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"Retrouver la sensation de ne plus être sur terre" : Dans le sillage des kayakistes de retour sur l'eau

Depuis le début du déconfinement, le 11 mai dernier, le sport en club et en pratique libre redémarre progressivement. Les gestes barrières, adaptés à chaque sport par les Fédérations concernées, changent considérablement la manière dont les différentes disciplines sont pratiquées. Premier volet de notre série : au domaine de Blangy, dans l'Aisne, l'activité kayak reprend peu à peu son rythme de croisière, et s'adapte aux mesures barrières.
Article rédigé par Guillaume Poisson
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
 

L’Oise les connaît bien, ces premières semaines de printemps. C’est le tout début de la saison des sports de rivière. L'heure des kayakistes en herbe qui profitent des beaux week-ends pour s'essayer à la glisse aquatique. Cette année, pourtant, les familles n'affluent pas. Cela fait plus de dix jours que la Fédération française de kayak a autorisé la pratique de ce sport nautique majoritairement solitaire et pratiqué en plein air. Mais les amateurs rechignent encore à sortir les embarcations.

Kayak en étang

Sur la rivière, les quelques rapides sont vierges de toute embarcation. Il faut remonter jusqu'à l'étang qui surplombe les premières chutes de Blangy pour trouver quelques kayakistes. Quatre ou cinq pagayeurs font des boucles dans une eau un peu brune et très calme. Ce sont les membres du groupe "national" du club de kayak, dont certains sont parmi les 40 meilleurs pagayeurs de France. "Ce sont les seuls à avoir repris : c'est parce qu'ils ont leur propre matériel, dit Laurent Karmusik, gérant du club de canoë kayak, tout en s'installant lui-même dans son kayak. On a préféré attendre les prochaines consignes pour ouvrir les autres catégories. Quand les enfants vont reprendre, ce sera plus dur à gérer car il faudra leur donner le matériel du club et donc,  faire des désinfections régulières". 

 

Le kayak étant naturellement un sport où les embarcations ont intérêt à rester éloignées les unes des autres, les gestes barrières "n'ont pas vraiment d'influence" sur la navigation. En revanche, même ces athlètes de haut niveau doivent pour l'instant se contenter de la navigation en étang. "Si on descend la rivière, pour revenir au club, il faudra une voiture, explique Laurent Karmusik. Et le transport de plusieurs personnes va évidemment à l'encontre des gestes barrières". 

Dans le hangar de rangement du club, Valentin, 16 ans, s'affaire. Penché sur l'ouverture de son embarcation, une vieille radio à ses pieds, il semble extrêmement concentré. "Ah, oui, c'est la reprise, lâche-t-il, les yeux grands ouverts comme s'il sortait d'une profonde rêverie. Après deux mois sans pratique, ça me fera un petit choc je pense, de retrouver cette sensation de ne plus être sur terre".

 

Il ne se pressera pas, Valentin. Son bateau a besoin de quelques retouches après une longue hibernation. "Le cockpit et la trappe de caisson doivent être refaits. Ça prendra deux, trois semaines. Je reprendrai ensuite", affirme-t-il. Qualifié pour les championnats de France dans sa catégorie, il préfère prendre "le temps qu'il faut" pour retrouver l'eau.

Soleil et frilosité

"Vous tombez mal, c'est le calme plat aujourd'hui !" lance un trentenaire à la barbe bien fournie, à l'entrée du club-house. C'est Samuel Patin, le président de l'association Thiérache Sports Nature (TSN) dont fait partie le club de kayak, et il vient de ranger son matériel d'accueil. "Je l'avais installé ce matin, mais il a plu. Personne n'est venu". Au club, il y a la section entraînement. Et puis il y a celle des loisirs et du tourisme, conséquente dans le fonctionnement de l'association.

"Les gens reculaient de dix pas"

Le Domaine de Blangy reste une sortie familiale, et l'association table une bonne partie de son chiffre d'affaires sur ces familles qui s'essayent, le temps d'une journée ou d'un week-end, au kayak. Pour Samuel, s'il n'y a pas foule, c'est non seulement à cause du mauvais temps, mais aussi en raison d'une certaine frilosité de la part des amateurs habituels. "Quand, après le déconfinement, on allait vers les gens pour leur proposer de faire un tour, c'était limite s'ils ne bondissaient pas dix pas en arrière."

Si marcher dans les rues redevient, petit à petit, normal, les activités de loisirs, surtout quand elles impliquent une manipulation d'objets partagés, provoquent encore une certaine méfiance. Luc, par exemple, casquette Nike retournée et baskets un peu terreuses, se contente encore de simples balades avec ses enfants autour de l'étang.  "Oh, c'est un peu notre routine de venir ici à chaque printemps avec les gamins", lâche-t-il, l'air perpétuellement amusé. "Là, je ne sais pas, je ne suis pas à l'aise avec le fait de faire mes enfants toucher un bateau que d'autres ont déjà utilisé, même si je sais que tout est sûrement fait dans les règles. On attendra un peu, on n'est pas pressés non plus !" 

Désinfection méthodique des kayaks

Le dispositif mis en place par Samuel laisse pourtant penser qu'effectivement, rien n'est à craindre. Deux grands bacs encadrent une table placée à l'entrée du club. On y trouve gel hydroalcoolique et gants. Le premier bac est vert pomme, il contient les pagaies lavées et désinfectées. Le deuxième est rouge, et l'équipe de TSN y range les pagaies qui ont déjà servi et qui doivent être nettoyées. Sur le côté, quelques kayaks sont retournés dans le gazon et sèchent lentement. "On les laisse inutilisés pendant deux jours, alors que les études montrent que le virus meurt au bout de six heures sur cette matière. On est donc plus que prudents", se félicite Samuel.

 

Le problème, c'est que cette méthode très précautionneuse n'est parfaitement tenable que quand les flux sont maigres, comme c'est le cas depuis le début du déconfinement. Mais l'affaire sera autrement plus compliquée à gérer si l'été amène les foules habituelles. "En temps normal, l'été, on a jusqu'à 450 personnes par jour pour les kayaks. Avec cette méthode de nettoyage et de désinfection, on peut accueillir un maximum de 200 personnes par jour". Pour autant, Samuel ne s'inquiète pas encore outre-mesure : "On attend les prochaines annonces gouvernementales. Chaque chose en son temps".

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