Coronavirus - Valentin Lavillenie : "Sauter me manque fortement"
On a appris avant-hier la prolongation de la suspension des compétitions nationales d'athlétisme jusqu'à fin juillet. Qu'est-ce que cette décision vous inspire ?
Valentin Lavillenie : "C'est une bonne chose. Si on sort fin avril ou fin mai du confinement, on aura tout le temps de se préparer correctement. Il faut être lucide, ça ne sert à rien de sortir du confinement pour faire des compétitions directement. Cette décision est la bonne. Ce qui m'a fait plus mal, c'est le report des Jeux. Ça a été dur à encaisser."
Justement, qu'avez-vous pensé sur le moment de la décision de reporter les Jeux Olympiques de Tokyo ?
VL : "Au moment où le CIO a pris la décision, j'ai eu l'impression que c'était précipité. Mais avec deux semaines de plus et du recul, je pense que c'est une bonne décision également, dans le sens où tous les athlètes n'auraient pas été au même niveau de préparation. Surtout, il a été annoncé que ne seraient pas prises en compte, pour les qualifications aux Jeux, les compétitions qui se dérouleront jusqu'au 30 novembre. Donc on va avoir un laps de temps assez long pour se qualifier. Et puis plus de temps pour se préparer pour être encore plus fort dans un an."
Avec la suspension des compétitions nationales, envisagez-vous de multiplier les compétitions à l'étranger après la sortie du confinement ?
VL : "Dès lors qu'on pourra reprendre les compétitions et que j'estimerai que je suis prêt à sauter, j'irai sauter et peu importe où ce sera. Si les compétitions sont ouvertes et se déroulent en toute sécurité, j'irai les faire, mais je ne veux pas me forcer. Il n'y a pas d'impératif."
"Ce serait logique qu'ils (les championnats d'Europe d'athlétisme) soient reportés de quinze jours au moins"
Êtes-vous inquiet d'un manque de rythme à l'approche des championnats d'Europe qui doivent se dérouler du 25 au 30 août à Paris ?
VL : "Pour le moment, ils n'ont pas été reportés mais je ne pense pas qu'ils seront maintenus aux mêmes dates. Ce serait logique qu'ils soient reportés de quinze jours au moins. Parce que sinon ça va être compliqué de reprendre les compétitions fin juillet et un mois plus tard d'avoir cet événement. Il faudra être fort vite s'ils ne sont pas reportés."
Une petite question devenue rituelle : comment se déroule votre confinement jusque-là ?
VL : "Tout se passe bien, je suis en bonne santé et c'est le plus important. Je ne m'ennuie pas trop, je trouve que ça passe relativement vite. J'essaie de faire le plus de choses possibles pour ne pas être posé à ne rien faire."
Que faites-vous pour vous occuper ?
VL : "Je joue à console, toujours en ligne avec des amis ou mes frères. Je regarde des films, des séries et je mange un peu plus que d'habitude (rires). Les deux premières semaines, je n'ai rien fait du tout, juste après ma période de vacances. Donc je n'ai pas fait de sport pendant trois semaines et demie. Je mangeais n'importe comment, je me suis laissé aller (rires). Mais j'ai repris le sport là, et j'essaie de revenir sur un rythme plus intelligent."
Justement, comme se passe le maintien en forme physique ?
VL : "J'ai la chance d'être proche de mon kiné qui est aussi mon préparateur physique. Tous les jours, entre 17h et 18h, on s'appelle pour faire une heure de sport ensemble. Je fais également une heure de vélo dans la foulée. Donc tous les soirs, je fais entre deux et trois heures de sport. Mais c'est davantage du renforcement général que du vrai sport."
"J'ai cette chance de vite retrouver mon saut"
Vous aviez déclaré que le mois de mars allait être très important pour le physique. Est-ce que ce travail à domicile permet de compenser ?
VL : "Pour le physique, le confinement n'est pas si gênant que ça parce que ça permet de faire du renforcement. À la sortie, si on a fait les choses correctement, on sera prêt à faire une vraie préparation spécifique. L'idée est de courir pour de vrai dès la sortie pour être apte à faire des vraies compétitions trois semaines après."
J'imagine que travailler le saut, c'est compliqué à domicile ?
VL : "Ah oui, c'est sûr (rires). Je suis encore loin du saut, pour l'instant je ne peux pas toucher une perche ou faire quoi que ce soit avec une perche. J'ai hésité à passer le confinement chez Renaud pour m'entraîner avec lui, pour sauter. Mais du coup la perche attendra après le confinement. Mais c'est quelque chose de très personnel : je sais que je n'ai pas besoin de beaucoup sauter régulièrement, contrairement à d'autres perchistes qui en ont extrêmement besoin pour être bon. J'ai cette chance de vite retrouver mon saut. Cet hiver, je protégeais mon pied (le 6 mai 2018, il se blesse au talon en compétition) et je n'ai pas beaucoup sauté. En ce moment, on devait être en stage à San Diego en Californie et faire deux semaines de saut, donc ça va manquer, mais je ne serai pas perdu à la sortie. Par contre, ça me manque fortement. Je n'en ai pas besoin pour être performant, mais en termes affectif, c'est un manque."
Votre blessure au pied gauche ne vous handicape-t-elle d'ailleurs pas trop ?
VL : "Ce qui est bizarre, c'est que quand je n'ai rien fait pendant trois semaines, j'avais vraiment mal et de plus en plus chaque jour. Depuis que j'ai repris, la douleur se stabilise. Quand je vais sortir du confinement, j'aurai mal mais pas plus qu'avant, si ce n'est peut-être moins. Je n'ai pas à me plaindre de mon pied, je ne vais pas me trouver d'excuses. J'ai eu mal toute la saison dernière et ça ne m'a pas empêché de faire de belles choses."
"J'aurais peut-être pu et dû faire une compétition de plus"
Un petit mot sur cette saison qui est tronquée par l'arrêt des compétitions ?
VL : "Ça m'a frustré dans le sens où aux derniers championnats de France, la dernière compétition à laquelle j'ai participé, je sentais qu'il me manquait quelques sauts pour faire une bonne performance. Finalement, j'aurais peut-être pu et dû faire une compétition de plus. Je me sentais bien et je sens que je peux aller plus loin. Sur le coup, c'est vrai que j'étais frustré, mais on ne va pas rester mille ans dessus."
Vous expliquiez il y a quelques semaines que vous n'étiez pas assez "cool" lors des compétitions. Est-ce que le confinement permet de travailler sur cet aspect-là ?
VL : "Je sais qu'après mon accident, je sautais avec beaucoup de plaisir sans chercher à aller haut. Et au final, je sautais haut. Là, ça va être la même chose quand je vais revenir : je vais vouloir sauter pour le plaisir. Ça ne peut être que bénéfique. C'est un peu la même chose, mais sans blessure."
Un petit mot de la fin ?
VL : "Ce ne sera pas très original mais restons chez nous. Et merci bien évidemment à toutes les personnes qui se mobilisent pour surpasser cette crise, que ce soit les personnels soignants ou les personnes qui travaillent encore et qui sont essentiels en ces temps de confinement. Pour les autres, restons chez nous."
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