Coronavirus : Carnet de bord - Episode 5. Emeline Gros, du terrain de rugby à l'Ehpad
Cette nouvelle semaine au coeur de l’Ehpad des Ecrins à Vizille (Isère), a été marquée, comme partout en France par l’annonce des mesures de déconfinement. Un déconfinement progressif qui a beaucoup interrogé les résidents. “Ceux qui ont conscience de la situation nous posent beaucoup de questions sur les modalités du déconfinement, s’ils vont pouvoir revoir leurs proches. Ils le comprennent et l’acceptent bien car ils savent que ce virus est très contagieux. Une des résidentes m’a même dit ‘je préfère me protéger et protéger les autres, et quand tout sera terminé, j'aurai le temps de voir mes enfants’", rapporte Emeline Gros, joueuse du FC Grenoble Amazones et infirmière.
Si le pays va commencer à repartir, il est encore trop tôt pour procéder à un déconfinement dans les Ehpad. Alors, pour le moment les visites des familles restent très réglementées. Réunis dans une salle dédiée, et séparés par un plexiglas, résidents et proches peuvent se retrouver le temps d’une trentaine de minutes. “Une des résidentes a pu revoir sa fille cette semaine, et elle était très émue. Le plexiglas instaurait une barrière, mais le moment était malgré tout très fort. Elle et sa fille étaient si émues, qu’elles n’ont pu retenir leurs larmes”, confie Emeline Gros. En attendant de nouvelles consignes du gouvernement, la direction a déjà commencé à réfléchir à une organisation pour des visites aux règles assouplies, en plein air et sans plexiglas.
La crainte d’une deuxième vague
Avec le début du déconfinement ce lundi, Emeline Gros craint un regain de l'épidémie du coronavirus. “Même avant le début du déconfinement, je voyais déjà beaucoup de monde dehors. En tant que soignant, j’ai peur d’une nouvelle vague.” Même si l’Isère est en zone verte, Emeline rappelle qu’il faut encore rester vigilants et ne pas relâcher ses efforts.
“La prime pour le personnel des Ehpad est un pas vers nous, c’est certain. Mais nous, nous voulons une reconnaissance sur le long terme”
Au-delà des modalités du déconfinement présentées jeudi 7 mai, Olivier Véran, le ministre de la santé, a également annoncé le versement d’une prime pour tous les personnels des Ehpad. Celle-ci sera de 1 500 euros dans les 33 départements les plus touchés par l'épidémie et de 1 000 euros dans les autres. Emeline Gros, travaillant en tant qu’infirmière dans un Ehpad en Isère, un des départements les moins touchés par le virus, devrait donc percevoir une prime de 1000 euros.
Un geste salué par la jeune infirmière mais bien insuffisant selon elle face aux réalités du terrain. “C’est une bonne nouvelle et c’est un pas vers nous, c’est certain. Mais nous, nous voulons une reconnaissance sur le long terme, une revalorisation des salaires, l’ouverture de nouveaux postes, et qu’on puisse être soulagés au niveau de la charge de travail, tranche-t-elle. Le covid-19 peut certes augmenter la charge de travail en ce moment, mais en Ehpad, c’est quotidien. Et tous les ans, on doit faire attention aux maladies, comme les grippes ou les gastros, pour protéger les résidents.”
Des attentions qui font du bien au moral
Dans ce contexte si particulier, ce qui fait tenir Emeline et ses collègues, c’est l’absence de cas covid dans l’Ehpad. Les précautions et le travail minutieux de chacun a permis de protéger l’ensemble des résidents, une fierté pour la jeune infirmière. Et les proches des résidents ne manquent pas de les en remercier. Presque chaque semaine, le personnel reçoit des petites attentions. “Cette semaine, la famille d’une résidente nous a offert une orchidée. On a aussi reçu une carte d’une autre famille pour nous remercier du travail que l’on faisait au quotidien. Ces gestes font chaud au coeur, confie Emeline Gros. On parle beaucoup des centres hospitaliers parce que leurs services sont surchargés. Et parfois, on oublie un peu les Ehpad, alors ça met du baume au coeur.”
Ce qui mettra aussi bientôt du baume au coeur d’Emeline, c’est de pouvoir revoir sa famille qu’elle n’a pas vu depuis plus de deux mois. Dès le confinement levé, Emeline ira donc voir ses parents en Savoie. “Je tiens compte du ratio bénéfices-risques. Je considère que je peux aller les voir sans prendre trop de risques, car ils sont en zone verte comme moi, dans une maison à la campagne et ils sont peu sortis pendant le confinement”, explique Emeline, qui continue à être prudente pour protéger les résidents. Pour les sorties entre amis, Emeline avoue qu’elle attendra peut-être encore un peu. “Si les conditions ne sont pas remplies pour être en sécurité, je préfère encore me priver et ne pas sortir quelques temps, pour être certaine de ne pas attraper le virus et le transmettre aux résidents. Ma plus grande crainte c’est de le contracter et le transmettre à l’Ehpad.”
La difficile attente du retour sur les terrains
Pour le sport, en revanche, pas question d’attendre. Emeline n’a qu’une hâte, celle de retourner courir et de reprendre le ballon ovale. Même si elle devra encore patienter un peu pour fouler de nouveau un terrain de rugby. Les prochaines semaines restent encore floues et la troisième ligne ne sait pas encore quand elle pourra retrouver ses coéquipières à l’entraînement.
En tant que sportive de haut niveau, Emeline essaye de garder un rythme régulier d'entraînement, même si ce n’est pas toujours évident de lui trouver une place dans son planning de soignant en ce moment. “Ma semaine a été bien remplie et j’étais fatiguée. J’ai donc fait l’impasse pendant deux jours, mais j’ai rattrapé le week-end qui a suivi”, précise la troisième ligne du FC Grenoble.
En attendant le retour au terrain, elle a repris le programme du préparateur physique de l’équipe des Amazones, qu’elle mêle toujours à des exercices mis en ligne sur les réseaux sociaux. “J’ai trouvé des comptes de sportifs qui proposent des programmes très complets et qui ajoutent, en plus du cardio et du renforcement musculaire, des exercices de relaxation, qui font beaucoup de bien.” Motivée, la jeune femme ne perd pas son objectif, reprendre le rugby le plus vite possible. “Les séances à la maison c’est bien, mais ce n’est pas pareil. Le rugby et l’ambiance du collectif me manquent beaucoup, souffle-t-elle. C'est dans ce genre de situation qu'on se rend compte qu'un sport collectif nous colle à la peau.”
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