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Côté technique: la constance de Ferrer

Durant toute la quinzaine de Roland-Garros, Patrice Dominguez, consultant France Télévisions et ancien N.1 français, décortique les différentes forces des meilleurs mondiaux et leurs secrets techniques. Aujourd'hui, la constance de David Ferrer.
Article rédigé par Thierry Tazé-Bernard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 3min
 

"S'il n'avait pas eu les quatre joueurs devant lui (Djokovic, Federer, Nadal, Murray), David Ferrer aurait un autre palmarès, d'abord en raison de son niveau de jeu, mais aussi parce que cela l'aurait décomplexé. Il ne s'estime pas de ce niveau là. C'est un garçon gentil, modeste, ce n'est pas un 'tueur' comme les autres. Souvent, avec ce jeu, les Espagnols sont carbonisés à 25-26 ans. Lui court toujours comme une mobylette, et on a l'impression que le moteur est emballé en permanence. Il est extraordinaire de précision, d'abnégation. Dans des rencontres droite-gauche, on fait difficilement mieux. Il parvient à donner des accélérations avec une force à l'impact qui fait tourner la balle extrêmement vite, mais il peut la jouer quasiment à plat également.

Il n'a pas une qualité de service et une grande variété, mais il est capable d'amortir, de faire des volées correctes, de faire pas mal de choses, mais surtout il sait ne pas faire de fautes, quelque soit la surface. C'est la valeur-étalon du tennis au rang de 5e mondial. Berdych, Tsonga sont passés 5e, mais lui, il le reste. Tous les jours de l'année, il joue entre 4e et 6e mondial, quelque soit le terrain peut-être à l'exception du gazon. Il est présent en permanence, en demie, en finale. Il a fini par gagner un Masters 1000 l'année dernière à Bercy, ce qui était un Graal. C'est un joueur exemplaire. Je me souviens l'avoir vu à Shanghaï après un match de poule faire 10km sur le tapis roulant à 11-12 km/h. C'est un bosseur, il n'a de problème avec personne et en même temps, il aura traversé sa carrière d'une façon fabuleuse sur le plan du travail, de l'abnégation, avec un 5e rang mondial, mais pas grand monde s'en souviendra. Il n'a pas eu de chance car il a toujours eu quatre joueurs meilleurs que lui, et en Espagne, il y a Nadal. C'est le meilleur joueur espagnol, derrière Nadal.

Le talent de se battre

Il n'a pas des moyens physiques extraordinaires à l'origine. Mais il est très courageux. Il a un bon entraîneur et a beaucoup travaillé avec Duarte. Il a compris très tôt que, n'ayant pas la puissance d'un Federer, la qualité physique d'un Nadal, la fluidité physique et technique d'un Djokovic, la force de Murray, il devait couper les trajectoires. C'est symbolique de son courage. Il est différent de la filière habituelle en Espagne, car il prend souvent la balle au sommet du rebond, alors que la tradition ibère s'est plus de lift, et une frappe sur balle descendante. Il est un peu comme Ferrero à sa meilleure époque, l'un de ses très bons copains. Il a intelligemment compris qu'il devait développer ce jeu-là, tout en ayant développé d'autres aspects du jeu, comme l'amortie, la volée... Mais il n'aura pas la reconnaissance que son talent mérite.

En France, on oublie trop que le talent peut se nicher là. Il n'est pas que technique ou physique. Ferrer se bat, il utilise ses moyens à bloc, au-delà de ce qu'on pensait qu'il pourrait faire, c'est une forme de grand talent. Il a développé un jeu qui lui correspond le mieux. Qu'est-ce qu'une technique si ce n'est l'expression d'une forme de caractère ? Idem pour la tactique. Les deux ensemble forment la personnalité d'un joueur. Ferrer joue comme il sait le faire, et il se trompe rarement de coup. Mais il n'a pas l'étincelle d'un des quatre premiers."

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