Coronavirus : Les tournois sportifs étudiants, les autres victimes du Covid-19
Aux quatre coins de la France, à chaque printemps, ce sont les mêmes rituels. L’herbe reverdit, les bourgeons éclosent et des bus d’étudiants convergent vers des complexes omnisports pour vivre des week-ends aussi sportifs que festifs. Car chaque année, le retour des beaux jours rime avec tournois étudiants omnisports. Des rendez-vous quasi sacrés, où des élèves d’établissements d’enseignements supérieurs d’une même filière se retrouvent pour en découdre tous ensemble. Mais pas cette année.
Annulations en cascades
Face à la pandémie de Covid-19, nombre de manifestations sportives étudiantes ont été annulées. Ainsi, l’IUT de Journalisme de Lannion qui organisait le Tournoi de Football Inter-écoles de journalisme (TFIEJ) a pris sa décision très tôt : "On l’a annulé avant même les annonces du président. Cela aurait été une trop grande prise de risque", juge Lucille, présidente de l’association organisatrice du TFIEJ. Et pour cause : plus de 800 personnes étaient attendues le samedi 28 mars à Rennes, pour une journée de ballon rond suivie d’une soirée commune.
Autre tournoi annulé, le CRIT’ pour Critérium inter-IEP, soit un tournoi multisports qui oppose tous les Sciences Po. "Le CRIT, c’est le rassemblement sportif de près de 2500 étudiants, venus des 10 Sciences Po. C’est un événement qui dure depuis plus de 30 ans et est présenté comme LE moment clé de la vie associative de tous ces étudiants, et de la saison de tous les sportifs concernés", présente Enzo Aubert, co-président de la Fédécrit qui organise l’événement. Prévu début avril à Aix-en-Provence, le CRIT’ n’aura pas lieu. Pas plus que le Challenge Ecricome, une compétition entre six écoles organisée cette année par l’école de commerce Kedge Marseille, du 10 au 13 avril .
Au delà de ces trois exemples, de nombreuses autres compétitions sportives d’étudiants ont dû baisser pavillon en France, et à l’étranger. Les dimensions périscolaires et annuelles de ces rendez-vous les rendant d’ailleurs impossibles à reprogrammer. Ainsi, en Angleterre, la mythique Boat Race n’aura pas lieu. Depuis 1829, cette course d’aviron oppose les prestigieuses universités d’Oxford et Cambridge à chaque début de printemps. Annuelle depuis 1856, elle n’a été annulée que lors des deux guerres mondiales. Mais difficile de maintenir cette course mythique dans la banlieue sud de Londres face à la pandémie de Covid-19, sachant que chaque année environ 500 000 personnes y assistent.
Des mois de travail partis en fumée
Au sein des écoles concernées, ces annulations ont dû être acceptées. "Sans ce tournoi, forcément on ronge notre frein. Tu te fais à l'idée pendant des mois que tu vas aller à Rennes pour casser la baraque. Nos équipes ont le couteau entre les dents. Et finalement : plus rien. C’est frustrant", témoigne Alexis, étudiant bordelais qui devait participer au TFIEJ. Même son de cloche pour Bastien, un lillois qui aurait pu être son adversaire sur le terrain : "Quand j'ai appris l'annulation du tournoi, j’étais dégoûté. Pendant plusieurs minutes, je n'avais même plus envie de parler. J'adore la compétition et j'attendais cette journée avec impatience".
Si la déception s’est faite sentir sur tous les campus concernés, la compréhension de ces décisions a vite suivi. Ce qui n’empêche pas la frustration, comme l’explique Bastien : "Depuis septembre, on s’est levé tous les samedis matin dans le froid lillois pour s’entraîner, pour CE rendez-vous". Et si les équipes et athlètes se préparaient depuis des mois, pour les organisateurs, les efforts étaient encore plus anciens. Ainsi, pour le Challenge Ecricom, ce sont plus de onze mois de travail qui tombent à l’eau : "On a commencé à plancher dessus fin avril 2019, soit juste après l’édition du Challenge 2019. Dès septembre, les choses sérieuses ont commencé, on est passé de 10 à 40 membres dans l’association. Et pour ceux en Master 1, on était à temps plein dessus depuis janvier", raconte Lucas, président de l’organisation.
Quant à la Fédécrit, elle travaillait sur le tournoi depuis février 2019, soit plus d’un an. Et annulation ne rime pas avec vacances pour ces étudiants-organisateurs, qui doivent maintenant désorganiser et rembourser les participants. Tout un programme. "Heureusement, avec le décret prononcé par le gouvernement, qui institue le cas de force majeur, on est sauvé puisqu’on est remboursé par tous nos prestataires, donc on peut rembourser les participants", souffle Lucas, président d’un Challenge Ecricome à 300 000 euros de budget, quand même.
Une fin d'année gâchée
Outre le travail parfois colossal d’organisation en amont, la déception se justifie aussi par le caractère parfois unique, du moins rare, de ces événements dans une vie. "Pour ma part, c’était ma seule chance de participer au TFIEJ" regrette déjà Bastien, numéro dix de l’ESJ Lille. Car un tournoi étudiant, par définition, n’est ouvert qu’aux étudiants. Ou aux tout juste anciens étudiants : "On a hâte que les prochains organisateurs du TFIEJ 2021 prennent la relève et offrent à tout le monde un tournoi qualitatif, et même nous, qui seront diplômés d’ici là, c’est un événement qu’on ne manquera pas", prévient Marine Veillé, de l’IUT de Lannion.
De là à dire que l’année a perdu de sa saveur ? "Ça change la fin d’année, et même au-delà. Le tournoi, c’est l’occasion de créer des liens forts entre les promos, de superbes souvenirs qui unissent. C’est souvent LE truc dont on parle aux futurs étudiants admissibles. En fait, c’est un événement présent quasiment au quotidien dans l’école, que ce soit pour les athlètes, organisateurs et supporters", résume Lucas.
Plus que des simples tournois suivis de troisième mi-temps envolées, ces confrontations sportives entre étudiants deviennent alors le souvenir commun d’une promotion. Cette année, la plupart n’aura pas lieu. Certes, les étudiants en début de cursus pourront toujours ramener la coupe à la maison l’année prochaine, mais ceux en fin de parcours se voient ainsi privés de leur dernier gros week-end de fête d’étudiants. Même si une majorité d'entre eux promet déjà de revenir l’année prochaine, "en tant qu’anciens". Cela tombe bien, tous les acteurs s’accordent tous sur un même point : "L'édition prochaine n'en sera que plus belle".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.