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Alaphilippe, Bernal : en Andorre, les stars du vélo déconfinées

Depuis plusieurs années, la petite principauté pyrénéenne attire des grands noms du sport mondial, des circuits de moto GP aux greens des rois du golf. Mais ce sont surtout les cyclistes qui ont fait d’Andorre leur camp de base. Et depuis lundi, le déconfinement progressif de la principauté permet aux Egan Bernal, Julian Alaphilippe et autres stars du peloton d’enfin renouer avec les routes de montagne, sous certaines conditions. 
Article rédigé par Adrien Hémard Dohain
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
  (MARCO BERTORELLO / AFP)

"La concentration de cyclistes professionnels est assez dingue ici, il y a un bon tiers du Tour de France qui vit à Andorre", pose d’entrée Luc Alphand. Venu en principauté pour travailler dans les stations de ski andorranes, l’ancien skieur français s’amuse de ce spectacle : "Ici, si tu sors en vélo, tu risques de prendre des sacrés coups de vent. Une fois, j’ai vu Julian Alaphilippe au loin en vélo. J’ai voulu lui dire bonjour, je n’ai pas réussi à le rattraper", se marre Alphand. De fait, une cinquantaine de coureurs professionnels vivent en Andorre, ainsi que des pilotes de Moto GP, du Dakar ou même des golfeurs. Du haut de ses 77 000 habitants, la Principauté pyrénéenne présente un taux de sportifs de haut niveau au mètre carré assez hallucinant. Et depuis lundi, contrairement à leurs homologues basés en France, les cyclistes établis à Andorre retrouvent les joies des sorties en plein air.

La principauté de la petite Reine

Evidemment, cette concentration d’athlètes de haut niveau n’est pas le fruit du hasard. A Andorre, ils bénéficient d’un statut spécifique avantageux, notamment d’un point de vue fiscal, destiné à les attirer. "Après, pour les cyclistes, le principal avantage c’est d’être directement en haute-montagne. Quand Julian sort avec son vélo, il est déjà à 1 500m et a des cols exigeants à proximité", détaille Franck Alaphilippe, cousin et entraîneur du puncheur français. "Depuis quelques années, leur nombre a explosé. Avant, ils étaient nombreux à Monaco, maintenant c’est Andorre. Il y a de grands noms, de toutes les équipes : INEOS, Jumbo-Visma, AG2R, Quick-Step, Cofidis, Movistar…" , observe Luc Alphand. Parmi eux, Miles Scotson, de la Groupama-FDJ : "J’adore Andorre quand il fait beau. Je vis aussi à Gérone en Espagne pendant l’année, quand le temps est trop froid ici".

Julian s’est installé ici parce qu’on voulait travailler sa résistance en haute altitude, on sait que c’est son point faible.

Au delà du statut spécifique, la minuscule principauté pyrénéenne a des atouts sportifs, dont son altitude. "Julian s’est installé ici parce qu’on voulait travailler sa résistance en haute altitude, on sait que c’est son point faible", précise ainsi Franck Alaphilippe. Pour achever de séduire les sportifs professionnels de tous horizons, Andorre a aussi investi dans des infrastructures de haut niveau. "Les structures pour s’entraîner sont tops, dont deux centres de haut niveau. Il y a aussi pas mal de personnel médical. Les athlètes ont tout ici, dont la tranquillité", appuie Alphand. Et surtout, depuis le 4 mai, ils ont le droit de sortir pour s’entraîner ou de se rendre dans les deux centres sportifs, en attendant la levée totale du confinement. Ce qui n’est pas le cas en France.

Trois heures, trois fois par semaine

Lundi, Andorre a démarré sa deuxième phase de déconfinement. A travers celle-ci, la principauté n’a pas oublié de prendre soin de ses résidents sportifs professionnels. "On a appris que les coureurs pourraient rouler en extérieur, mais c’est très réglementé", raconte Franck Alaphilippe. Il détaille : "Ils ont le droit de sortir trois fois dans la semaine, trois heures maximum, et pour l’instant sur deux routes de cols uniquement". "Heureusement qu’ils ont limité le temps de sortie, sinon il y aurait eu de l’embouteillage dans les cols", plaisante Alphand.

 Les mecs vont tous se croiser dans les cols, mais ils s’en moquent. Cela arrive déjà en temps normal. Ils sont adversaires dans les courses, mais cela leur arrive de rouler ensemble en Andorre.

Pour éviter ce genre d’incidents, le règlement est très strict. Le coureur australien de la Groupama FDJ, Miles Scotson, explique : "Ils nous ont séparé en deux groupes à cheval un jour sur deux, c'est pourquoi je ne peux rouler que mardi, jeudi et samedi de 11h à 14h. Évidemment, j'ai vu beaucoup de coureurs lors de ma première sortie mardi, mais nous n'avons pas le droit de rouler ensemble". Accompagnés d’une voiture s’ils veulent, les rouleurs s’en contentent volontiers selon Franck Alaphilippe : "Ils vont enfin pouvoir pédaler ailleurs que sur leur home trainer. Les mecs vont tous se croiser dans les cols, mais ils s’en moquent. Cela arrive déjà en temps normal. Ils sont adversaires dans les courses, mais cela leur arrive de rouler ensemble en Andorre. Surtout que Julian aime bien discuter avec les gens et rouler", sourit son coach.

Entre libération et frustration

Pour beaucoup, bien que limité, ce retour sur les routes est une libération : "Julian n’aime pas trop le home trainer. Il avait vraiment hâte de sortir se défouler. Forcément, physiquement il a perdu un peu dans cette période. Mais il retrouve toujours très vite sa forme. Pour cela, il a besoin de faire régulièrement de longues sorties, d’au moins trois heures", expose Franck Alaphilippe. A peine descendu de son vélo mardi, Miles Scotson approuvait : "Le temps était tout simplement parfait. C’était une vraie satisfaction. Je me rends compte que je n'appréciais pas tellement l'entraînement en salle…"

Le Col d’ordino est la montagne juste au-dessus de ma ville, j’adore cette ascension à l’entraînement. L’autre que nous pouvons faire est l’Arcalis, elle est plus longue et atteint 2200 m.

Libérés sur les routes andorannes, les coureurs vont pouvoir y retrouver la forme temporairement : "On ne sait pas encore si Julian va reprendre la préparation en France ou rester en Andorre, ça dépendra des règles", avance Franck Alaphilippe. Pour Miles Scotson, l’avenir immédiat passe par la principauté. "Je resterai ici jusqu'au moins juin", annonce celui qui n’a qu’à sortir de sa maison pour être sur une des deux routes ouvertes : "Le Col d’Ordino est la montagne juste au-dessus de ma ville, j’adore cette ascension à l’entraînement. L’autre que nous pouvons faire est l’Arcalis, elle est plus longue et atteint 2200 m. Ce sont des routes plus calmes qui ne sont pas vraiment utilisées par les services publics ou d'urgence, c'est pourquoi elles sont choisies". En 2016, la 9eme étape du Tour de France s'était achevée au sommet de l'Arcalis, col classé hors catégorie.

Si ce retour sur les routes soulage les cinquante coureurs professionnels basés en Andorre, les deux cols de la principauté vont vite être trop petits pour eux : "Mardi, j’ai fait deux heures. En roulant à un rythme soutenu, nous monterons à 2 heures et demie, puis à 3 heures lors de mes prochaines sorties cette semaine. On reconstruit notre condition physique", explique Miles Scotson. Une fois le rythme retrouvé, les cyclistes auront toutefois besoin de plus que ces deux cols : "On y va en lentement, il faut être vigilant après un tel arrêt. Mais Julian serait partant pour faire beaucoup plus de kilomètres dès aujourd’hui, surtout qu’il sait que dans d’autres pays, des coureurs peuvent rouler. Ca le titille", avoue Franck Alaphilippe. Et maintenant que le calendrier a été officialisé, la préparation peut commencer, à Andorre, ou ailleurs.
 

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