Cyclisme sur piste - Mondiaux 2019 : à Pruszków, Mathilde Gros veut effacer un mauvais souvenir
Dix-neuf ans et déjà un esprit de revanche. Mathilde Gros a toute sa carrière devant elle mais veut marquer les Mondiaux dès maintenant, à Pruszkówen Pologne où elle avait lourdement chuté en novembre 2017, et un an après une édition décevante à Apeldoorn. Sixième sur la vitesse par équipe mercredi avec Sandie Clair, elle démarre jeudi sa première épreuve individuelle, la vitesse, avant de se frotter au keirin, dimanche.
Viser une finale en keirin, une demie en vitesse
Pour ses troisièmes Mondiaux, la benjamine de l’équipe de France s'est fixée des objectifs clairs: une finale en keirin, "en sachant que mes derniers Mondiaux, je n’ai même pas réussi à accéder en demie" (21e) souligne-t-elle. Pour la vitesse individuelle, "ce serait vraiment de terminer dans le carré finale" et donc passer quatre tours. L’an dernier, au Pays-Bas, elle s’était arrêtée en huitièmes. Ce cap à franchir n’effraie pas la triple championne du monde junior en 2017 (sur 500 mètres, keirin et vitesse). "Niveau européen, j’ai pu confirmer certaines choses, explique-t-elle en référence à son titre européen en keirin l’été dernier et sa médaille de bronze en vitesse. Mais au niveau mondial, je n’ai pas encore de médaille. Cela me permet d’arriver avec moins de pression, moins de stress et de tout donner." Mais avec un écart à combler entre le niveau européen et mondial, comme elle le souligne : "ça n’a rien à voir, le niveau mondial est beaucoup plus important avec des Australiennes, des Néo-Zélandaises, des Chinoises, … Ce sont des choses différentes et il va falloir hausser son niveau pour remplir mes attentes."
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Tokyo en ligne de mire
"J’aimerais bien pouvoir ramener des petites médailles" sourit-elle. Des objectifs immédiats, mais dans un coin de la tête, les Jeux olympiques de Tokyo dans un an et demi. "Les autres nations montent leur niveau de plus en plus, nous aussi on élève le nôtre. Cela va être bien de pouvoir se tester et de voir où on en est, ce qu’il nous reste à faire, quels sont encore les défauts." Se jauger et jauger les autres, aussi :"Voir les filles, leurs défauts, leurs qualités... C'est important de pouvoir voir un peu tout ça sur ces Mondiaux." Et la route de Tokyo ne passera pas forcément par une discipline plutôt qu’une autre. "J'ai envie de vous dire, moi c'est les deux épreuves que je vise, affirme-t-elle. On pensait que j'aurais plus de chance en vitesse, finalement je suis championne d'Europe de keirin."
Une dualité qu’elle défend en prenant ses aînées comme exemple : "Il y a des filles qui ont très bien été capables de faire une médaille en vitesse et de gagner le keirin." C’était le cas de la Britannique Victoria Pendleton, titrée sur le keirin et 2e de la vitesse en 2012 à Londres. Et l’Allemande Kristina Vogel avait réussi le doublé aux Mondiaux en 2014 et 2017, avant un grave accident en juin 2018 l’ayant rendue paraplégique. "Ce sont des épreuves complémentaires, à partir du moment où l’on va vite en vitesse individuelle, on va vite en keirin. Il y a des choses qui changent, ce n'est pas les mêmes disciplines c'est sûr. Mais on voit à l'heure actuelle les meilleures en vitesse sont pratiquement les meilleures en keirin." Comme la tête d’affiche hongkongaise Lee Wai-sze, gagnante de la Coupe du monde de keirin cette saison et victorieuse à quatre reprises en vitesse individuelle.
Pruszkow, du sourire aux larmes
Mais pour bien préparer le futur, il faudra exorciser le passé d’une piste polonaise déjà marquante dans la carrière de la jeune cycliste. En novembre 2017, Mathilde Gros y signe son premier podium en Coupe du monde, une 3e place en vitesse individuelle, avant de chuter violemment lors de la finale du keirin quelques jours plus tard. Elle se rappelle : "Pruszków, c’est là où j’ai fait ma luxation acromio-claviculaire. Je n'y suis jamais retourné depuis ma chute. J’y fait aussi ma première médaille, donc c'est une piste que je connais assez bien et je suis contente d'y revenir malgré ça." Cette blessure avait sérieusement entamée sa saison et sa préparation des Mondiaux à Apeldoorn, au mois de février suivant. "Je revenais de blessure et je voulais tellement bien faire que je m'étais mise beaucoup de pression", avoue-t-elle. Un stress et une méforme physique qui l’ont empêchée de concourir au plus haut niveau (9e de la vitesse, 21e du keirin). "Ça a été évacué, explique-t-elle. Ça a été long mais toutes les compétitions que j'ai ratées, ça va être une source de motivation. J'ai raté mes Mondiaux l'année dernière, on en a tiré le positif et le négatif, on a travaillé, j'ai mis à la poubelle et maintenant je vais vers l'avant. On verra bien comment ça se passe."
Deux mois au Japon pour "faire le bilan"
Pour se remettre la tête à l’endroit, Mathilde Gros a alors décidé de partir au Japon, pays-roi du keirin avec son circuit professionnel renommé. Son aîné François Pervis, septuple champion du monde, avait l’habitude de s’y frotter. Deux mois pour se retrouver : "Je me suis recentrée sur moi-même, il n'y avait pas de sollicitations donc j'étais vraiment dans une sorte de bulle, au calme." L’occasion de faire le point sur sa carrière, à seulement 19 ans : "J'ai pu vraiment faire un peu le bilan depuis que j'avais commencé le vélo. Voir ce qui allait, ce qui n'allait pas, ce qu'il fallait modifier et ce qui marchait." Une tranquillité qui lui a fait "énormément de bien" et permis d'affronter ses rivales, dont la vice-championne du monde australienne Stephanie Morton, dans un contexte complètement différent… et rugueux : "Cela m'a apporté beaucoup de confiance sur mon épaule, par rapport aux chutes, au fait de frotter." Un pari gagnant pour la Française. "La preuve, je suis revenue et j'ai été championne d'Europe, rappelle-t-elle dans un sourire. J'ai fait une bonne saison sur les coupes du monde après j'aurais aimé ramener des médailles, c'est ce qui m'a un peu frustré sur cette saison. Mais cette frustration, je vais tout mettre en sorte pour que ces mondiaux soient différents de ceux de l'année dernière."
Un travail important sur la gestion du stress
C’est devenu son leitmotiv, le "bon stress" et le "mauvais stress". Viser haut, sans avoir peur de l’échec. "Mon adversaire le plus redoutable, c'est moi-même, explique-t-elle. Le fait d'avoir eu une ascension aussi grande, sur le coup on ne s'en rend pas compte mais cela provoque beaucoup plus de stress." Repérée à 14 ans alors qu’elle séjourne au pôle espoir… de basket, elle n’a même pas deux ans de cyclisme dans les jambes quand elle décroche son premier titre de championne de France en 2016. Un manque de vécu qui peut jouer au niveau mental : "C'est important de se mettre une carapace et d'avoir des outils pour contrer ce stress. A l’heure actuelle, je travaille énormément là-dessus."
D’où l’arrivée d’un préparateur mental après les championnats de France, l’été dernier. "On travaille ensemble, avec mon entraîneur aussi. A l'entraînement, on essaye de reproduire ce qu'on fait en compétition. Parfois, changer des habitudes d'entraînement, ça me perturbe. Donc on essaye de changer le plus possible de choses. Ce ne sera jamais la même chose que la compétition mais on travaille là-dessus." A 19 ans, Mathilde Gros a tout le temps de travailler et d’apprendre. Mais son talent et sa motivation laissent déjà rêver d’une médaille mondiale.
Le programme des Mondiaux
A partir de 18h30 sur France tv sport
Poursuite par équipes féminine – premier tour et finales
Keirin masculin – troisième tour et finales : Sébastien Vigier
Vitesse individuelle féminine – quarts de finale : Mathilde Gros
Poursuite par équipes masculine – finales
Scratch masculin – finales : Clément Davy
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