Coronavirus : Pour les joueurs amateurs de football, l'angoisse de la perte de revenus
"C’est rageant, on a l’impression de se faire couper l’herbe sous le pied alors qu’on était très bon en championnat." Lorsque Enzo Camps, gardien du MDA Chasselay, club pensionnaire de National 2, évoque l’interruption des compétitions et ses premiers jours sans entraînement en raison du confinement, impossible pour lui de ne pas penser à la montée en National qui pointait le bout de son nez en cette fin de saison. Mais rapidement, le jeune portier de 22 ans rappelle la priorité du moment : "L’inquiétude est tellement forte quant à la situation sanitaire que tu mets tout ça au second plan."
L’épidémie de Covid-19 dans le pays a obligé tous les clubs amateurs, à l’instar de bon nombre d’entreprises en France et des clubs professionnels, à cesser temporairement leurs activités. Alors qu’ils devraient être impactés dans les prochains mois par l’interruption des compétitions, les joueurs amateurs vont également pâtir du manque de matches dans les prochaines semaines. Physiquement, bien sûr, même si chacun se doit de suivre un programme physique de maintien en forme transmis par leur club. Mais financièrement, surtout.
Une partie des joueurs amateurs en chômage partiel
Au niveau amateur, certains joueurs possèdent des contrats dits "fédéraux". "Ils sont généralement réservés aux cadres, comme les anciens joueurs professionnels", explique Enzo Camps. À l’image des clubs professionnels, une grande partie des clubs amateurs ont placé ces contrats fédéraux en chômage partiel. Pour les joueurs concernés, qui représentent une minorité parmi les amateurs, la perte n’est pas considérable : comme les salariés des autres secteurs placés en chômage partiel, ils recevront 70% de leur salaire brut, pris en charge par l’État.
Mais les joueurs amateurs n’ont pas la chance de tous posséder ce genre de contrats. La grande majorité d’entre eux sont rémunérés via des primes : de victoire, de matches nuls ou de qualification à tel ou tel tour de Coupe de France par exemple. Avec l’interruption des compétitions, c'est là que les difficultés financières peuvent apparaître.
"Ça va me faire beaucoup de mal financièrement"
"Comme tous les présidents de clubs, j’explique à mes joueurs que ces primes ne représentent qu’un revenu complémentaire, explique François Jacob, président du Blois Football 41, club de N2. Mais je crains que certains ne se reposent que là-dessus pour vivre". Matthieu Dario, défenseur du Stade Bordelais en N2, a bien intégré le conseil : "Je suis surveillant dans un internat à côté du football, donc je ne suis pas trop inquiet". Mais à 22 ans, le joueur formé à l’OGC Nice n’a pas les mêmes contraintes que certains de ses coéquipiers : "Financièrement, ça devrait aller pour moi, mais il y a des pères de famille pour qui ce revenu complémentaire est primordial."
C’est le cas de Mickaël Darnet, attaquant de l’AS Cannes en N3 et préparateur physique de métier, pour qui l’interruption des matches et donc des primes représente un manque à gagner considérable : "J’ai un budget à tenir, avec une femme et deux enfants, et dans ma situation personnelle, ça va me faire beaucoup de mal financièrement". Face à ces difficultés qui pourraient toucher de nombreux joueurs amateurs, François Jacob, le président de Blois, se questionne : "À quelle sauce ces joueurs vont-ils être mangés ? Vont-ils être indemnisés ?"
Retrouver les terrains devient essentiel
Alors que les joueurs tentent de suivre les programmes physiques avec minutie, car "c’est l’équipe qui aura été le plus sérieuse qui reprendra le mieux", selon Enzo Camps, la question se pose toujours de savoir quand la compétition va reprendre. "Je trouve ça compliqué de continuer la saison, juge Pierre Ducasse, milieu du Stade Bordelais et champion de France 2009 avec les Girondins de Bordeaux. Je pense qu’il faut faire l’impasse sur cette saison : si on termine en juillet, on va saborder deux saisons puisque la prochaine débute en août et qu’on la prépare dès juillet."
Mais pour certains joueurs dont les difficultés financières vont s'accumuler à mesure que les matches vont se raréfier, l’essentiel est de reprendre la compétition au plus vite pour toucher à nouveau ce revenu complémentaire basé sur des primes de victoires ou de matches nuls. Retrouver les terrains pour l’argent certes, mais aussi et surtout pour la passion, comme le précise Enzo Camps : "On a qu’une hâte, c’est de pouvoir reprendre. Quand tu fais du football tous les jours, et que d’un coup ça s’arrête, c’est très étrange."
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