Comment la nuit a ajouté une dimension épique à Roland-Garros
Une image : Rafael Nadal, dans la nuit du Chatrier. Une autre : Hugo Gaston, après son duel épique face à Dominic Thiem. Cette année, il y a eu quelques moments d'anthologie à Roland-Garros. La plupart ont eu lieu la nuit, comme si tout avait été écrit pour que le toit et les lumières soient mis en avant dès leur première année. C'est désormais acté : comme à l'US Open et à l'Open d'Australie, la dramaturgie de la nuit magnifiera, chaque année, certains matchs.
De l'importance de l'atmosphère
Ça tient à peu de choses, un souvenir qui, parmi mille autres, va résister au temps. Les chanceux présents lors de la formidable soirée de mardi, qui a vu Diego Schwartzman triompher de Dominic Thiem au bout de la plus âpre bataille du tournoi, avant d'assister au centième match de Rafael Nadal à Roland-Garros jusqu'à plus d'une heure du matin, pourront en attester. Ce n'est pas forcément lié à la qualité du spectacle proposé : Nadal a été défié pendant un set très agréable, avant de dérouler à partir de la moitié du 2e set face au jeune Jannik Sinner.
Non, ce qui fait que les spectateurs se souviendront de leur soirée sur le Chatrier tient plus au contexte. L'excitation de l'inattendu d'abord : personne n'imaginait que ça jouerait encore au tennis à minuit passé avant de commencer la journée. On était sortis de ce qui était prévu, programmé. Qui savait jusqu'où le match irait ? Comme quand, en revenant d'un voyage, on évoque d'abord et avant tout les anecdotes qui ont failli tout faire déraper, plutôt que les visites programmées et effectuées dans l'ordre. Les programmations sans limite d'heure, c'est aussi ça : laisser un peu de place à l'imprévu et au chaos. Nous sommes d'ailleurs allés interroger des spectateurs dans l'attente du match de Nadal. Congelés, parfois affamés, ils envisageaient tous les scénarios pour le dernier match ; et plus le match devait durer, plus leurs yeux étincelaient.
Ce sont les mêmes regards que l'on a croisés sur le petit court 7, en début de première semaine, lorsque Clara Burel, la Française de 19 ans, a, la première, repoussé les limites de la programmation pour boucler son match au-delà de minuit. Ils étaient à peu près une vingtaine à se réchauffer mutuellement sur les gradins du 7, alors qu'il y en avait à peine plus sur le Chatrier pour les matchs principaux de la journée.
Le tennis magnifié
Clara Burel a su, comme Hugo Gaston plus tard, mettre pleinement à profit cette atmosphère nocturne très particulière. Aurait-elle tenu dans le deuxième tie-break du match si ce match avait été joué dans l'anonymat d'un match à 14h ? Hugo Gaston se serait-il senti porter de la même manière par le public quand il a été mené deux sets à zéro et qu'il s'est battu ? Ces matchs auraient-ils été si épiques et beaux s'ils avaient dû être interrompus, ou tout simplement pas lancés du tout, et reportés au lendemain matin 11h ? Peut-être. Sûrement. Mais il ne serait pas étonnant qu'inconsciemment, joueurs et spectateurs soient autrement plus investis lorsqu'ils sentent le souffle de l'épique.
Car c'est bien de cela dont il s'agit : d'épique. D'épopée. Les spectateurs qui viennent au stade ne se déplacent pas seulement pour voir une flopée de joueurs se succéder sur le court. Ils viennent pour avoir une histoire à raconter une fois chez eux, à la famille, aux amis, qui auront tous des étoiles dans les yeux à les écouter. Les joueurs aussi, ne sont pas là seulement pour la victoire (pas tous en tout cas). Ils cherchent des histoires à garder. Et les nuits sont là pour ça : elles enjolivent les détails, elles font surgir de l'extraordinaire du commun, elles donnent un souffle, une impulsion.
A partir de 2021, il y aura des sessions nocturnes à Roland-Garros, comme à l'Open d'Australie ou à l'US Open. Ce qui veut dire que certains matchs seront programmés à 19h ou 20h, et pas avant. Ça rajoutera certes du cadre, du prévu, à l'inattendu. Mais on peut déjà s'en délecter : certains iront, à coup sûr, jusqu'au bout de la nuit. Et constitueront de nouvelles pages d'histoire pour le tournoi ; des pages qui n'auraient pas été écrites si les matchs devaient tous s'arrêter à 21h pétantes.
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