trentaine de secondes d'avance sur lui au classement mais ce n'est pas suffisant avant le contre-la-montre. Je devrai encore lui reprendre du temps. Aru a perdu du temps, Froome aussi...Mais la route est encore longue" et les coureurs mal en point peuvent tout à fait connaître un regain de forme.
Froome aux abois
Les limites de Froome, apparentes à plusieurs reprises dans les temps forts de la première semaine (contre-la-montre de Jérusalem, 4e étape à Castelgirone, 6e étape à l'Etna), ont éclaté au grand jour sur cette ascension; dans l'interminable montée (26 km), aux pentes prononcées dans les 4 derniers kilomètres, le quadruple vainqueur du Tour de France a été décroché... alors qu'une quinzaine de coureurs formaient encore le groupe de tête.
A-t-il d'ores et déjà perdu le Giro ? Le camp de Chris Froome veut rester optimiste: "Ce n'est certes pas ce que nous espérions, selon le directeur sportif de l'équipe Sky, Nicolas Portal, mais rien n'est fait. Il reste encore deux longues semaines, alors j'espère que nous connaîtrons des jours meilleurs. Simon Yates lui-même veut rester prudent:" Tout peut arriver" estime-t-il. Mais la tendance est très défavorable à Froome, candidat à un triplé inédit au XXIe siècle (Tour, Vuelta et Giro dans la foulée). En neuf jours de course, le leader de Sky a chuté à deux reprises et a été surclassé dans les moments décisifs. Au point d'afficher un passif de près de deux minutes et demie sur Yates, l'homme fort de ce début de Giro.
Pinot, le 3e homme
Alors qu'on ne l'attendait pas en si bonne position, Thibaut Pinot fait un début de Giro quasi parfait. Il n'a pas craqué sur les étapes de montagne, il s'est mêlé sur son parcours de prédilection et semble avoir encore de la fraîcheur. Même s'il a quelque regret de n'avoir pas pu gagner une étape alors qu'il était au premier rang. "J'aurais bien voulu gagner pour être tranquille avec ça et me concentrer sur le classement général. Cela fait trois fois que je suis sur le podium sans gagner. C'est un peu dommage. Mais globalement, je reste sur mon objectif du podium final. On verra au fur et à mesure de la course pour essayer de faire mieux. Pour l'instant, c'est le podium", déclare le coureur de la FDJ. C'est déjà un objectif très important qui ne sera pas facile à atteindre. Mais si tous les prétendants au podium passent à l'attaque, la suite de ce Giro s'annonce pour le moins indécise.
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